COLONEL MAJOR SALIFOU KONé, GOUVERNEUR DE LA RéGION DE KIDAL

22 Septembre: Depuis votre arrivée à la tête du gouvernorat de la Région de Kidal, comment gérez-vous les problèmes liés à l’insécurité et autre banditisme ?

Col. Major Salifou Koné: Je place tout d’abord cette lutte contre l’insécurité dans le cadre de la continuité de la mission de l’Etat. Quand j’arrivais ici, il y a quatre mois, j’ai trouvé que mon prédécesseur y travaillait déjà. Le PSPSDN, l’un des projets phares, comme je le disais lors de la dernière rencontre intercommunautaire, va asseoir les bases d’un décollage économique et sécuritaire de la région. Côté sécuritaire, je signale que nous avons un Conseil régional de sécurité dirigé par le Gouverneur. En son sein, on retrouve les Commandants de zone, des groupements de la Gendarmerie, de la Garde Nationale, des Unités Spéciales… Nous nous retrouvons régulièrement pour gérer certaines situations qui demandent une attention particulière de notre part.

Certains cadres se sont plaints que l’aspect sécuritaire se gère très souvent à partir de Bamako. Avez-vous, depuis votre arrivée, les coudées franches pour prendre certaines décisions, puisque vous êtes au cœur de ce qui se passe sur le terrain?

Administrativement, on ne peut pas rester comme si on était sur une île. Nous sommes sous la tutelle d’un département, à qui nous rendons des comptes à chaque fois que nous posons un acte ou lorsque nous voulons en poser. Nous sommes donc gérés par Bamako. Ceci dit, dans la plénitude de nos responsabilités, s’il y a eu des plaintes, de mon côté, je ne peux pas en juger. En quatre mois de fonction à Kidal, je n’ai pas enregistré de faits ou de gestes qui puissent entraver le bon fonctionnement du gouvernorat et, particulièrement, la question sécuritaire.

L’une des questions d’actualité est le retour de nos compatriotes de Libye. Comment est-ce que le gouvernorat de Kidal compte gérer cette situation?

Nous avons mis en place une Commission de gestion des crises, au sein de laquelle se trouve une autre Commission, ad hoc. Nous avons opté pour ce dispositif, car nos compatriotes reviennent de deux manières. D’abord, ceux qui arrivent grâce au concours du HCR et qui passent par Tinzaouatène. Ceux-là sont dispatchés, afin qu’ils regagnent leur domicile. Ensuite, il y a ceux qui regagnent le territoire malien avec, souvent, armes et bagages. Nous les accueillons et les conduisons dans un endroit précis afin de prendre soin d’eux. Dès que nous avons des informations sur des compatriotes qui regagnent le bercail, nous nous efforçons de les rencontrer pour les prendre en charge. Je voudrais aussi signaler que les cadres et les populations de la région de Kidal sont fortement impliqués dans l’accueil des nôtres. C’est d’ailleurs le cas dans les autres régions du Nord. Je salue ici leur esprit de solidarité.

Revenons sur la lutte contre l’insécurité et le banditisme. Comme se passe la collaboration avec notre voisin, l’Algérie. Votre voisin le plus proche?

La collaboration avec l’Algérie est franche. Il y a peu, j’étais à Alger avec le ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales, le Général Kafougouna Koné, dans le cadre de la collaboration bilatérale Bamako – Alger. Signalons aussi le séjour du Consul de l’Algérie ici, à Kidal, et la remise par lui à la Croix Rouge malienne de 30 tonnes de produits alimentaires. Nous avons aussi échangé sur plusieurs choses, qui concernent la sécurité à la frontière entre nos deux pays. Il est prévu prochainement une rencontre de gouverneurs à Illizi.

Dans la région voisine, Gao, même en pleine ville, l’insécurité va crescendo, avec son corollaire d’enlèvements, d’assassinats, de braquages etc… Ne craignez-vous pas que le phénomène se répercute ici?

Je vais tout d’abord placer la chose dans son cadre normal. L’insécurité résiduelle était et est encore là. Nous enregistrons des tentatives d’enlèvements et même d’enlèvement de véhicules. Il peut y avoir une accalmie, mais Kidal ne peut pas se targuer d’être calme. Surtout que ce sont les mêmes personnes, les mêmes populations, qui font les allers et retours. Ceci dit, nous faisons en sorte que le phénomène, s’il ne disparaît pas, s’amoindrisse. Nous échangeons constamment avec les autorités de Gao et de Tombouctou pour trouver des solutions aux différents maux que nos trois régions partagent.

Vous êtes un haut cadre de l’armée et un homme de terrain. Vous avez certainement été nommé à Kidal pour cela. Selon vous, qu’est-ce qu’il faut faire pour circonscrire cette insécurité résiduelle?

Je crois que ce n’est pas de façon messianique que nous pouvons trouver une solution à tous ces problèmes. Ce n’est pas propre au Mali, ce que nous enregistrons de nos jours. C’est mondial. Le terrorisme, le trafic de drogue, d’armes, de munitions, d’humains… C’est toute la bande sahélo-saharienne qui en est victime. Je crois fermement qu’on ne peut pas gérer tous ces problèmes sans l’implication des populations. Il faut sensibiliser les communautés. Dans le cadre du PSPSDN, on a démontré comment détecter les menaces. On parle aujourd’hui des islamistes. Ils ne sont pas venus manu-militari prendre les populations pour les enrôler. Cela se fait de façon soft. Nous devons user de tous les leviers dont nous disposons pour avoir la population avec nous. Il faut aussi, et surtout, équiper toutes les forces chargées de lutter contre tout ce qu’on vient tantôt d’évoquer.

Comment entrevoyez-vous l’avenir de cette huitième région, en tant que citoyen malien et que Gouverneur?

Je trouve que la huitième région est une région d’avenir. Je partage l’optimisme d’un éminent cadre de notre pays, Bakara Diallo. Celui-là même qui a rédigé un rapport dans lequel il a mis en exergue les potentialités de cette région. Pour son développement, il faudra lutter contre cette insécurité résiduelle. Cette insécurité constitue un épouvantail pour certaines personnes, qui hésitent à venir, à s’investir ou à investir. Je leur dis de ne pas hésiter et de venir. D’affronter tout ce qu’on peut affronter comme problèmes. Ils vont réussir. Je le dis du fond du cœur, sans arrière pensée. A l’image du Far West qui fait la fierté des Etats-Unis aujourd’hui, notre «Far Nord» a besoin de personnes engagées, patriotes et sincères. Il y en a déjà qui sont là. Sans citer de noms, ce sont des ressortissants de la région, et même d’au-delà. Mais il faut encore plus. Nous avons besoin d’une bonne route pour être connectés de la meilleure façon au reste du Mali. Avec cette connexion, Kidal aura un avenir radieux.

Propos recueillis par Paul Mben à Kidal

Le 22 Septembre 24/10/2011