Chronique:Lettre ouverte au président de la République : A Obama, Sarkozy et Cameron


Le petit locataire que je suis vous écrit pour vous informer que votre précipitation et vos mensonges sur la révolution libyenne ternissent les séduisants mouvements qui ont balayé la Tunisie et l’Egypte de leurs dictatures. Pire, le faux parallèle que vous établissez entre les deux cas confisquent les bénéfices du jasmin tunisien et égyptien et l’écran de fumée de vos bombes sur Tripoli est le meilleur bouclier pour l’establishment tunisois ou cairote qui résiste contre les exigences tout à fait logiques du peuple de Sidi Bouzid ou Tahrir.

Le petit locataire que je suis sait bien que vous êtes les seuls vrais propriétaires de la planète et que dans votre magnanimité, vous êtes prêts à accepter que Kadhafi  continue de vivre sur la  terre où il est né, là où se trouvent les tombes de ses ancêtres. Tout son pays vous appartient, car vous êtes les maîtres du monde, avec droit de vie et de mort sur tout ce qui bouge. Mais à défaut d’être humbles, soyez logiques et un peu justes. Faites que nous aussi, nous cessions de défendre Kadhafi et que nous le détestions avec la même détermination que vous, publiez la liste de ceux qu’il a tués à Benghazi, leurs noms, leurs lieux de naissance, leurs âges. Publiez la liste, s’il vous plaît pour que nous sachions si le médecin français de Benghazi disait vrai qu’au début du soulèvement il annonçait plus de  2000 corps dans les rues et les hôpitaux de la ville. Publiez tout pour donner du crédit aux propos de Bernard Henry Levy qui, en temps normal, fait rire toutes les personnes décentes. Pour ne pas dire plus.

Le petit locataire que je suis souhaite aussi attirer votre attention sur quelques anomalies qui vous ont échappés car vous ne pouvez pas avoir fait exprès, même si vous êtes omnipotents, omniscients. Vous ne pouvez pas être aussi arrogants et méprisants. Vous ne pouvez pas être intraitables ici et miséricordieux là-bas. Là-bas, c’est la Syrie. Depuis trois mois, tous les vendredis, les insurgés tombent sous les balles du  régime. Par centaines de milliers, le peuple prend la rue et réclame la démocratie. Et par centaines, on lui tire dessus de sang froid. Là-bas, c’est aussi la Chine qui vous tient tête et déjoue vos plans d’avenir.  Mais c’est le seul pays qui, en devenant démocratique, peut faire de la démocratie une doctrine irréversible. Elle peut être la plus grande démocratie au monde. Envoyez y vos escadrilles.

Oh maîtres du monde,  imposez-lui des partis, imposez-lui des journaux privés. Libérez-y internet. Aimez le peuple chinois comme vous aimez le peuple libyen. Vous n’en êtes pas capables. Vous n’êtes capables que d’amour sélectif. Et votre amour pue le pétrole et le mensonge. Vous ne pouvez pas enseigner votre combat pour la démocratie à votre jeunesse. Bachar el Assad, pour ne citer que lui, est aujourd’hui, la preuve que vos bombes  ne servent qu’une doctrine : celle des capitaines d’industrie. Et jamais la morale et l’éthique.

Adam Thiam

Le Républicain 03/08/2011