Brésil: Rousseff saisit la justice pour tenter de sauver son mandat

Brasilia – La présidente brésilienne Dilma Rousseff a demandé jeudi à la justice d’annuler la procédure de destitution la visant, à trois jours d’un vote crucial des députés sur son maintien au pouvoir.

L’avocat général du gouvernement, José Eduardo Cardozo, a présenté un recours devant le Tribunal suprême fédéral (STF), dénonçant un procès kafkaïen qui viole les principes du procès équitable et du droit à la défense.

La plus haute juridiction du pays a décidé de se réunir d’urgence dans l’après-midi pour examiner ce recours susceptible de paralyser les débats au Congrès des députés.

Ce recours a été déposé alors que la présidente est confrontée depuis mardi à une cascade de défections au sein de sa coalition qui rendent sa situation de plus en plus critique à l’approche du vote de dimanche.

Les députés doivent normalement entamer vendredi trois jours de débats en assemblée plénière pour statuer sur son sort.

Si la justice n’interrompt pas leurs travaux, ils voteront dimanche pour ou contre l’approbation du rapport d’une commission parlementaire préconisant la mise en accusation de la présidente devant le Sénat, qui aurait alors le dernier mot.

L’opposition accuse la présidente d’avoir maquillé les comptes publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015, pour minimiser l’impact de la crise économique et des déficits publics.

Mme Rousseff se défend d’avoir commis un quelconque crime de responsabilité, faisant valoir que ses prédécesseurs ont eu recours aux mêmes tours de passe-passe budgétaires sans être inquiétés.

Elle dénonce une tentative de coup d’Etat institutionnel émanant d’une opposition revancharde n’ayant pas accepté sa défaite électorale en 2014.

L’avocat général Cardozo a estimé en conférence de presse qu’il revenait au tribunal suprême de jouer son rôle de gardien de la Constitution, et par conséquent, d’exercer un contrôle sur les abus commis par le pouvoir législatif.

Il a en particulier mis en cause l’impartialité du président du Congrès des députés, Eduardo Cunha, farouche adversaire de Mme Rousseff et membre du parti centriste PMDB du vice-président Michel Temer, qui assumerait le pouvoir en cas de destitution de la présidente.

Inculpé de corruption dans le cadre du scandale Petrobras, M. Cunha avait déclenché en décembre la procédure de destitution contre Mme Rousseff, le jour-même où il avait été lui-même renvoyé devant la commission d’éthique des députés en vue d’une éventuelle cassation de son mandat, avec le soutien du parti présidentiel.

– ‘Situation difficile’ –

Le défenseur de Mme Rousseff a reproché à M. Cunha d’avoir inclus en cours de route des éléments d’accusation qui ne figuraient pas dans la demande initiale de destitution.

Il a notamment cité l’inclusion d’accusations portées contre la présidente par un ancien sénateur inculpé dans le cadre de l’enquête Petrobras.

A la fin, cela devient un véritable procès kafkaïen dans lequel l’accusé n’arrive pas à savoir avec exactitude, de quoi il est accusé, ni pourquoi, a dénoncé M. Cardozo.

Dilma Rousseff a réuni dans la matinée ses ministres les plus proches et des députés fidèles de sa base pour définir une stratégie avant le vote de dimanche.

La situation est difficile, a reconnu le ministre porte-parole du gouvernement Edinho Silva, interrogé par l’AFP.

Mme Rousseff s’accroche à l’espoir ténu d’obtenir dimanche le vote d’un tiers des députés (172 votes) en sa faveur. Cela lui suffirait pour faire avorter la procédure de destitution et ainsi sauver son mandat.

Mais l’opposition pense déjà pouvoir compter sur plus des 342 votes requis (2/3 des 513 députés) pour que la procédure de destitution soit soumise à l’approbation du Sénat.

La situation deviendrait alors extrêmement critique pour Mme Rousseff.

Il suffirait en effet, courant mai, d’un vote à la majorité simple des sénateurs pour qu’elle soit écartée du pouvoir pendant un délai de maximum de 180 jours dans l’attente d’un jugement final.

Le vice-président Michel Temer assumerait alors immédiatement ses fonctions et formerait un gouvernement de transition.

Je lutterai jusqu’à la dernière minute, a prévenu mercredi Mme Rousseff, dans une interview aux grands médias brésiliens. Elle a affirmé avoir toutes les chances de gagner dimanche.

Sa première initiative serait alors de proposer un grand pacte sans vainqueurs ni perdants à l’ensemble de la classe politique pour sortir le Brésil de l’impasse politique et oeuvrer à son redressement économique.

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PETROBRAS – PETROLEO BRASILEIRO

(©AFP / 14 avril 2016 21h49)