Discours d’investiture de Dioncounda Traoré

Mais toutes les nations ont leurs moments difficiles et le Mali qui vient de fêter son cinquantenaire il y a de cela moins de deux ans n’a jamais connu de moments plus difficiles. Puisque c’est son existence même en tant que Nation, en tant qu’Etat, en tant que territoire qui est en jeu.

C’est pourquoi je voudrais avoir une pensée émue à l’égard de nos soldats morts au front, sauvagement assassinés, à l’égard de toutes les personnes qui ont perdu leur vie, leurs proches, leurs biens. La Patrie se souviendra de leur sacrifice.

Aucune volonté n’est de trop pour amener l’Etat, le Pays et à la Nation à surmonter les graves épreuves de l’heure.

Chaque main est utile pour reconstruire brique après brique l’édifice commun dont nous étions si fiers et qui s’est révélé si fragile !

Je veux parler du Mali, notre Mali commun, fort de tous ses brassages, riches de sa diversité, solide dans ses fondements, mais hélas ébranlé par les coups que nous même nous lui assenons.

Je veux parler de notre processus de démocratisation. Nous le savions perfectible. Nous en savions les acquis encore fragiles, mais peu d’entre nous imaginaient à quel point il était vulnérable !

Nous aurons besoin du concours de tous  et de chacun, femmes, hommes, jeunes et vieux pour recouvrer notre liberté, notre intégrité et notre dignité.

Pour ma part, Monsieur le Président et chers compatriotes, je mesure dans toutes les dimensions les défis qui sont aujourd’hui ceux de la République du Mali. Mais le sort a voulu que je sois là ce matin, investi comme Chef de l’Etat. Je ne me déroberai ni à mon destin ni à mes responsabilités.

Il ne saurait y avoir pour moi que le Mali, qu’un Mali ressaisi, un Mali  réunifié territorialement, humainement et spirituellement.

Le tissu national est éprouvé, le recoudre demandera un immense effort de nous tous et de nous toutes.

J’ai  l’honneur et la fierté d’accepter d’être l’aiguille et à tous les maliens et à toutes les maliennes de la classe politique, des organisations de la société civile, à nos corps en tenue, je dis ceci : Si tous oublient leur ego, si tous oublient leurs appétits, leurs ambitions, leurs calculs et leurs supputations du moment alors ils seront sans aucun doute ce fil dont l’aiguille a besoin pour coudre !

Le bateau Mali, vient d’essuyer une lame d’une violence inouïe mais il n’a pas chaviré et il ne coulera pas.

Mes chers compatriotes, j’accepte d’être pour un temps le capitaine de ce bateau au bord duquel nous nous trouvons tous, je compte sur vous tous et vous toutes pour le mener à bon port.

Monsieur le Président, chers compatriotes,

J’ai conscience d’être le Président d’un pays en guerre qui doit retrouver la paix sans tarder. Je crois en cette paix dans un pays où la seule vraie guerre devrait être celle qu’il doit mener contre tous les manques, contre la précarité, contre le faible taux d’éducation, contre le faible accès aux centres de santé et à  l’eau potable, contre la corruption et l’injustice.

Je suis le Président d’un pays qui aime la paix et qui appelle tous nos frères et sœurs des mouvements rebelles à revenir sous l’arbre à palabre, à rentrer dans les rangs et à renforcer cette nation au lieu de la diviser.

Je leur demande d’arrêter toutes ces exactions, ces pillages, ces viols.

Je leur demande de quitter ici et maintenant, pacifiquement les cités qu’ils ont occupées.

Je le leur demande avec insistance et je le leur demande avec fermeté.

Le Mali démocratique ne peut être sourd aux griefs de ses citoyens. Pourvu qu’ils soient connus et exprimés, non par la violence dont personne ne peut prévoir les conséquences, mais par le dialogue qui est un trait fondamental de nos cultures, de toutes nos cultures.

Mon vœu est que cet appel soit entendu et qu’il lui soit donné suite par le Mouvement National de Libération de l’Azaouad et Ansardine.

Car je suis aussi désormais le Président d’un Peuple dont le sens de l’honneur et de la dignité, ne s’est jamais démenti le long des siècles au fil de l’histoire.

Nous n’hésiterons pas à mener une guerre totale et implacable pour recouvrer notre intégrité territoriale mais aussi pour bouter hors de nos frontières tous ces envahisseurs porteurs de désolation et de misère, que sont AQMI, et tous ces trafiquants de drogues qui opèrent depuis trop longtemps dans le Nord de notre pays de même que tous ces preneurs d’otages qui discréditent notre pays et portent un préjudice incommensurable à notre développement.

Cela doit être compris de tous : nous ne négocierons jamais la partition du Mali.

De Tinzawaten à Diboli le Mali restera un et indivisible, de Zégoua à Anderaboukane, ce sera le même drapeau, le même hymne, les mêmes joies, les mêmes peines, le même Mali.

Les cultures et les groupes sont divers certes mais par un processus revitalisé de décentralisation qui accélère la  dévolution du pouvoir aux citoyens nous pouvons régler toutes les questions qui nous opposent aujourd’hui.

La Nation malienne existe à Tessalit, elle existe à Aguel-hoc, elle existe à Léré, à Gao et à Tombouctou.                              

Nous préférons la paix mais si la guerre est la seule issue nous la ferons.

Nous la ferons avec notre armée remise en condition et en confiance.

Elle se battra entre les dunes, elle se battra sur les collines et dans la plaine et nous serons tous derrière elle jusqu’à la victoire finale celle du Mali qui a recouvré tout son territoire et retrouvé sa laïcité.

Ce combat, elle le mènera aussi avec le soutien de notre sous région et l’Afrique toute entière, elle le mènera avec l’aide et l’accompagnement de l’Union Européenne et de la Communauté Internationale.

Monsieur le Président, Chers compatriotes,

Que dire des prochaines élections générales ? Nous devrons bien entendu après avoir fait un état des lieux réaliser les conditions de  leur tenue avec un fichier électoral  crédible et sur l’ensemble du territoire.

Monsieur le Président, Chers compatriotes,

Hormis les questions de gouvernance courantes, je mettrai l’accent sur la nécessité pour le Gouvernement qui sera mis en place dans les jours à venir, de prendre toutes les dispositions utiles pour éviter les pénuries alimentaires et assurer l’accès aux produits de première nécessité en cette année où les récoltes ont été fortement déficitaires.

Je voudrais enfin Monsieur le Président terminer par les remerciements.

–          Remerciements à la CEDEAO dont la solidarité agissante dans le ferme respect des fondamentaux aura permis ce retour à l’ordre constitutionnel. Je voudrais remercier en particulier son Président en exercice, Le Président Alassane Dramane OUATTARA, Président de la Côte d’Ivoire et le médiateur designé de la crise le Président Blaise COMPAORE, Président du Faso. Qu’il vous plaise que je mentionne également l’effort des émissaires, les Ministres Yipènè Djibril BASSOLE et Adama BICTOGO qui malgré la délicatesse de leur mission, n’ont jamais cédé au découragement.

–          Remerciements à l’Union Africaine pour sa diligente solidarité.

–          Remerciements à l’Union Européenne et à l’ensemble de la Communauté Internationale à travers les Nations-Unies et leurs Chancelleries dans la capitale malienne. Toutes ont montrées à quel point elles étaient attachées à l’intégrité territoriale du Mali et à sa démocratie.

–          Remerciements également aux membres du CNRDRE et à l’ensemble de l’armée malienne pour leur engagement ô combien patriotique !

En acceptant la formule qui rend possible la cérémonie de ce matin, elle a donné ainsi la preuve qu’elle n’a agit que par amour pour son pays et qu’elle place le Mali au dessus de tout.

Le Peuple du Mali compte encore et toujours sur eux pour que le Mali continue d’être.

Vive le Mali, uni et indivisible

Vive la démocratie

Vive l’Afrique unie et solidaire


Je vous remercie

 

L’Indicateur Du Renouveau 13/04/2012