Comment réussir des Elections libres, transparentes, équitables et crédibles ?

«Le Réseau APEM a été créé le 3 novembre 1996, et a été agréé par le Gouvernement Malien, à travers le récépissé n°915/ MATS/ DNAT obtenu auprès du Ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales, le 27 novembre 1996.

Il regroupe actuellement 50 Associations et ONG parmi les plus représentatives dans les domaines de la défense des droits de la personne humaine, du développement humain durable, de l’Etat de droit et de la démocratie, qui ont décidé d’unir leurs efforts afin de contribuer de manière efficiente à la réussite de la démocratie, de la bonne gouvernance, du processus électoral ainsi que des questions liées au  suivi, à la supervision et à l’observation citoyenne des élections.

1. Phase préélectorale

Le Réseau APEM lors de sa conférence du 8 juin 2011, avait attiré l’attention de l’opinion nationale et internationale sur les dangers qui guettaient la démocratie malienne.

En ce temps là, on notait l’Absence de chronogramme des élections de 2012 du fait du Ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales (MATCL), la Suspicion autour du fichier issu du RACE de 2011 ou du RAVEC de 2010, et la Faiblesse des Partis politiques à jouer pleinement leurs rôles.

Nous avions prévenu sur les menaces qui planaient. Il s’agit de la crainte d’un Vide Constitutionnel, des Risques de trouble sociopolitiques, de l’Instabilité politique à travers des prémisses de prolongation illégale des mandats, et de la Politisation de la société civile qui complotait aussi contre le peuple malien à travers son credo de RAVEC ou rien.

Or, tous les partis politiques et l’Etat malien savaient que des Dispositions Constitutionnelles claires sont énoncées quant aux mandats électifs du Président de la République et des Députés. Un fichier électoral issu du RACE qui est amélioré annuellement par le MATCL et les Partis politiques ; à travers les commissions administratives, existait.

Avec l’avènement de la démocratie, notre pays avait connu de 1992 à 2009 des élections, sans rupture et sans contestations majeures. La Volonté affichée et l’engouement manifeste pour la tenue d’élections crédibles en 2012, était visible.

Le Réseau APEM avait recommandé, entre autres :l e Respect des dispositions Constitutionnelles ; la Consolidation du cadre de discussion Etat-Partis Politiques ; le  Chronogramme des élections 2012 à établir d’urgence ; la Révision extraordinaire et ordinaire du fichier issu du RACE ;l’Audit/Suivi du fichier issu du RACE ; l’IEC continue des citoyens pour un Mali paisible ; l’Observation forte des scrutins à venir (Référendum et Elections générales) ; un acquis à travers le Programme APEM/NDI/USAID allant du 1er novembre 2011 au 31 octobre 2012.

Une avancée majeure de la conférence de presse du Réseau APEM tenu le 8 juin 2011, est l’adoption consensuelle, par les partis politiques et l’Etat, du fichier électoral issu du RACE comme base des élections et du Référendum 2012 dénommé Fichier électoral Consensuel (FEC).

2. Phase d’élaboration du fichier électoral

Dans le cadre du Programme APEM/NDI/USAID, le Réseau APEM a observé le processus de révision ordinaire des listes électorales sur la période allant du 1er octobre au 31 décembre 2011.

Nous avons constaté que l’environnement électoral a été marqué par une violation de la loi électorale et plus précisément des dispositions liées à la campagne électorale.

En effet, tout se passait comme si les prétendants aux présidentielles de 2012 étaient déjà entrés en campagne. Les affiches anarchiques, les tournées à l’intérieur, les meetings et autres mobilisations amplement commentées par la presse publique et privée donnent effectivement l’impression d’une campagne avant la lettre ; en violation flagrante des articles de la Loi électorale, notamment des articles 69 et 76 qui stipulent : «Article 69 (L2011-085) : La campagne électorale est ouverte à partir : du vingt et unième (21e) jour qui précède le jour du scrutin pour l’élection du Président de la République et des Députés…. Article 76 (L2011-085) : Pendant la durée de la campagne électorale, des emplacements spéciaux seront réservés dans chaque commune, ainsi qu’aux abords de chaque bureau de vote, pour l’apposition des affiches électorales, par le Représentant de l’Etat dans la Commune et dans le District de Bamako. Dans chacun des emplacements, une surface égale est distribuée à chaque liste de candidats. Tout affichage relatif à l’élection, même par affiches timbrées, est interdit hors de ces emplacements. Dans le cadre de l’application de la présente disposition, le Représentant de l’Etat prend un règlement de police qui définit les sanctions administratives.»Nous avons aussi vu que l’environnement a été  marqué par la Loi électorale N°2011-085 du 30 décembre 2011 signée du Président de la République Amadou Toumani Touré, surtout en son article 2 jugé contraire à la Constitution qui établit l’inscription d’office des électeurs. Cette nouvelle disposition de la loi électorale, qui ne peut être rétroactive, prive certains électeurs de cette inscription. (ARTICLE 2 : A titre exceptionnel, les commissions administratives chargées de la révision des listes électorales pour les élections de 2012 procèdent à la radiation des titulaires des cartes d’électeur non retirées lors des élections communales de 2009).

L’environnement a été enfin caractérisé par un regain d’attaques de bandits armés dans certaines localités du nord du Pays, rendant hypothétique la tenue d’élections libres et transparentes dans ces zones.

Le Réseau APEM, au regard de toutes ces constatations et en vue d’une amélioration du processus de révision des listes électorales, a recommandé : (i) la création de structures pérennes professionnelles en remplacement des commissions administratives, (ii) l’allocation d’un traitement conséquent aux agents de ces structures, (iii) la mise en œuvre de véritables programmes de sensibilisation et de mobilisation des électeurs, (iv) la poursuite du dialogue autour du processus d’élaboration d’un fichier fiable et consensuel, (v) la refonte en une des deux lois pour les élections générales de 2012 : la Loi n° 06-044 du 4 septembre 2006 portant Loi électorale et la Loi électorale N°2011-085 du 30 décembre 2011 portant modification de la Loi n° 06-044 du 4 septembre 2006 portant Loi électorale ; dans l’optique d’une meilleure compréhension et une meilleure appropriation par les agents électoraux.

En outre, le Réseau APEM a recommandé de légiférer sur la période de précampagne et a souhaité que des dispositions appropriées soient prises pour permettre un bon déroulement des scrutins sur l’ensemble du territoire national.

3. Phase de précampagne électorale

Nous avons assisté à la prise en compte d’une recommandation formulée par le Réseau APEM dans son rapport d’observation préélectorale. Il s’agit de la fusion de la Loi n° 06-044 du 4 septembre 2006 portant Loi électorale et la Loi n°2011-085/AN-RM du 30 décembre 2011 ; portant modification de la Loi n° 06-044 du 4 septembre 2006; à travers l’adoption de la Loi n° 06-044 du 4 septembre 2006 modifiée portant Loi Electorale.

Cependant, avec cette fusion publiée au Journal Officiel, le Réseau APEM a remarqué l’abandon pur et simple de l’article 2 contenu dans la Loi n°2011-085/AN-RM du 30 décembre 2011 signée par le Président de la République Amadou Toumani Touré, et qui stipulait « A titre exceptionnel, les commissions administratives chargées de la révision des listes électorales pour les élections de 2012 procèdent à la radiation des titulaires des cartes d’électeur non retirées lors des élections communales de 2009».

Quel enseignement devrons- nous tirer de cette situation ? Dans tous les cas, elle ne manquera pas d’éveiller des soupçons qui semblaient endormis. C’est dans ce contexte marqué par la suprématie du consensus sur la légalité par les partisans du Front du Refus d’aujourd’hui, qu’est survenue le Coup d’Etat du 22 mars 2012.

Ce coup d’Etat a engendré l’interruption brutale et le recul du processus démocratique, l’insécurité grandissante et l’intensification du conflit au Nord, la flambée des prix des produits de première nécessité et le risque de rupture d’approvisionnement des marchés, l’aggravation de la paupérisation des populations et la condamnation unanime de l’ensemble de la communauté internationale.

Le Réseau ONG d’Appui au Processus Electoral au Mali (Réseau APEM), a recommandé, dès le 24 mars 2012, au Comité National de Redressement de la Démocratie et la Restauration de l’Etat (CNRDRE) : le retour à un ordre constitutionnel normal dans les plus brefs délais ; la préservation de la sécurité des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire national ; la tenue des élections générales 2012 dans les plus brefs délais ; l’élaboration urgente d’une Feuille de route par le CNRDRE ; la Mise en place d’un Organe dirigeant, de concert avec l’ensemble des forces vives du pays, dans les plus brefs délais».

Boubacar SIDIBE (stagiaire)

Le Progrès 13/04/2012