DECRISPATION DU CLIMAT POLITIQUE: Iba Ndiaye aurait balisé le chemin des retrouvailles IBK- Soumaïla au congrès de l’ASMA-Cfp

Visiblement galvanisé par sa rencontre avec le président Ibrahim Boubacar Kéita le 26 février 2019 (suivi d’un second tête à tête le 5 mars 2019), Soumaïla  Cissé surfe sur une vague d’apaisement de la classe politique. Une ambiance dont il était d’ailleurs le principal pollueur par son refus de reconnaître la réélection d’IBK et du gouvernement mis en place. Candidat malheureux à la présidentielle de juillet-août 2018 et chef de file de l’opposition, Soumi a aujourd’hui pris l’initiative politique en multipliant les rencontres avec des personnalités influentes du pays, les anciens présidents notamment, afin de recueillir leurs solutions à la crise qui secoue notre pays depuis des années. Une voie déjà balisée par le premier vice-président de l’Union pour la République et la Démocratie (URD), Ibrahim dit Iba Ndiaye, lors du congrès ordinaire de l’ASMA-Cfp en décembre 2018.

Après leur premier  tête à tête du 26 février, les présidents  Ibrahim Boubacar Kéita et Soumaïla Cissé se sont revus le mardi, 5 mars 2019 pour faire avancer le processus de décrispation politique.

Mais avant cette seconde rencontre, Soumaïla Cissé a rendu visite aux présidents Dioncounda Traoré, Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré. Et selon ses proches, le chef de file de l’opposition s’est aussi  longuement entretenu au téléphone, avec le président Amadou Toumani Touré dans la nuit du 4 au 5 mars 2019.

Comme on le constate, depuis l’audience du 26 février 2019, le président IBK et l’honorable Soumaïla Cissé multiplient les rencontres avec les différents acteurs politiques du Mali en vue d’une solution définitive aux crises auxquelles ce pays est confronté depuis près d’une décennie.

«Le dialogue politique inclusif est la nouvelle étape de la lutte que nous avons engagée pour sauver notre pays. Il requiert rassemblement, consensus et association de toutes les sensibilités politiques», a indiqué Tiébilé Dramé, directeur de campagne de Soumaïla Cissé et président du Parti pour la Renaissance nationale (PARENA).

«Nul ne doit être tenu à l’écart. S’il a lieu, s’il est bien tenu, s’il est bien conduit, le dialogue politique pourrait être un tournant important dans le combat pour la rédemption et le relèvement de notre vieux Mali. Mobilisons le maximum pour sa réussite», a souhaité l’opposant dans une déclaration. A noter que Tiébilé Dramé a été aussi reçu par IBK dans la soirée du mercredi 6 mars dernier. Comme pour dire que la décrispation est enfin en train d’être traduite en actes concrets. Les rencontres les plus improbables, il y a juste quelques semaines, sont aujourd’hui du domaine du possible. Miracle ?

 

La leçon de realpolitik d’Iba Ndiaye au mouvement démocratique

Comme l’a publié notre confrère Kassim Traoré (Kledu et VOA) sur les réseaux sociaux le jeudi 7 mars 2019, «Iba N’Diaye est l’artisan de ces retrouvailles». En fait il faut remonter au discours du premier vice-président de l’URD et figure emblématique du mouvement démocratique malien lors du 2e congrès ordinaire du parti de l’Alliance pour la Solidarité au Mali, Convergence  des forces patriotes (ASMA-CFP) pour comprendre son rôle crucial dans l’effervescence actuelle en faveur de la décrispation.

C’était le samedi 29 décembre 2018 au Palais de la culture Amadou Hampâté Bâ de Bamako. Cette intervention, presqu’improvisée (ce n’était pas un discours écrit et lu. Iba avait commencé son intervention en français avant de la boucler en bambara) n’a pas eu les échos souhaités parce que beaucoup de journaux observaient une pause à l’époque.

Et pourtant, à notre avis, c’est l’un des meilleurs discours de l’ère démocratique par sa franchise, sa solennité et surtout la sagesse politique qu’il contient. «Notre présence ici peut paraître surprenant pour les uns et les autres», a lancé le premier vice-président de l’URD au début de sa brillante intervention.

Mais pour l’ex-président intérimaire de l’Adéma-PASJ et ancien maire du district de Bamako, cette présence de l’URD au congrès du parti politique adversaire (l’ASMA-CFP étant la chapelle du Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga) était plus que bien justifiée. «Avant aujourd’hui, il y a eu hier… Les différents partis politiques de l’opposition et de la majorité ont un moment travaillé en complicité et de manière sincère pour l’instauration de la démocratie  et pour son encrage», a-t-il martelé. Pour Iba, ces moments partagés dans la sincérité doivent constituer «un acquis que les hommes politiques doivent consolider pour sauver le Mali».

«L’Asma, comme l’ensemble de la majorité présidentielle, nous avons quelque chose en commun. Vous et nous, nous avons décidé de nous investir dans les partis politiques en compétition dans un cadre démocratique pour le bien du Mali. Tous les partis issus du mouvement démocratique, nous avons tous été ensembles face à des épreuves à des moments précis… », a-t-il précisé en renvoyant les acteurs du mouvement démocratique dos-à-dos par rapport à leurs responsabilités dans la profonde division qui fait le lit des épreuves actuelles.

«Il n’y a pas deux partis politiques aujourd’hui qui peuvent dire qu’à un moment ou un autre nous n’avons pas été ensembles face à un défi ou pour faire face à une épreuve. Cela est impossible et c’est une chance pour nous… Ces moments appartiennent à l’histoire et on ne peut pas les effacer», a poursuivi Iba Ndiaye, baron-fondateur de l’Adéma-PASJ avant de rejoindre l’URD pour protester contre le soutien de la Ruche à IBK en 2013 aux mépris des intérêts du parti.

 

S’ouvrir à toutes les compétences sans tomber dans le piège de gouvernement d’union nationale

«Même si politiquement, aujourd’hui, nous avons des différences, nous avons des divergences et je parlerais même de différends, il y a un minimum d’acquis qui nous unit. C’est ce qu’il faut sauvegarder et sauver le Mali», a souhaité Ibrahim Ndiaye.

Et de conclure, en rappelant les démocrates à leurs responsabilités face à la patrie, «malgré ces différences et ces divergences, je pense encore que, dans l’opposition comme dans la majorité, il y a encore des personnalités, il y a encore des hommes et des femmes qui par leur capacité et leurs convictions, sauront gérer ces différences et ces divergences pour que, dans les jours à venir, nous puissions nous retrouver autour de la table pour discuter».

Une interpellation qui n’est pas tombée dans des oreilles sourdes. En effet, quelques jours après, le président du RPM avait pris l’initiative d’aller directement au contact de l’opposition pour l’inviter au dialogue. C’est ainsi que, à la tête d’une forte délégation de la majorité, Dr Bocary Tréta s’est rendu au siège de l’URD pour rencontrer le chef de fil de l’opposition et ses alliés. Auparavant, les deux leaders s’étaient rencontrés pour baliser le terrain. Par la suite, Dr Tréta a multiplié les rencontres avec les états-majors de la classe politique (majorité et opposition) pour mettre l’accent sur la nécessité d’un dialogue politique inclusif.

Et selon plusieurs sources proches de l’opposition, Iba a aussi beaucoup œuvré pour l’assouplissement de la position de Soumaïla Cissé qui est enfin en train de prendre de la hauteur politique en se positionnant en rassembleur de la classe politique malienne, en pacificateur et en unificateur du Mouvement démocratique qui doit se réconcilier avec lui-même et aussi avec l’ancien président, le Général Moussa Traoré.

Chacun a son mot à dire dans la résolution de la crise actuelle. Chacun a sa vision de la sortie de crise. Et ce n’est qu’en s’asseyant pour discuter, en confrontant les solutions que nous pouvons parvenir à baliser le chemin de la sérénité et de la stabilité du pays.

Mais, à notre avis, se donner la main pour sauver le pays ne signifie pas forcément former un gouvernement d’union nationale qui n’est pas conforme aux principes d’une vraie démocratie dans laquelle les rôles sont bien repartis. Sans doute que, dans sa situation actuelle, le pays ne pas doit se permettre le luxe d’exclure des compétences pour des considérations politiciennes. Mais, cela doit rester dans le cadre d’une participation citoyenne à l’émergence du pays.

Certes, la participation de l’opposition au gouvernement assure une marge de manœuvre politique appréciable au président IBK et «garantira à ses opposants un accès aux ressources nécessaires au maintien de leur appareil partisan à la base de leur légitimité». Mais, ce deal ne contribuera pas à l’ancrage de la démocratie. Il n’est donc pas dans l’intérêt du pays. Alors que c’est de l’intérêt supérieur de la nation que le dialogue inclusif est censé sauvegarder !

Hamady Tamba

Le Matin