Des dizaines de milliers d’enfants et consommateurs sacrifiés à l’autel « du partenariat»

Environ 138.000 enfants maliens, selon des chiffres communiqués par le Pam, « bénéficient » aujourd’hui du programme des « cantines scolaires », programme à l’origine du scandale. C’est autant de victimes potentielles qui l’ont échappée belle – peut-être pas d’ailleurs.  

Selon plusieurs sources contactées par Ouestafnews, c’est au cours d’un contrôle menée par des agents de la Direction nationale de l’agriculture en septembre 2010, que de l’huile déjà périmée depuis le mois d’août 2010, a été trouvée dans les stocks de la représentation du Pam au Mali. De même d’ailleurs qu’une quantité de sucre qui était à deux mois d’expirer. L’huile sera placée « sous scellé» en attendant la suite…  

A ce scandale de nature humanitaro-consumériste, révélée par la presse malienne, vient se greffer un autre scandale de « détournement » de stocks, que révèlent les investigations d’Ouestafnews, un scandale dans le scandale, et que le Pam utilise aujourd’hui comme excuse pour justifier son refus de détruire le stock périmé. Et qui sait, pour forcer la main de l’Etat malien peut-être ?  

Au terme d’une longue et minutieuse enquête qui a duré près de deux mois, Ouestafnews, est aujourd’hui en mesure d’affirmer qu’en dépit de l’arrivée à expiration de « l’huile du Pam », l’organisme onusien a persisté à vouloir obtenir l’autorisation du gouvernement malien pour « distribuer » cette huile, bien au delà de la date de péremption, arrivée à échéance en août 2010.  

Au moment où nous bouclions notre enquête (le 12 novembre 2010), soit près de trois mois environ après la péremption de l’huile en question, une responsable du Pam, interrogée par Ouestafnews, admettait que le produit se trouvait encore en stock dans des magasins à Bamako et dans d’autres régions du pays.  

Selon des sources gouvernementales, les produits sont effectivement « sous scellé », et toujours en attente de destruction.  

Face au tollé suscité par l’affaire, l’Etat malien, après avoir longtemps traîné les pieds, a officiellement saisi le Pam par une lettre datée du 4 novembre 2010 (près de trois mois après la date de péremption !) pour lui signifier que l’huile sera détruite, selon Baba Toumani Kané, chargé de la communication au ministère de l’Agriculture.  

L’information a été officiellement communiquée à la représentante du Pam au Mali, par le biais du ministère des Affaires étrangères, selon la version du gouvernement malien. Mais la lenteur du gouvernement à procéder à la destruction de l’huile suscite des doutes dans certains cercles.  

D’ailleurs, rien ne dit qu’une partie de l’huile n’a pas été mise sur le marché et consommée puisque rien qu’à Bamako, on signale un « manquant » de 52 tonnes sur un total de 79 tonnes d’huile, selon la représentante du Pam au Mali, Alice Martin Daihirou, qui accuse de « détournement » les agents chargés de la gestion des stocks, et qui, selon la représentante, travaillent sous la responsabilité du gouvernement. Côté gouvernement on se refuse d’évoquer cette affaire de détournement.  

Rien non plus n’indique qu’entre la date de péremption en août 2010 et la date du contrôle en septembre 2010, des stocks n’ont pas été distribués dans la hâte, comme le recommandait le laboratoire français ayant procédé aux analyses. Même si aujourd’hui, par la voix d’un de ses porte-parole, Jane Howard, contacté par Ouestafnews, le Pam, assure que « le produit ne sera plus distribué ».  

Quant aux associations consuméristes du Mali, après avoir dans un premier temps réagi de manière indignée à la volonté du Pam de « forcer » la main au gouvernement et de procéder à la distribution de l’huile, elles ont vite calmé leur ardeur par la suite, préférant sacrifier les enfants et consommateurs du pays à l’autel « du partenariat», à sauvegarder avec l’agence onusienne !  

Du côté du gouvernement malien, comme c’est souvent le cas en Afrique en de pareilles circonstances, on tente, contre toutes les règles de transparence, d’étouffer l’affaire. Les rares officiels qui ont daigné répondre aux multiples appels téléphoniques d’Ouestafnews se renvoient la balle, et se limitent à fournir de petites bribes d’information dans une affaire qui interpelle également l’Etat malien, premier responsable de la santé de ses enfants, et qui plus est, ses propres agents étant à présent accusés de détournement.  

Face au mur de silence, une des rares structures gouvernementales ayant accepté d’évoquer l’affaire sans trop de difficultés fut la direction de l’Agence nationale pour la sécurité sanitaire des aliments qui confirme qu’elle a effectivement été « saisie pour avis», bien après la date de péremption de l’huile incriminée. Un avis qu’elle a émis et qui est sans appel : l’huile du Pam est « impropre à la consommation » et il n’est même pas utile de procéder à des analyses, la date de péremption étant échue.  

Une fois qu’un produit a atteint sa date de péremption « ce n’est plus la peine de trouver des astuces pour dire que c’est consommable », affirme catégorique le Dr Youssouf Konaté, directeur de cette agence. Il n’en dira pas plus, affirmant que les autres aspects du dossier ne relèvent pas de la responsabilité de la structure qu’il dirige.  

Pourtant au niveau du Pam, on s’évertuait encore bien après le mois d’août 2010, à faire prévaloir des résultats d’analyses effectuées…en France pour solliciter l’autorisation de faire consommer le produit, « le plus rapidement possible ».  

Interrogé à plusieurs reprises pour situer « les responsabilités » dans ce qui apparaît comme un dysfonctionnement dans son système d’approvisionnement, le Pam, aussi bien à Rome qu’au Mali, a refusé de répondre de manière claire et nette à cette question, encore moins de dire si des sanctions seront prises contre les éventuels fautifs.  

« Dans des opérations d’assistance alimentaire de cette envergure, il peut arriver des moments, où pour une raison ou une autre, il y a une rupture dans la chaîne logistique », écrit Jane Howard, au nom du Pam dans une réponse à une question insistante sur les « responsabilités » qui risquent de ne jamais être situées.

Ouestafnews

16/11/2010