Accord d’Alger Pour l’Oif, le Mali a signé pour « l’Etat fédéral »

adam thiam

L’autre, une lettre du 10 juin est signé du Tunisien Rhida Bouabib, représentant de à Genève. Destinataire : son patron à elle, Michaelle Jean, la Secrétaire générale de l’organisation dont le siège est à Paris. La remplaçante d’Abdou Diouf, une Canadienne mariée à un Français et dont la silhouette est devenue plus familière aux Maliens depuis son séjour bamakois, dont le dernier du15 mai dernier à l’occasion de la cérémonie officielle de signature de l’accord dit d’Alger.

La réunion du 4 juin

Le compte rendu de cette réunion tenue sur l’accord en question mentionne la Rhida Bouabid, Pierra Buyoya (Représentant de Misahel) Cheick Tidiane Gadio (Président de l’institut Panafricain pour la Sécurité), Soumeylou Boubeye Maiga (ancien ministre) et Mame Baba Cissé, Ambassadeur du Sénégal à Genève en qualité de président du groupe des ambassadeurs de la Francophonie.

Le rapport de cette réunion est un compte rendu classique et sans gravité. Il y est fait l’économie de la crise malienne, « une crise institutionnelle et sécuritaire » ; les négociations d’Alger y sont saluées comme de « véritables pourparlers » entre le gouvernement malien et les groupes armés ; la multiplicité des groupes armés de même que certaines revendications (fédéralisme, indépendance) sont pointés ; comme des facteurs ayant rendu difficiles les négociations ; la signature de l’accord du 15 mai 2015 y est perçu comme une grand pas dans la bonne direction.

Reste la mise en œuvre qui nécessite un plan et un fond « particulier pour le développement des régions du Nord Mali » à promouvoir avec d’autres types d’actons : réconciliation nationale, renforcement du rôle des cadis, enquête sur les exactions commises et retour des réfugiés. Néanmoins, la médiation internationale, conduite par l’Algérie et comprenant la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad, l’ONU, l’UA, la CEDEAO et l’OCI, a su maintenir le contact avec les deux parties et proposer des pistes de sortie de crise consensuelles.

La CMA, coordination des mouvements de l’Azawad, regroupant les principaux mouvements armés, a paraphé l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, le 14 mai 2014, soit la veille de la signature officielle de l’Accord à Bamako, en présence de représentants des partenaires extérieurs.

Pour conclure, la réunion a jugé « difficile de proposer des recommandations, car la crise du Sahel est multidimensionnelle. Plusieurs facteurs entrent en jeu ». Mais pour les Etats, il est indispensable d’avoir une gouvernance qui réduit « les inégalités et les disparités entre les régions » et qui permet de mutualiser les ressources pour relever les défis sécuritaires du Sahel.
La lettre explosive du 10 juin

Cette lettre du représentant genevois de l’Oif analyse la réunion du 4 juin et en tire les implications politiques et opérationnelles. Le document est appelé Note d’information à l’attention de Madame la Secrétaire Générale de la Francophonie (Ref No 82/ RPG/AMB/AB/EF/CG). Elle commence ainsi « la caractéristique principale de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali est d’avoir à la fois sauvegardé l’unité nationale, l’intégrité territoriale et le caractère fédéral et laïc de l’Etat malien… ».

Retenons l’expression caractère fédéral ! Dans la même phrase, l’auteur du rapport suggère qu’il y a eu un deal qui est le suivant : l’Etat central a gardé pour lui les pouvoirs régaliens « (notamment une armée unique) en échange d’une reconnaissance de l’Azawad » comme une « entité géographique et politique spécifique, ayant sa personnalité propre… ». Plus bas, comme s’il y s’agissait d’un autre accord qui n’a pas été rendu public celui-là, l’auteur de la note explicite : « l’accord consacre une reconnaissance de l’Etat et du territoire de l’Azawad comme partie intégrante de l’Etat fédéral ».

On s’étouffe un peu plus loin lorsque le document informe que la dite entité comprend les régions de Kidal, Gao, Tombouctou, Menaka, Taoudenit ainsi que le cercle de Douentza » ! Ainsi, poursuit le texte, « avec une architecture de type fédéral » l’accord garantit-il à l’Azawad « une pleine représentation de son entité politique au sein des institutions fédérales ».

Comment donc accompagner le nouvel Etat qui « souffre d’un grand retard de développement» ? Il est question de « zone de développement particulière » et on suppose que c’est l’Azawad et de « fonds de développement ». Lequel sera constitué en partie par les contributions au « Plan Cadre des Nations-Unies pour l’aide au développement du Mali pour la période 2015-2019 doté de 1,1 milliards de dollars ».

Mais regrette la note qui salue la « concession » (sic) faite par le gouvernement malien en rapport avec le retrait demandé du Gatia de la ville Menaka, la situation sécuritaire reste un « des principaux point d’achoppement », car la crise malienne s’inscrit dans celle plus vaste du Sahel-Sahara, avec l’apparition de nouveaux foyers de crises plaidant pour une armée panafricaine. C’est-à-dire le retour en 2015 à l’idée que Nkrumah avait émise en 1963 ! L’apport spécifique éventuel de la Francophonie a été abordé dans la note.

Cette institution doit en priorité mettre en place un « programme spécial pour la consolidation de la paix au Mali ». Tout le Mali ? Silence. Mais c’est urgent, dit la note de relever le défi de l’éducation dans le Nord quand on sait que les enfants de plusieurs localités dont Kidal ne vont plus à l’école depuis quatre ans. Des enfants dont « l’éducation est confiée aux mosquées et autres institutions religieuses » relève le document qui parle de « bombe à retardement ».

Outre la Secrétaire générale, la note a été adressée à l’administrateur de l’Oif (un Malien) ainsi qu’à d’autres responsables de l’organisation. Les noms de notre ambassadeur auprès de la Francophonie et celui à Genève n’ont pas été mentionnés sur la liste de présence. A-t-on discuté à Genève d’un accord autre que celui que nous avons signé ?

Adam Thiam

Source: Le Républicain-Mali