Sénégal : Diomaye – Sonko, vers une fracture annoncée ?

Symboles d’un renouveau politique lors de l’alternance de mars 2024, Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko ont incarné une rupture à la fois idéologique et générationnelle. Empêché de se présenter à la présidentielle, Sonko avait misé sur son fidèle compagnon, Diomaye, alors secrétaire général du parti Pastef. Ce choix s’est révélé payant : Diomaye l’emporte dès le premier tour avec plus de 54 % des suffrages. Le slogan « Diomaye moy Sonko, Sonko moy Diomaye » devient l’emblème d’une alliance parfaite, unie dans la complémentarité : à Sonko la radicalité assumée, à Diomaye la rigueur posée. Ensemble, ils semblaient ne faire qu’un.

Mais quinze mois plus tard, cette harmonie laisse place au doute.

C’est à Dakar, lors de l’installation du Conseil national de Pastef, chargé de refonder le parti en amont de son congrès, que les tensions sont devenues palpables. Le discours prononcé par Ousmane Sonko, désormais Premier ministre, a surpris par sa fermeté. Derrière l’appel à renforcer le parti, certains y ont vu un message plus politique que structurel. En insistant sur son rôle déterminant dans la victoire, Sonko semble vouloir rappeler qu’il reste l’âme du projet, même s’il n’est pas président. Il n’a pas caché son irritation face à certaines critiques, estimant que le silence de l’exécutif, y compris du président, contribue à une forme de laxisme. Il va jusqu’à affirmer qu’il est prêt à répondre lui-même aux attaques si le chef de l’État ne le fait pas.

Ces propos marquent une ligne de fracture.

Pour plusieurs observateurs, cela révèle des tensions croissantes entre deux pôles du pouvoir. Si leur entente a permis d’accéder au sommet, leurs visions de l’autorité divergent. En réaffirmant qu’il ne quittera la primature que sur décision explicite du président, Sonko adresse un double avertissement : à ceux qui souhaiteraient son départ discret, et à ceux qui douteraient de sa combativité.

La question qui se pose désormais est celle de la résilience du duo face à l’épreuve du pouvoir. Diomaye, président de la République, doit composer avec les équilibres institutionnels. Sonko, chef de parti et de gouvernement, défend une ligne plus offensive, jugée clivante par certains partenaires. Le Conseil national, censé revitaliser Pastef, a finalement exposé les fragilités internes et les désaccords de stratégie.

Si aucun schisme n’est encore officialisé, les signaux se multiplient : désaccords de fond, discours dissonants, silences pesants. Ce qui faisait leur force dans l’opposition résistera-t-il aux réalités du pouvoir ? Dans un paysage politique où la loyauté est souvent mise à rude épreuve, le tandem entre dans une zone d’incertitude. Le projet porté en commun survivra-t-il aux ambitions personnelles ? L’avenir le dira, mais les tensions sont désormais visibles et assumées.

rédaction

diasporaction.fr