Chronique du vendredi / L’équation oubliée des communautés

En outre, contre-procès ferme mais courtois sous la plume d’un de ses animateurs, Tiegoum Boubeye Maiga, ce collectif se scandalise à juste raison des accusations proférées par un élu de la République, en l’occurrence Oumar Mariko qui n’hésite pas à mettre la chute de Gao, le 31 mars dernier, sur le dos des résidents de cette ville.  Dans plusieurs autres associations nordistes à l’image de celle qui a battu pavé jeudi à Bamako, l’agacement a cédé à l’exaspération. Notamment vis-à-vis de ce qui paraît se dessiner comme une stratégie discriminée de récupération du territoire perdu : à savoir la carotte aux Touaregs Mnla comme Ansardine de la rébellion et du bâton contre la légion étrangère de la nébuleuse jihadiste.

Est-ce une supposition ou un fait que les décideurs ont décidé une telle approche ? Nul doute là-dessus. C’est cela la doctrine de Blaise Compaoré, le médiateur Cedeao de la double crise institutionnelle et sécuritaire que le Mali traverse. Les va et vient des responsables d’Ansardine et du Mnla dans la capitale burkinabé n’ont pas d’autre explication.

En plus, joignant la parole à l’acte qui est allé jusqu’à repêcher par avion un leader Mnla blessé dans les récents affrontements de Gao entre les jihadistes et les indépendantistes, Ouaga a dit clairement qu’il entend négocier. Négociation c’est aussi le maître mot à Alger, y compris avec les salafistes. Pour Bouteflika qui n’a pourtant jamais arrêté de flinguer Att qu’il a même accusé d’être à la fois l’ami de la victime et du voleur, toute autre armée que malienne ou du champ c’est l’afghanisation garantie du Sahel. En d’autres termes, de la publicité à bon marché pour une internationale de la terreur dont l’objectif est de rechercher la sympathie de la Ouma islamique.

L’administration américaine presqu’enlisée dans le bourbier pakistano-afghan prévient contre la solution militaire, surtout si celle-ci n’est pas mûrement préparée et adéquatement outillée, ce qui est un défi pour les armées de la sous-région. Le dernier rapport du très généralement excellent International Crisis Group appelle lui aussi à la prudence quant à la solution militaire quand bien le préalable du règlement de la crise institutionnelle sera satisfait. Seules notes divergentes : l’Union africaine qui exclut la négociation avec les jihadistes et les Nations-Unies qui vont plus loin en mettant dans le même sac les fondamentalistes armés et les « rebelles » qui les auront aidés.

C’est sans doute cette position que défendent les associations nordistes et nombre de citoyens maliens tout court. Ceux qui ont vécu dans leur chair et de leurs larmes les ruptures récentes du Nord malien réclament l’inventaire et l’explication de tant de violences gratuites, du jour au lendemain, en dépit des siècles d’histoire communes et malgré l’effet modérateur des métissages. Car si politiquement l’Etat malien était la cible première des insurgés, ce sont leurs frères et sœurs des communautés voisines qui furent et demeurent leurs victimes. La communauté internationale et la sous-région semblent dès lors dans la posture du conservateur des domaines cherchant à régler un problème de spoliation foncière quand la tragédie est celle des confiances trahies et des réciprocités durablement remises en cause entre les dents de la même bouche. Le dialogue entre ces premiers concernés est alors un préalable ou un accompagnateur du règlement négocié de la crise du Nord. Cette fois-ci plus que jamais.

Puisque jamais n’ont été aussi profondes les blessures communautaires du rejet d’un Etat superficiellement décentralisé et qui nécessite d’être reformaté, il faut en convenir, de Zegoua à Tinzawaten et de Kidira à Labezanga. Il faut trouver les moyens, le temps et les lieux de ce dialogue intercommunautaire. Quoiqu’ils puissent coûter. L’intégrité du territoire, mission incombant à l’Etat, étant tout aussi cruciale que la paix redevenant possible entre les habitants du Nord. Distinctement des arrangements que peuvent trouver ces communautés qui ont en partage le pardon par « le prix du sang », la nation, nous ne le dirons jamais assez, a un travail de mémoire et de repentance vis-à-vis des crimes d’Etat du passé.

A l’entame du cinquantenaire de notre nation, c’était le combat resté de certains d’entre nous, avec en première ligne Tiébilé Dramé. Un grand pays n’esquive pas un tel rendez-vous.  C’était valable hier pour le Mali, ça l’est encore aujoud’hui sauf s’il veut rester dans l’impunité devenue son signe particulier au lieu de l’amnistie qui est un moyen d’éteindre une braise que le règlement judiciaire d’une crise transforme en incendie.

Adam Thiam

Le Republicain