CENTRE ET NORD : 61 404 personnes déplacées et 138 675 personnes réfugiées

En plus de 657 écoles qui ont été forcées de fermer en février, affectant plus de 190 000
élèves, on compte à ce jour 61 404 personnes déplacées et 138 675 personnes réfugiées
dans les pays voisins, notamment au Niger, en Mauritanie et au Burkina Faso. C’est le
résultat d’une étude menée par un expert indépendant de la Minusma, Alioune Tine, dans
les régions du Centre et du Nord, publiée ce 2 juillet.
Aux termes de sa première mission au Mali, du 24 au 29 juin 2018, l’expert indépendant sur
la situation des droits de l’Homme au Mali, Alioune Tine, qui a pris ses fonctions au Mali le
1er mai 2018, a exprimé sa grave préoccupation par rapport à la détérioration continue de la
situation sécuritaire, des droits de l’Homme et humanitaire au centre du pays, ainsi que dans
la région de Ménaka.
Selon un document publié le 2 juillet, Alioune Tine affirme que l’augmentation progressive
de violations et abus des droits de l’Homme depuis le début de l’année 2018 est alarmante.
Dans les régions du Centre et de Ménaka, on assiste à des actes de violences de plus en plus
meurtriers et odieux avec des exécutions extra-judiciaires, des allégations récurrentes
d’existence de fosses communes, sans compter les nombreux blessés et autres dégâts
matériels importants causés par les violences identitaires, l’explosion d’engins improvisés
dont les victimes sont des personnes civiles.
L'expert indépendant a recueilli des témoignages directs et indirects sur plusieurs attaques
menées par des milices communautaires, souvent avec la participation de groupes armés,
qui ont entraîné des morts, des blessés, des destructions ou incendies de biens et des
déplacements de populations.
"Le gouvernement a pris des mesures visant à s’attaquer au problème, notamment, la
mission du Premier ministre au centre du pays, l’envoi à Mopti d’une mission de
réconciliation, dirigée par le ministre de la Réconciliation nationale et de la cohésion au mois
de mars 2018 ou encore au mois d’avril de la même année, ou encore le désarmement de

tous les civils de la région du centre, ordonné par le Premier ministre".
A Mopti, M. Tine a entendu des membres de la société civile ainsi que des représentants des
communautés sur la question des attaques indiscriminées de la part de groupes extrémistes,
notamment Jama’at Nusrat al-Islam Wa al-Muslmeen (JNIM). La présence très limitée de
l’Etat dans cette région, son absence dans plusieurs localités du centre, le manque de
services communautaires de base et l’insécurité causée par les extrémistes, les groupes
armés, les acteurs du crime organisé ajoutés aux opérations anti terroristes qui ne
respectent pas les normes internationales des droits de l’Homme, sont de nature à créer des
confusions et des amalgames au sein des communautés de la région.
De plus, les terroristes tirent parti de l’absence de l’Etat pour instrumentaliser les
communautés et les opposer les unes contre les autres. "Il faut souligner qu’à la fin du mois
de février 2018, plus de 657 écoles ont été forcées de fermer dans les régions du centre et
du nord, affectant plus de 190 000 élèves. On compte à ce jour 61 404 personnes déplacées
à l’intérieur de ces régions et 138 675 personnes réfugiées dans les pays voisins notamment
au Niger, en Mauritanie et au Burkina Faso…"
L’Expert indépendant a également été saisi de graves violations et abus des droits de
l’homme qui continuent de se produire dans la région de Ménaka, dont certains sont
imputés aux groupes armés notamment, le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) et
le Groupe d’auto-défense Touareg Imghad et alliés (Gatia). "Du 26 avril au 18 mai 2018, 123
personnes ont été exécutées dans la région. L’Expert demande aux autorités maliennes
d’ouvrir des enquêtes judiciaires dans les plus brefs délais afin de rendre justice aux
nombreuses victimes de ces crimes", indique-t-il.
La situation humanitaire dans la région s’aggrave. "On estime à 4,1 millions le nombre de
personnes qui ont besoin d’une aide alimentaire. Cette année, la malnutrition aigüe sévère
devrait passer de 162 913 à 274 145 au niveau national, et les cas prévus de malnutrition
aigüe modérée également de 470 000 à 582 000. Ces chiffres comprennent 11 232 enfants
gravement atteints de malnutrition aigüe sévère de moins de 5 ans et 489 238 enfants de 6 à
59 mois souffrant de malnutrition aigüe modérée. En outre, 45 245 femmes enceintes et en
situation d’allaitement souffrent de malnutrition aigüe modérée. C’est une urgence sur
laquelle on ne peut pas fermer les yeux…"
Des attaques continues contre les travailleurs humanitaires. "Ainsi, le 6 juin, 19 conducteurs
d'un convoi humanitaire ont été enlevés après une crevaison. Ils ont été attaqués, forcés de
s'arrêter et emmenés dans un endroit inconnu. Le détournement des vivres et des convois
humanitaires fait désormais partie des méthodes utilisées par les groupes armés pour semer
la violence et la terreur. L’expert recommande aux groupes armés de respecter l’espace
humanitaire et de faciliter l’accès des acteurs humanitaires aux populations qui ont besoin
d’assistance et de protection…"
Des élections libres et transparentes, gage de toute stabilité !
Quant aux élections, l’expert estime que l’élection présidentielle doit être véritablement
libre, transparente et apaisée et qu’elle doit répondre aux normes internationales en la
matière. Dans ses discussions avec les autorités, l’expert a mis un accent particulier sur la
liberté de réunion pacifique et d’association ainsi que sur la liberté d’accès aux médias tout
au long du processus électoral.
"L’élection présidentielle se tient à un tournant décisif de la vie démocratique du peuple
malien. Les acteurs politiques doivent agir de sorte que le grand débat national n’ait pas un
impact négatif sur la vulnérabilité de la situation du pays, mais qu’il soit une opportunité
pour faire rebondir le Mali et susciter une espérance pour la paix et la sécurité. Et j’en

appelle à tous les acteurs politiques de bannir les appels à la violence et les discours de
haine", souhaite-t-il.
Bréhima Sogoba