SANCTIONS ET ULTIMATUM DE LA CEDEAO CONTRE LE NIGER

L’organisation sous régionale entre crédibilisation et déstabilisation du
sahel?
Au Niger, la situation sécuritaire s’accélère rapidement. Mercredi 26 juillet 2023, le
président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum a été renversé par un coup d’État
militaire, que l’ensemble de la communauté internationale s’est empressé de condamner.
Aujourd’hui, le pays fait face à des sanctions les plus graves jamais infligées à un pays par
la CEDCEAO et surtout un ultimatum de 7 jours des pays de l’Afrique de l’Ouest qui a
expiré hier dimanche 6 Aout 2023. Ces sanctions et ultimatum ont suscité des vives
réactions à travers le monde et une véritable levée des boucliers doublée d’un soutien sans

faille des pays de la CEDEAO qui sont sous transition, à savoir le Mali, le Burkina Faso et la
Guinée. La CEDEAO va-t-elle agir pour rétablir l’ordre constitutionnel et laver son honneur
et établir sa crédibilité ? En cas d’attaques les conséquences ne seront-elles pas
incommensurables pour les régions du sahel en proie à la violence terroriste ? Le Mali et le
Burkina qui disent voler au secours du Niger en cas d’intervention de la CEDEAO ont-ils les
moyens de leur volonté ?
La CEDEAO, en décidant la suspension "immédiate" de "toutes les transactions
commerciales et financières" avec le Niger et le gel des avoirs des militaires, avait
certainement décidé de monter sur ses grands chevaux pour sonner le glas de la série de
coups d’Etat dont son espace est victime. Ces sanctions, il faut le reconnaitre, vont
"aggraver la souffrance des populations et mettre en péril l'esprit du panafricanisme",
déplorent certains analystes. Pour d’autres c’est le prix à payer pour mettre fin aux cycles
infernaux des coups d’Etat dans l’espace CEDEAO. Quant à l’intervention militaire pour
rétablir l’ordre constitutionnel, elle n’est certes pas sans conséquences sur le Niger et sur
l’ensemble de la région du sahel en proie à l’insécurité et à la violence terroriste, mais c’est
certainement la dernière astuce pour la CEDCEAO pour non seulement laver son honneur
bafoué dans les crises du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée Conakry, mais aussi rétablir
sa crédibilité et son autorité. Quant au Mali et au Burkina Faso qui ont l’intention d’aider le
Niger en cas d’intervention de la CEDEAO, ils gagneraient beaucoup plus à faire face à la
guerre asymétrique qu’est celle du terrorisme et surtout conserver le peu d’armes dont ils
disposent, car la guerre contre les terroristes sera à la fois longue et couteuse pour les
pauvres pays sahéliens.
Pour rappel selon des nombreux observateurs, la CEDEAO, dans sa configuration actuelle,
est une source de préoccupation pour la région, car au lieu d’intervenir en amont des crises,
elle joue au sapeur-pompier sans jamais éteindre véritablement les foyers. Ses décisions
concernant le Niger sont autant nuisibles pour le peuple de ce pays qu’elle est pourtant
censée défendre. D’autres pensent à priori qu’au lieu de s'attaquer au terrorisme, elle
envisage d'envoyer des troupes contre leurs frères d'un État membre.
Rappelons qu’après le coup d’Etat survenu le 26 juillet 2023, les membres de la CEDEAO ont
tenu un sommet extraordinaire sur le cas du Niger. À la sortie dudit sommet une batterie de
sanctions a été prise contre le Niger. Le Niger constitue le quatrième pays du Sahel ayant

subi un coup d’Etat militaire ces dernières années, après le Mali, le Burkina Faso et la
Guinée. Des sanctions similaires ont été imposées par la CEDEAO dans ces pays, mais chacun
a été affecté différemment. Si les sanctions ont effectivement conduit à des défauts de
paiement de la dette, notamment au Mali, ces mesures nuisent majoritairement aux
populations civiles plutôt qu’aux dirigeants militaires.
Comme si cela ne suffisait pas, les dirigeants de la Communauté économique des États de
l'Afrique de l'Ouest ont en outre donné un ultimatum d'une semaine aux militaires au Niger
pour restaurer l'ordre constitutionnel, affirmant ne pas exclure un "recours à la force".
Une intervention militaire entraînerait, de la part de Bamako, d’Ouagadougou et Conakry,
"l'adoption de mesures de légitime défense en soutien aux forces armées et au peuple du
Niger", extrait des communiqués.
Au moment où les jeunes populations de l'espace CEDEAO vivent un drame humain en
Tunisie et dans la Méditerranée, la préoccupation des dirigeants de la sous-région devrait
être plutôt orienté vers les enjeux stratégiques, socio-économiques pour l'atteinte de leurs
aspirations que de se pencher sur le sort des Présidents déchus. Pouvait-on lire dans le
communiqué de la Guinée.
En définitive, la CEDEAO joue véritablement son destin au Niger. Elle est désormais entre le
marteau de l’avenir de l’organisation sous régionale et l’enclume de la pluie des critiques
venant de ses détracteurs et des analystes. Agira ou n’agira pas par la force pour laver son
honneur et établir sa crédibilité, wait and see.

Source: Alternance (Assitan DIAKITE)