ALPHADI, fondateur du FIMA (Niger) : « La culture et la mode peuvent aussi être une grande source d’emplois en Afrique »

Ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO et fondateur du FIMA (Festival International de la Mode Africaine), le grand styliste nigérien ALPHADI prépare un nouvel événement à Niamey : le XIIIe FIMA, qui se déroulera du 1er au 5 décembre prochainS. Entretien, à l’occasion de sa présentation à Paris, ce mercredi 20 octobre au siège de l’UNESCO.

APP – Quel sera le thème de cette XIIIe édition du FIMA que vous préparez pour début décembre à Niamey ?

ALPHADI – Il faut que la vie reprenne au plus vite après l’épidémie de Covid et la traversée du désert que nous a imposé sur le plan économique cette maladie. L’Afrique doit montrer l’exemple et se relever. Cette XIIIe édition aura pour thème : « La mode, dynamique de paix vers l’intégration touristique et culturelle de l’Afrique ».

L’Afrique bouge… C’est une image que nous voulons donner pour que vous veniez plus nombreux au Niger, que tout le monde y revienne, car le Niger est, en réalité, un pays très touristique avec la région du fleuve notamment et, bien sûr, le majestueux désert du Tiguidit, où j’avais organisé en 1998 notre première édition. La reprise de cette activité sera la bienvenue car le tourisme constitue aussi le poumon de notre économie.

Notre ambition est donc de faire de la culture un élément fondamental de la paix. C’est pourquoi le FIMA s’inscrit cette année dans une nouvelle dynamique de construction et de consolidation de la paix, en mettant l’accent sur la promotion du tourisme, et entend contribuer ainsi à l’intégration économique africaine.

APP – Ce grand rendez-vous de la mode est aussi, en effet, un événement touristique et culturel…

ALPHADI – En vingt-trois ans d’existence, le FIMA a lancé et organisé le concours des jeunes stylistes, le concours des top models, le concours des meilleurs artisans avec toujours pour but de cultiver l’excellence au cours de nos différentes éditions. L’Afrique regorge de jeunes talents et ils ont pu ainsi bénéficier d’une plateforme pour faire connaître leur savoir-faire et découvrir des opportunités de carrière. La culture et la mode sont des secteurs qui peuvent être pourvoyeurs d’emplois à grande échelle en Afrique.

APP – Car la paix est bien entendu indispensable au développement ?

ALPHADI – C’est une manière aussi pour nous de montrer à la face du monde que la paix et nos progrès économiques sont réels. Il nous faut montrer que le développement avance, que nous avons a réellement commencé à créer de l’emploi – pour ce qui concerne mon secteur de compétence – dans l’industrie du textile comme dans la bijouterie, la maroquinerie ou l’artisanat.

«COMME LE FESPACO, CE GRAND RENDEZ-VOUS
VA FAIRE VIVRE TOUT LE PAYS PENDANT UNE SEMAINE»

APP – Quel est le poids économique du FIMA ?

ALPHADI – Placé sous le haut patronage du Président du Niger, Mohamed Bazoum, et officiellement soutenu par les autorités nigériennes, le FIMA a un budget de 3 à 4 millions de dollars et engage pendant le Festival près de 900 personnes. C’est dire que l’événement donne du travail à Niamey, notre capitale, où les hôtels et les restaurants sont pleins, sans parler des taxis, pendant toute la semaine du Festival. À l’image de ce qui se passe à Ouagadougou (Burkina Faso) pendant le Fespaco, le Festival panafricain du cinéma qui s’y déroule actuellement.

De nombreuses familles gagnent de quoi vivre pendant le FIMA… Car ce grand rendez-vous de la mode et de la beauté fait vivre presque tout le pays : tous les artisans (maroquiniers, bijoutiers, etc), venus de toutes les régions, se retrouvent en effet dans la capitale.
Ce sont donc des milliards de francs CFA qui sont engagés pour cet événement et je crois que le Niger gagne beaucoup du FIMA en termes de retombées économiques et médiatiques.

APP – Quelles sont les grandes innovations de cette nouvelle édition ?

ALPHADI – Pour la première fois, le Festival se déroulera dans un grand stade, où se retrouveront tous les soirs de 10 000 à 15 000 personnes. Et, pour donner une chance à la jeunesse et à la mode nigérienne, la première Nuit du Festival sera consacrée au Niger, avec les créateurs nigériens comme la ravissante Biba Kountche de Madiba, qui défilera une nouvelle fois au FIMA début décembre. Mais aussi les musiciens et artisans nigériens pour démontrer leur savoir-faire. Il s’agit de créer une dynamique en faveur de ce pays qui a réellement besoin de reconnaissance.

Cette année, quelque 340 jeunes stylistes sont déjà inscrits au FIMA qui sélectionnera les dix meilleurs pour venir y présenter leurs collections lors d’un superbe défilé de mode. Et 42 pays africains participeront au FIMA car tous ont compris – je le répète – que la culture et la mode peuvent aussi être une grande source d’emplois en Afrique.

ALPHADI à l’Unesco, entouré de quelques-unes de ses mannequins et de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire, Maurice Bandaman (ancien Ministre de la Culture et de la Francophonie), la CI étant le pays invité d’honneur du FIMA. © BF

Et, pour la première fois aussi, nous avons mis un pays à l’honneur – ce sera cette année la Côte d’Ivoire – pour participer à notre façon à l’intégration africaine, et mettre parfaitement celle-ci sur les rails puisque nous bénéficions maintenant avec la Zleca d’une Zone de libre échange à l’échelle de tout le Continent. Nous sommes très heureux d’avoir à nos côtés ce pays, qui est un phare de l’Afrique, pour célébrer et défendre la culture et la création artistique. Pays de référence dans le domaine de la mode et de la créativité, la Côte d’Ivoire le mérite bien.

« QUE LES JEUNES AFRICAINS
RESTENT SUR LE CONTINENT ! »

APP – Et vous préparez aussi l’ouverture d’une école à Niamey…

ALPHADI – C’est ma grande idée depuis longtemps : l’École supérieure de la Mode et des Arts (ESMA), qui fera partie de l’Académie ALPHADI, ouvrira en janvier prochain à Niamey, où tous les étudiants africains pourront venir se former.

Cette grande École constituera dans son domaine d’excellence le premier « hub » du Continent.

Mon but est clairement affiché : que les jeunes Africains restent sur le Continent et n’aillent pas mourir dans le désert ou en Méditerranée en rêvant de partir en Europe et d’être rapidement victimes de leurs illusions. Nous voulons les garder, les éduquer et, à l’issue de leur parcours, leur donner si possible un emploi. Car éducation et emploi sont intimement liés.
Notre école de formation entend ainsi se donner une dimension non seulement académique et culturelle, mais aussi économique et sociale. En un mot : être une École où règne le pragmatisme.
Je remercie tous nos partenaires pour la réalisation de ce projet concret qui va donc enfin voir le jour.

APP – La diaspora fait-elle également partie de vos préoccupations ?

ALPHADI – Tout à fait ! La diaspora, ou plus exactement les diasporas africaines, font partie intégrante du FIMA, qu’elles soient sénégalaise, togolaise, ivoirienne, béninoise, etc. Nous faisons appel à cette « sixième région » du Niger que constitue la diaspora. Tous peuvent envoyer leurs dossiers pour participer aux concours réservés aux jeunes stylistes et nous invitons tous les jeunes talents de ces différentes diasporas à venir à Niamey présenter leurs collections et leur travail.

APP – Le « Magicien du désert » a-t-il un dernier mot à ajouter ?

ALPHADI – Un dernier mot pour remercier l’UNESCO, dont je suis l’ambassadeur de bonne volonté, et qui nous ouvre toutes grandes ses portes, pour présenter à Paris notre Festival qui fête cette année ses 23 ans. Nous sommes heureux de relancer le FIMA, car 23 ans, cela se fête ! L’image positive de notre Continent, cela se fête aussi, et bien sûr la jeunesse africaine !

La porte du Niger est donc grand-ouverte car l’après-Covid doit être fêté comme il se doit, avec une véritable relance économique pour que les gens qui pendant près de deux ans ont perdu de l’argent, voire leur entrepris,e puissent se refaire une santé économique aussi bien en Afrique qu’en Europe. Que la vie reprenne le dessus, c’est pour moi très important.

Propos recueillis par Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP)
Source: africa_presse