Ansardine, Aqmi et Mujao : radioscopie du triple mal


Pourtant, les méthodes islamistes sont les mêmes. Le but aussi sans doute.C’est ce que révèlent les chroniques comparée de Tombouctou et Gao. Seul le calendrier pour appliquer les décisions peut être décalé. A Tombouctou, la mainmise islamiste a commencé par la destruction systématique des lieux de culte ou de recueillement susceptibles de contrarier l’islam salafiste dont l’étendard était brandi. Puis, a suivi depuis quelques heures, la première amputation de membre  d’un présumé voleur. En tout cas, un citoyen malien dont l’Etat n’a pas encore choisi ce moyen de délivrer la justice. A Gao, l’islamisme s’est installé avec d’abord le souci d’instaurer la charia. C’est dans cette région qu’il y a pour l’instant le plus de mains coupées. Et la destruction dans la région du mausolée de Cheikh El Kébir, simplement que seul l’islam salafiste a la faveur de l’occupant. Il sera injecté à dose homéopathique aujourd’hui mais sous le rouleau compresseur de l’occupant, il sera le seul à avoir droit de cité demain.

Même Kidal la ville des chefs est aux pas. Cette zone a ses spécificités tribales et ses protocoles internes qui lui ont épargné quelque peu les sagas de Gao et de Tombouctou. Mais il ne faut pas oublier que c’est de cette terre dont est issue la hiérarchie d’Ansardine que sont parties les toutes premières résistances à la loi islamiste. Et si Kidal Ville n’a encore connu l’escalade, c’est à Aguel Hock que repose, pour la première fois dans l’histoire du Mali moderne, un couple lapidé à mort pour adultère.

Derrière le turban, les jeux et les enjeux du Nord. Et ce n’est pas qu’une clause de style. Ce sont ces jeux et enjeux qu’il est nécessaire de comprendre pour une stratégie bien informée, raisonnée et pertinente de résolution de la crise du septentrion malien. Il faut voir jusqu’où l’Etat malien n’est pas la victime abusée d’une division du travail qui fait d’Ansardine d’abord un rempart contre une éventuelle vague bleue, territorialiste et laïque, donc hostile aux barbus et ensuite une sorte de consulat honoraire d’un jihad qui ne peut renoncer à sa cible originelle : à savoir le Maghreb, surtout le Maghreb d’aujourd’hui plus réceptif au projet islamique. Et quant au Mujao, s’il était simplement un avatar d’Aqmi, mis en œuvre certes pour répandre l’islam au Sahel mais aussi pour contrôler les routes essentielles de l’argent ? Donc, une sorte de protectorat pour Belmokhtar plus que pour Abuzeid. En tout état de cause, le principe reste le même jusqu’à ce que le rapport de force décante à l’intérieur de la nébuleuse salafiste qui a, elle aussi, ses contradictions. Mais pas celle de renoncer à la charia et à la tolérance vis-à-vis d’autres courants religieux ou culturels.

Adam Thiam

 

Le Républicain Mali 19/09/2012