Dioncounda : Mali président ?

 

Ensuite en 2002, l’équipe d’Att n’avait choisi la salle mythique que pour y projeter le documentaire le « Serment » réalisé par Souleymane Cissé sur l’homme du 26 mars. En 2011, Dioncounda Traoré s’y est retrouvé parce que le Palais des Congrès n’était pas disponible. C’est mauvais signe, car révélateur de problèmes d’organisation et d’anticipation, ces précieux antidotes à l’amateurisme. Autre différence avec la cérémonie de 2002 au Babemba: samedi, l’Adema n’a pas impressionné par la ferveur, l’émotion et cette forme de passion contagieuse qui  enflamme les publics de militants. Sauf  quand elle fut face à sa marque de fabrique : « pissanci, adema pissanci » le refrain connu dont l’artiste du jour – ce n’est pas une tête d’affiche- entrecoupait son élégie à la gloire de Tiramakan.

Encore un Touramakan ?

Un ancêtre heureux ! Car si son descendant plébiscité par les délégués est élu, il sera le deuxième Traoré à diriger le Mali. Or, il n’en serait pas loin, à en croire le brillant numéro de… numérologie auquel s’est adonné un maître de cérémonie qui voit la main de Dieu derrière l’Adema. Il est vrai que l’enfant de Nara a eu plusieurs fortunes. Fils d’un officier supérieur de l’armée coloniale et malienne, à soixante dix ans, il a encore la chance de pouvoir saluer sa mère le matin et mieux, comme l’atteste un de ses amis d’enfance, de lui apporter son assiette. Jeunesse heureuse : l’adolescent se déplace en voiture, déjà en ces années-là. Qui plus est, c’est un élève doué.

Les maths le fascinent et il leur consacre un doctorat obtenu avec mention très honorable. Mise, allure, coiffure,  on dirait un dandy mais il détonne. Il fait sa formation militaire et obtient son brevet de parachutiste avant de sauter dans le syndicalisme estudiantin et d’opter pour le très ingrat métier d’universitaire. Il connaît les logarithmes mais nous sommes en pleine guerre froide. Et il épouse les causes tiermondistes et la lutte progressiste, lui qui vécut en Urss, en Algérie et dans la France de l’après mai 68 immédiat. Il est un solitaire qui ne revendique aucun des partis clandestins de l’époque de la dictature Cmln. Mais il milite et est jeté en prison deux fois et connaîtra les privations. Début 1980, il sera même déporté au Nord avec, entre autres, Tiebilé Dramé si jeune à l’époque que Dioncounda Traoré le baptisera « Benjamin ». La prison n’est pas une fortune. Mais elle donne au candidat de l’Adema une légitimité irréfutable. Autre atout: il est l’interface du mouvement démocratique avec Att qu’il fréquente bien avant que celui-ci prenne le pouvoir en 1991. Ce sont des liens qui ne s’oublient pas. Enfin, avec Alpha Oumar Konaré,  il milite dans l’Adema en 1990. Elu, l’historien appelle le matheux au gouvernement -Fonction publique Défense, puis Affaires Etrangères-, le pressent au perchoir, plus tard, avant de trancher pour Ali Nouhoun Diallo.

La théorie du candidat par défaut

Le parti vit trois grandes crises qui entraînent la démission de deux de ses présidents (Mamadou Lamine Traoré puis Ibrahim Boubacar Keita) ainsi que celle de son candidat à la présidentielle de 2002, Soumaila Cissé, qui dénonce une trahison.  Ces épreuves révèlent la personnalité du mathématicien qui devient un recours pour toutes les parties.

Il est la carte de Konaré  pour présider le parti en 2000 et l’Assemblée nationale en 2007. Dernière fortune du candidat : son parti. Celui-ci, sur la durée, a beaucoup perdu de sa graisse -en 1997, il avait 128 députés sur 147 et en 1998 il remporte les municipales dans 16 communes urbaines sur 19. Mais encore en 2011, il est le plus grand parti du pays, avec 51 députés sur 147 et 3464 conseillers municipaux sur 10 000. Son suivant immédiat, l’Urd, compte, elle, 34 députés et 2173 conseillers municipaux. L’effet Adema jouera donc et ce qui ne gâte rien, il est admis que ce « parti est une machine électorale ». La machine grince quelques fois pourtant.

Son principal défi a toujours été sa cohésion et son unité depuis 2000. Le château a plusieurs barons et tout y donne une légitimité respectée : la lutte clandestine,  la proximité réelle ou simulée avec Aok ou Att, le fait de siéger au gouvernement, l’argent d’où qu’il vienne. Alors qu’il n’a aucun problème de légitimité historique, le principal défi de Dioncounda sera de rallier autour de lui les différents « chefs de guerre » de son parti. Il a eu l’entregent du Vrp pour ressouder le parti. Il lui faut maintenant l’autorité du gardien du temple pour taper sur les doigts. Ceux qui le connaissent disent qu’il « sait s’assumer ». Et ils s’insurgent contre la thèse du candidat par défaut qui insinue que l’homme ne vaut pas grand-chose, et plus grave, qu’il vaut mieux que tous les autres à l’Adema. Avec un tel parcours, en effet, on est partout ailleurs un morceau de choix, surtout si on ne traîne pas de casseroles.

Et pour le charisme ? L’entourage de l’homme concède qu’il lui faut maintenant se forger une image de présidentiable rassurant mais évite de dire s’il trouve l’homme charismatique ou non. Combien de « charismatiques » ont-il été recalés dans les urnes, demandent-ils  avant d’appeler à analyser de très près la dernière photo de famille des présidents africains. Reste que Dioncounda a le syndrome du premier de la classe auquel la société ne pardonne pas beaucoup : sa sérénité peut ressembler à de l’arrogance,  son sourire à une moquerie, ses réserves à de l’insouciance et son silence à un mépris. Tout cela n’est que peccadille. L’organisation méthodique de la campagne ainsi que les ressources pour la financer à temps sont les déterminants de la victoire de l’Adema en 2012. Dioncounda  à cet égard est en lui seul un petit trésor  s’il est au second tour. De l’Urd au Rpm en passant par le Cnid et le Parena -pour le Pdes, c’est à vérifier-, il rassemblerait plus facilement autour de lui.

Adam Thiam

Le Républicain 01/08/2011