Ali Koïta, président de la commission de crise / « Le Mujao exige le voile pour les femmes et…….


Douentza a toujours été occupé depuis le 2 avril. Avant c’était le MNLA après il y a eu Ansar Eddine et maintenant c’est le MUJAO. L’esprit qui nous anime c’est un esprit de déception. Nous ne comprenons pas qu’après le départ du MNLA que Douentza soit resté libre pendant un bon moment et rien n’a été fait pour consolider cette liberté. C’était des jeunes qui étaient sur place et que le MUJAO est venu désarmer. Ils ont demandé aux jeunes d’aller à Gao s’ils veulent récupérer leurs armes. Et quand les jeunes sont venus nous voir, on a dit non car il n’y a pas d’allégeance possible avec le MUJAO. Voilà un peu la situation actuelle.

Et les populations sur place ?

Les populations sur place sont meurtries parce qu’ils ont pratiquement commencé à appliquer la charia en demandant aux jeunes filles de se voiler et  aux jeunes de ne pas fumer de  cigarettes,  de ne pas fréquenter des bars et de ne pas écouter de la musique. Donc pour nous, nos populations sont meurtries et ils attendent qu’on leur vienne en aide.

Et l’autorité ?

L’autorité est absente ils n’ont même pas condamné l’occupation des lieux par le Mujao. Je n’ai pas entendu encore la réaction officielle du gouvernement. Nous avons fait un communiqué engageant la responsabilité du gouvernement face à la sécurisation des personnes et des biens à Douentza.  Douentza est une partie du Mali donc nous engageons la responsabilité du gouvernement mais à ce jour  encore je n’ai pas entendu de réaction de la part du gouvernement.

Comment comprendre cela ?

Nous ne comprenons pas du tout cette attitude qu’on peut qualifier de défaitiste. Et cette attitude défaitiste va nous amener à une situation qu’on ne peut pas décrire. Je crois que les autorités vont se ressaisir car  il est temps de se ressaisir  pour reprendre le Nord. Je salue le président pour la lettre qu’il  a  envoyée a la CEDEAO pour venir en aide au Mali et je pense que les maliens prendront cela au bond pour pouvoir s’organiser et faire face à ce front qui ne fait qu’avancer et qui se consolide de jour en jour.

Justement à propos de la lettre adressée par le Président de la République aux autorités de la CEDEAO. Douentza est une ville aux avant-postes de  la ligne de front, vous ne craignez pas des représailles ?

Moi je pense qu’on s’organise et il faut qu’on libère ces endroits. On met des positions pour sécuriser cet endroit et cette sécurisation doit prendre effet et  date mais cela  prend un long temps c’est tout à fait nécessaire. Douentza étant une ligne de front, nous avons besoin actuellement de l’appui de l’extérieur pour non seulement libérer la ville mais aussi la sécuriser définitivement et c’est de cela dont on a besoin.

Le MUJAO est venu s’installer sachant que Ganda Izo était déjà à Douentza.  Quels étaient les plans, en fait, de Ganda Izo ?

Ganda Izo est venu à Douentza après le départ du MNLA, c’est un peu pour sécuriser les populations. Parce qu’au-delà de l’occupation, il y a eu des velléités des conflits de terre qui nous ont été signalés, il y a du banditisme dans la région, des vols de bétail,  de biens des populations qui ont été observés. Donc l’arrivée de Ganda Izo au début a été salutaire pour sécuriser les populations si tel est leur objectif. Mais malheureusement ils ont eu une connivence avec les occupants parce qu’ils avaient des rencontres avec les occupants dont le comité de crise local de Douentza n’était pas informé.  Quand on me l’a rapporté, à Bamako, ici, nous l’avons désavoué. Parce qu’il n’est pas normal qu’il y ait une connivence entre le Ganda Izo local de Douentza et des mouvements armés.

Mais cette connivence est de quelle nature entre les deux  composantes ?

Je ne peux pas dire la nature mais ce que je sais, c’est qu’à un moment donné, on a rapporté que le Ganda izo de Douentza est venu à Douentza avec les bénédictions des groupes armés. Donc s’il y a des bénédictions des groupes armés, il y a problème.

Quels groupes armés ?

Ansar Eddine à l’époque,  après il y a eu le MUJAO. C’est Ansar Eddine qui chassé le MNLA. D’aucuns ont compris même qu’ils avaient confié à cette branche de Ganda Izo la sécurisation de Douentza : tout est confus et nous ne comprenons rien. Mais ce que nous avons dit à nos jeunes qui sont membres du Ganda Izo c’est de ne jamais  avoir de connivence avec l’ennemi car  le Mali est un et indivisible. Il y a un gouvernement central ici, c’est à ce gouvernement qu’il faut se référer. Mais nous mettrons la pression nécessaire sur ce gouvernement pour intervenir sur le terrain parce qu’il  est temps pour que des actions concrètes soient prises pour la libération du nord du Mali,  à commencer par le cercle de Douentza.

Vous dirigez une association assez représentative  à Bamako.  Avez-vous, en dehors de l’appel aux autorités, des plans pour libérer Douentza et au-delà ?

En réalité en tant que civil, nous n’avons pas de plans pour libérer. Nous avons des plans de résistance, des plans d’aide au secteur de la santé, à l’éducation, d’aide alimentaire. Mais je pense que la libération c’est le rôle régalien de l’Etat et nous sommes prêts à l’accompagner dans cela et nous pensons que l’Etat doit jouer ce rôle. Ce rôle régalien de l’Etat c’est la libération totale et effective de nos localités et la sécurisation des biens et de nos populations.

Avec le retour du Mujao à Douentza, comment vivent les populations aujourd’hui ? Est ce que le MUJAO a commencé à appliqué la charia?

Je ne peux même pas dire de retour : ils n’ont jamais quitté car  ils vont quelques jours ils reviennent. Ils n’ont jamais quitté les lieux. Il y avait le MNLA qui a été balayé par Ansar Eddine  après c’est le MUJAO. Entre le MUJAO et Ansar Eddine tout le monde sait qu’il y a une connivence, il y a un partage de rôles,  il y a même une complicité : donc ils n’ont jamais quitté la ville de Douentza. Cela dit, depuis hier j’ai eu des informations comme quoi ils ont demandé aux jeunes filles et femmes de ne plus sortir si elles ne sont pas voilées,   aux jeunes de ne plus fumer de la cigarette, de ne plus écouter de la musique : c’est déjà un début d’application de la charia. Nos populations sont meurtries et sont terrées chez elles. Même le marché de Douentza n’est pas fonctionnel comme par le passé parce que les gens craignent  certaines exactions qui pourraient arriver face à face avec l’ennemi, il faut l’appeler ainsi.

Douentza est occupé, l’armée est à quelques encablures ?

L’armée est à 110 km à Kona et quand le MNLA avait quitté la ville, Douentza était libre pendant quelques jours. Nous avons essayé de démarcher, nous avons attiré l’attention des autorités pour que le poste de Kona soit un poste avancé  sur Douentza. Peut-être que le Mujao ne serait pas retourné si l’armée était venu occuper les lieux.  Douentza était  libre de tout mouvement, les gens pouvaient aller et venir sans problème, le transport était fluide… Mais avec le retour du Mujao tout se complique.

Le président du comité de crise de Douentza se plaignait du fait que même l’aide humanitaire passait par-dessus leurs têtes et allait  à Gao, Tombouctou peut être même plus loin. A ce désastre humanitaire  on peut ajouter le choléra qui avance à grand pas. Peut être même que les bergers sont sortis avec leurs bétails, ce qui est une catastrophe dans cette zone là?

Tout à fait. Cette zone manque de statistique actuellement,  toute l’administration sanitaire n’est plus sur place. Nous avons été obligés de recruter six médecins et sept infirmiers que nous payons de nos poches pour qu’ils puissent suivre l’état sanitaire de nos populations. Mais au delà,  il se trouve qu’au niveau de l’assainissement et autres rien n’est fait. Donc tout est possible actuellement avec les recrudescences d’épidémies de cholera qui avancent à grand pas. Nous avons espéré, d’ailleurs pour que l’administration retourne.  Quand la ville n’était pas encore occupée, on avait même démarché l’administration sanitaire et l’administration scolaire pour qu’ils retournent. Ce qui ce passe avec l’arrivée du MUJAO actuellement ne fait que compliquer davantage ces interventions et cela risque d’affecter l’état de santé des populations et remettre en cause la seconde session des examens qui doivent se tenir en octobre. Nous avons des élèves qui devraient venir prendre des cours à Sevaré pour le compte de la deuxième session en octobre prochain.

Et le bétail ?

S’agissant du  bétail, il y a problème parce qu’il y a du bétail qui faisait des transhumances. Il y a du vol de bétail qui s’opère actuellement  dans le cercle de Douentza. On nous a même rapporté que dans beaucoup de zones, il ya des bandits qui rançonnent et volent du bétail.

Es-ce le fait du Mujao de voler du bétail ?

On n’a pas eu cette information. On nous a informés que des jeunes descendants d’un Touareg qui s’appelle Marouchatt auraient rançonné des gens pour leur prendre leur bétail mais tout cela reste à vérifier.

On parlait d’un arabe qui avait disparu dans le cercle de Douentza et que le Mujao avait mis en demeure Ganda Izo de le retrouver. Qu’en est-il réellement ?

Selon nos informations, le monsieur a disparu et je crains que ce ne soit un crime crapuleux parce qu’il semblerait que l’intéressé avait trois millions de FCFA sur lui et que l’argent aurait disparu. Et le monsieur n’a jamais été retrouvé. Par manque d’administration et d’autorité, aucune recherche n’est encore envisagée. Certains problèmes de Douentza se traitent à Sevaré. Personnellement, ils sont venus me voir par rapport à un voleur de bétail qu’ils avaient arrêté et remis à la gendarmerie de Sevaré. Tenez vous bien, avant le matin, l’intéressé est parti, les gendarmes l’ont libéré.  Il n’ya ni juge, ni  commandant de cercle, ni gendarme, ni garde à Douentza. Même si on doit mener une enquête, quelle est l’autorité qui va se charger de l’enquête ? Et pour être utilisée par quelle autre autorité ?

L’arabe en question est-il du Mujao ?

Il n’est pas facile de savoir si un touareg ou un arabe est du Mujao et du Mnla. Je pense que le Mujao, le Mnla, Ançardine sont tous ensemble.

Est ce que ce n’est pas une stratégie ?

On ne peut pas faire de différence entre la base d’Ançardine et la base du Mujao.

Pas de signe distinctif ?

Je ne pense pas, peut être le turban attaché par la gauche ou par la droite.

D’après vous, quels sont les plans de l’armée ? Quelles sont les conséquences de l’exécution du diplomate algérien pour la sous-région ? Comment vous envisagez l’avenir ?

J’ai beaucoup d’inquiétude. Je prie Dieu pour que notre gouvernement et notre peuple se ressaisissent pour que nous nous retrouvions pour faire face à ces bandits armées. Ces bandits armés sont sans foi ni loi. L’exécution du diplomate algérien est un acte condamnable, odieux et abominable. Il est inadmissible qu’un crime aussi odieux puisse être commis sur une terre de paix et d’accueil comme le Mali. Nous le condamnons. Pour  les plans de libérations, j’espère que la  lettre que le président de la république, Dioncounda Traoré,  a envoyée à la Cédéao sera répondue favorablement et très rapidement. Et des plans seront mis en œuvre pour libérer effectivement et définitivement le Nord du Mali, y compris le cercle de Douentza. Je ne suis pas dans les secrets des dieux mais j’aurais appris que des préparations sont en cours. Si tel est le cas, on ne peut que saluer cet effort. Il est grand temps car chaque temps qui passe consolide l’ennemi. Je pense qu’on doit être debout, comme dans notre hymne national, sur les remparts si l’ennemi découvre son front au-dedans ou au dehors.  Donc nous nous devrons être ensemble pour bouter l’ennemi à jamais de nos localités.

Votre mot de la fin ?

Je remercie les ressortissants du  cercle de Douentza qui m’ont fait confiance et jusqu’à présent notre comité de crise est intervenu dans l’éducation, la santé voire même dans l’énergie. Nous avons acheté du carburant  à 24 millions pour que la ville de Douentza ne soit pas dans l’obscurité la nuit afin de limiter l’insécurité pendant la nuit. J’en appelle aux ressortissants de Douentza et à toute la communauté pour que nous nous retrouvions et que nous nous donnions la main pour que notre ville puisse avancer. Il faut se donner la main pour venir en aide à nos populations qui sont dans une souffrance qui n’a que trop duré.

Le Républicain Mali 06/09/2012