Edito / Le pouvoir du pagne


Car si les trente dernières années ont permis d’infléchir la forte mortalité des mamans et des nourrissons du continent, les chiffres font encore froid dans le dos. L’Afrique reste le continent où on meurt le plus, où on a le plus faim, où on est le plus malade,  où on est le moins instruit. Soixante mille africaines meurent chaque année des complications de l’avortement clandestin. C’est l’équivalent d’un jumbo jet plein à craquer qui s’écrase tous les jours. Et rien que dans l’Ouest et le Centre du continent, vint mille femmes meurent chaque année en donnant la vie. Parmi celles qui survivent, une bonne proportion vivra les séquelles de la grossesse et de l’accouchement. Enfin, trop d’enfants continuent à mourir dont les deux tiers avant leur premier anniversaire.

Chantal Compaoré, première dame du Burkina Faso, avait déploré la lenteur des progrès lors de la huitième rencontre du groupe à Ouagadougou en septembre 2010. Un an après, c’est Madame Touré Lobbo Traoré, sage-femme de son état, -donc dans son élément- qui reçoit le lobby normalement puissant des épouses de nos chef d’Etat. En somme Bamako reprend l’histoire là où elle l’avait laissée en 2001. Nul doute là-dessus, l’engagement des premières dames sur ce front peut et doit faire la différence. Le travail pionnier d’une de leurs aînées, Adame Ba Konaré, sur le front très interpellateur de la fistule en est l’illustration la plus éloquente.

Car la tragédie des femmes mourant en couche, celle des enfants qui n’ont pas vagi ou eu l’opportunité de marcher n’est aucunement une fatalité. Mais elle n’est pas une cause, elle est une conséquence. Elle est la conséquence, plus que du manque d’équipement, de l’incurie croissante d’un personnel médical de moins en moins attaché au serment d’Hippocrate ou à la rigueur du diagnostic. Sans qu’on puisse leur jeter la pierre à eux tout seuls puisqu’ ils ne sont que les éléments d’ensembles eux-mêmes gangrénés. Elle est la conséquence aussi et surtout d’une vision en pièces détachées de la santé publique qui circonscrit, en général, la santé et les droits de la reproduction.

Car en vérité, le planning familial repositionné et intégré est la réponse en amont au fléau que Bamako discute ce matin, avortements clandestins, décès en couche et mortalité néonatale résultant très souvent du besoin non satisfait de contraception et aussi de la persistance de la pratique de l’excision, une question tabou de nos dirigeants face aux conservateurs sociaux. Les Soviétiques au faîte de leur puissance avaient, une fois dit aux Américains élogieux devant le condom que le meilleur contraceptif était le développement, l’opinion africaine pourrait dire aujourd’hui à ses premières dames : « faites que vos maris appliquent la déclaration de Khartoum de janvier 2006 où l’Union africaine, elle, a pris son courage à deux mains ».  Ce sera la preuve de plus que l’Afrique qui gagne viendra du pouvoir du pagne.

Adam Thiam

Le Républicain 06/10/2011