Abidjan attend la bataille finale.

Pendant toute la journée du samedi 2 avril 2011, Abidjan a retenu son souffle, persuadé que l’assaut des forces républicaines pro-Ouattara allait intervenir d’un moment à l’autre.

Peu après-midi, des tirs nourris ont commencé à retentir dans le quartier du Plateau où se trouve le palais présidentiel, mais la grande bataille pour le contrôle du pouvoir n’est finalement pas intervenue.

Selon une bonne source, les combattants pro-Ouattara ont attendu en vain que les casques bleus, en vertu de leur mandat, détruisent au moins une partie de l’armement lourd des forces loyales à Laurent Gbagbo.

En s’abstenant de relancer une nouvelle offensive, les FRCI (les Forces républicaines pro-Ouattara) ont offert bien plus qu’un répit à leurs adversaires. Grâce à la reconquête de la télévision d’Etat, le camp Gbagbo a pu envoyer des messages de mobilisation aux soldats qui lui sont toujours loyaux mais surtout lancer dans la bataille les jeunes patriotes.

Chants religieux et slogans nationalistes

Samedi après-midi, ces fidèles parmi les fidèles de Laurent Gbagbo étaient des centaines à converger en direction du palais présidentiel et de la résidence du chef de l’Etat sortant. Entre chants religieux et slogan nationalistes tels que « la Côte d’Ivoire aux Ivoiriens », ces farouches partisans de Laurent Gbagbo se sont rassemblés avec la ferme intention, jurent-ils, de servir de bouclier humain pour protéger leur champion.

L’entrée en scène des jeunes patriotes vient compliquer la donne pour les troupes d’Alassane Ouattara. Pour remplir leur tâche, ces derniers risquent de devoir tirer sur des civils. Malgré cette situation nouvelle, un proche de Guillaume Soro jurait samedi que les objectifs restent inchangés. Selon cette source, Laurent Gbagbo peut préparer le chaos mais les forces pro-Ouattara ne peuvent plus reculer.

Massacre d’ampleur à Duékoué

On commence à en savoir un peu plus sur ce qui s’est passé à Duékoué, cette ville de l’ouest du pays, où le CICR annonçait avoir trouvé des centaines de morts cette semaine, après les combats qui ont eu lieu quand les forces pro-Ouattara l’ont investie.

Les enquêteurs de l’ONU sont sur place et découvrent l’horreur. Ils ont décompté 330 corps en putréfaction à l’air libre à Duékoué, des civils pour la plupart, exécutés sommairement, ou tués à la machette. Selon les témoignages recueillis, les deux tiers ont été tués par les forces pro-Ouattara qui ont pris cette localité dans la semaine, comme l’explique Guillaume Ngefa, chef adjoint de la section droits de l’homme de l’ONU en Côte d’Ivoire :

« La plupart ont été tués par les Dozos, les chasseurs traditionnels, une unité qui combat aux côtés des forces républicaines de Côte d’Ivoire. Lorsque les troupes pro-Ouattara sont arrivées, ils ont arrêté des populations. Ils ont séparé les hommes des femmes et des enfants, et c’est là où certains ont été exécutés sommairement ».

D’après les enquêteurs, les autres victimes retrouvées à Duékoué jusqu’ici, quelques 100 personnes, essentiellement venues du nord de la Côte d’Ivoire ou d’autres pays ouest africains ont pour leur part été tuées avant la chute de la ville, par les miliciens pro-Gbagbo qui la contrôlaient.

Le bilan des tueries perpétrées à Duékoué pourrait d’ailleurs s’alourdir car l’Onuci a retrouvé deux fosses communes et des cadavres qu’elle n’a pas encore pu compter dans un puits profond à proximité du QG d’un certain Colombo.

« Colombo était le chef des miliciens pro-Gbagbo dans la région, confirme Guillaume Ngefa. Sa milice était essentiellement composée des Guérés et aussi de mercenaires du Libéria. Il est connu pour sa brutalité et pour les nombreuses violations des droits de l’Homme qu’il a déjà commises depuis 2003, 2004, 2005, 2006 ».

La Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH) estime que plus de 800 personnes ont été exécutées à Duékoué depuis le second tour de la présidentielle le 28 novembre dernier. Sur place, l’ONU poursuit son décompte macabre.

Par RFI 04/04/2011