Rétrospective : DISCOURS DU PRESIDENT MODIBO KEITA A L’OCCASION DU PREMIER ANNIVERSAIRE DE LA PROCLAMATION DE L’INDEPENDANCE DE LA REPUBLIQUE DU MALI (2E PARTIE)

Modibo Keïta, Président du Mali -1960-1968.

« Soucieux de ne rien négliger pour développer avec les Etats voisins indépendants les liens de fraternité qui doivent être les nôtres, nous avons renforcé les relations diplomatiques déjà existantes.

Camarades, la coopération que vous avez recommandée a été instituée avec nos voisins et avec les pays frères d’Afrique. Chaque fois que cela était possible, le Mali n’a pas hésité à pousser à l’harmonisation et même à la coordination des efforts de nos pays dans le sens de la conquête ou de la consolidation de l’indépendance des jeunes État africains.

L’Union Ghana-Guinée-Mali est une réalité en Afrique occidentale, et la charte de Casablanca brise les barrières entre l’Afrique dite blanche et l’Afrique dite noire.

Nous pouvons donc affirmer que nous avons appliqué sans défaillance la politique de main tendue à tous les État frères désireux de se libérer totalement du colonialisme sous toutes les formes, et convaincus de la nécessité de réaliser l’union de tous pour l’avènement d’une Afrique telle que nous la voulons.

Sur la scène internationale, notre jeune République a fait son entrée et non des moins brillantes. Dès son admission à l’Organisation des Nations Unies, elle a joué le rôle que vous savez, honoré ainsi nos martyrs et fait la fierté de nos militants. A la pratique tortueuse dans les relations internationales qui fait taire ce que l’on pense et fait affirmer ce que l’on ne pense pas, que l’on appelle la diplomatie, nous avons préféré la définition claire et brutale de nos pensées et de nos positions, car pourquoi, dans ce domaine, faudrait-il encore imiter ? L’Afrique ne doit pas perdre sa franchise, son langage direct ; il faut qu’elle réhabilite la morale internationale compromise par la violation des principes ; il faut qu’elle apporte son cachet à la définition des rapports entre les État.

Notre Parti et notre Gouvernement ont adopté et suivi scrupuleusement la politique de neutralisme positif, refusant de faire du Mali un pion de tel ou tel bloc. Est-ce à dire que nous confondons dans notre politique de non-alignement ceux qui directement ou indirectement arment ou soutiennent les colonialistes qui massacrent des populations aspirant à la liberté, et ceux qui apportent un soutien moral et matériel aux mouvements nationalistes de libération. Ceux qui nous aident en nous imposant leur influence et en exigeant de nous d’être leurs satellites et ceux qui nous apportent leur assistance, sans conditions politiques parce que cela correspond à leur définition des relations humaines ? Non. Mille fois non.

Ceux qui, ici et là, parce que manquant de confiance aux valeurs africaines et inféodées à telle ou telle doctrine, ont tenté de nous faire dévier de cette ligne, se sont vite ravisés. Ils ont compris que la « satellisation » de notre pays est contraire à toutes nos traditions d’honneur et de dignité et ne pouvait se traduire que par notre dépersonnalisation.

C’est pourquoi, dès la proclamation de notre indépendance, nous avons échangé des missions avec les pays de tous les blocs, conclu des accords de coopération, établi des relations diplomatiques, accepté l’aide des uns et des autres sur la base du strict respect de notre indépendance et de notre souveraineté. »

Youssouf Sissoko
youssouf@journalinfosept.com