Chronique du vendredi : Marquage serré

Que le président ait tout de suite fait savoir qu’il n’est concerné par quelque démarche que ce soit l’amenant à rester au-delà du 8 juin 2012 était donc une communication à la fois pertinente et opportune. Parce que ce pays a une histoire et déjà l’expérience d’une première alternance démocratique depuis le 8 juin 2002. Ensuite l’Afrique du Nord a déclenché la bourrasque du « dégagement » sous laquelle plient même les pouvoirs que l’on croyait les plus indéracinables.

Certains pays en Afrique du Nord comme dans d’autres régions sont plus dans « l’axe » de la soudaine révolution que le Mali mais sait-on jamais?  Cela peut partir d’une insignifiante dispute de marché à une revendication corporatiste mal réglée. Or comparé à plusieurs  leaders du continent, ATT a eu le malheureux privilège d’avoir vu plus d’un chef intouchable du jour jeté au fond d’une cellule.

Ce qui est relativement curieux, c’est que même après les clarifications apportées par les initiateurs de l’événement de demain sur la valeur réelle de la médaille querellée,  même après les distances prises avec l’initiative ou les initiatives pour la prolongation du mandat des députés et du président de la République, la presse ait cru devoir prolonger le doute. Procès d’intention donc, comme l’a si bien qualifié Tiegoum Boubeye Maiga.  Mais cela veut dire simplement que le Président, quoi qu’il fasse et quoi qu’il dise, fera l’objet d’une étroite surveillance, voire d’un marquage serré dans son entourage comme en dehors. Même lorsqu’il prévient qu’il ne roule pour personne en 2012, la classe politique se méfiera.

Car en démocratie, l’information n’est pas qu’on ne déclare pas avoir de dauphin mais plutôt le contraire. Ceci dit, un processus électoral bien planifié, exécuté et dûment communiqué, d’où la centralité du Ravec offrira au président un grand bol d’air frais. Cela ne desserrera pour autant pas les radars sur les mouvements de Modibo Sidibé, objet d’une égale méfiance. Tant qu’il est Premier ministre, il sera vu comme candidat. Il n’a pas besoin de le dire lui-même. Sa longévité et le timing de son accession à la primature sont ses meilleurs avocats. Sans compter la pression de l’entourage. Pareillement, il ne résout pas son problème en quittant la primature « à temps pour s’occuper de sa candidature » comme cela se pressent déjà par ses adversaires. Ce serait, aux yeux de ceux-ci, la preuve que l’homme avait toujours été candidat et que les masques sont enfin tombés.

Aux procès d’intention, il faudra ajouter les procès en sorcellerie. Avec plusieurs procureurs, en fait chaque candidat qui se sera convaincu qu’il n’est pas le choix du président sortant. Et avec quelques accusés emblématiques dont Jeamille Bittar et cela moins pour le contenu de ses messages que son statut de « messager ». Ses adversaires lui ont déjà donné un avant-goût lors des dernières législatives en se liguant pour sa défaite. Mais il sera davantage marqué à la culotte.

Car le vaincu depuis est devenu président d’institution. Ce qui comparé au statut de député dont il a été privé, semble créer plus de soucis au microcosme politique le trouvant justement très culotté et trop ambitieux. Les adversaires du Sanois à multiples chapeaux ne seront pas profondément malheureux qu’ATT boude la cérémonie de demain. Mais comme il a mis les points sur les i sur les vrais enjeux de la cérémonie, le président qui fait lui aussi du marquage serré, ne va pas bouder son bilan. Et c’est ce qui nous sera présenté demain.

Adam Thiam

Le Républicain 04/02/2011