Chronique du vendredi / Côte d’Ivoire: une crise et ses impasses


Le panel pour être cohérent avec la position de l’Union africaine et de l’ensemble de la communauté internationale ne peut pas maintenant proposer aux Ivoiriens les schémas kenyan ou zimbabwéen. La grande différence entre la Côte d’Ivoire et le Kenya ou le Zimbabwe étant que dans ces deux derniers pays les résultats n’étaient pas officiellement proclamés et encore moins certifiés. Ici l’Union africaine reconnaît sans ambages la victoire de Alassane Ouattara et elle est allée jusqu’à demander à Laurent Gbagbo de céder le fauteuil au vainqueur reconnu.

Donc le schéma Gbagbo président et Ouattara Premier ministre est exclu, sauf si l’Union africaine ne se prend pas au sérieux. Pourtant, le quintet se démarquera de l’ardeur guerrière de la Cedeao qui avait brandi l’arme de l’action militaire pour déloger Gbagbo. D’ailleurs, il serait étonnant que le principal avocat de l’usage de la force, Jonathan Goodluck, soit encore chaud pour l’expédition un moment envisagé. Le Nigérian est en pleine campagne électorale, de surcroît dans un pays crisogène et imprévisible.

Le statu quo ne gênerait pas outre mesure le candidat que Washington, Paris et Londres gratifieraient volontiers du titre de preux chevalier de la gouvernance en raison de sa prise de position sur la crise ivoirienne notamment. Et puis, il n’est plus très sûr que ces capitales, si jamais elles l’avaient été sérieusement, soient encore pour l’offensive militaire pour déposer Gbagbo. Pourquoi? Logiquement, un tel schéma doit venir du Conseil de sécurité, d’abord en tant qu’architecture suprême de la paix et de la sécurité dans le monde et ensuite parce que les Nations-Unies ont en Côte d’Ivoire une mission spéciale qui a englouti plusieurs millions de dollars et requis des trésors d’énergie et de savoir-faire pour arriver aux élections de novembre. Or un mandat à la Kosovar n’est pas le schéma le plus évident de la part des Nations Unies.

Les seuls obstacles, à cet égard, ne seront pas la Chine et la Russie mais les effets collatéraux d’une déposition par la force de Gbagbo. Tous les voisins de la Côte d’Ivoire ont cette crainte à cause, et c’est légitime, de leurs ressortissants dans ce pays susceptibles à tout moment de servir de chair à canon ou de boucliers humains lorsque le seul choix est de mourir au combat. Or Gbagbo, tout l’indique, semble prêt à se battre jusqu’au dernier souffle et ce n’est pas une bonne nouvelle pour ceux qui, un moment, avait pu tabler sur le fait que la menace de l’action de force puisse intimider le  chef Bété.

Ensuite, le tout n’est pas de faire partir Gbagbo mais de ne pas détruire l’acceptabilité d’Alassane Ouattara comme chef d’Etat de toute la Côte d’Ivoire ou de ne pas l’installer au milieu d’un champ de ruines. Reste donc pour le panel la négociation pour convaincre Gbagbo de partir en douceur contre des garanties. Mais le président sortant avait reçu dans ce sens plusieurs offres qu’il a déclinées. Qu’il cède dans les heures à venir serait donc très étonnant, à moins que l’asphyxie financière dont il est la cible ne commence à produire ses effets. Cependant, même là, il ne faut pas exclure que le locataire du Palais de Cocody ait une résilience insoupçonnée. Tenir éternellement ne peut d’ailleurs être son objectif. Il sait qu’il ne peut gagner la partie à moyen terme.  Mais tenir suffisamment pour rendre son adversaire « radioactif » est sans doute dans les calculs du résistant Gbagbo.

Adam Thiam   18/02/2011