RETENTION DES SALAIRE DES ENSEIGNANTS   Quand l’injustice entache une décision responsable  

Dans la gouvernance d’une communauté, d’un service ou d’une nation, nous avons toujours été partisans de la fermeté, de la poigne… Si notre pays est au bord du chaos aujourd’hui, c’est parce que nous avons confondu la démocratie au laissez aller, parce que nos dirigeants on préféré la démagogie et le populisme au courage politique.

 

Et comme on ne peut pas avoir les omelettes et les poussins avec les mêmes œufs, chaque décision doit être assumée courageusement avec ses conséquences. C’est ainsi que nous avons toujours pensé que si la grève est un droit fondamental des travailleurs, la rétention des salaires l’est aussi pour l’employeur. Honnêtement, on ne doit pas être à l’aise d’exiger un salaire alors qu’on pas accompli sa part de contrat.

Vous avez sans doute compris où nous voulons en venir. Il s’agit de la rétention des salaires des enseignants de l’enseignement public à cause des grèves.  Objectivement, on ne peut pas en vouloir au gouvernement d’avoir pris cette option. Et surtout que face aux échecs répétés des négociations, cette rétention est aussi une stratégie politique pour amener les uns et les autres à de meilleurs sentiments, créer la discorde entre la base (en l’affamant) et les responsables syndicaux… Même si elle est lourde de conséquences sociales, c’est une mesure juste.

Mais, ce que nous n’avons pas compris, c’est que le gouvernement ait frappé tout le monde avec le même bâton. Le gouvernement a retenu les salaires sans aucune distinction entre grévistes et non grévistes.

Et pourtant, tous les enseignants et le personnel des directions n’ont pas observé ce mouvement. Sans compter des enseignants envoyés par les CAP dans des établissements privés en personnel d’appui pédagogique. Et pourtant, un simple cahier de présence pouvait aider à éviter cette injustice.

Cette décision est d’autant plus injuste qu’elle frappe ces enseignants et directeurs qui ont continué à dispenser les cours aux classes d’examen à leurs corps défendant. Même, dans la fermeté, on se doit d’être juste. Et la reconnaissance de l’Etat est un droit à l’égard de ceux qui ont accepté de consentir des sacrifices pour la nation, même s’ils n’attendent rien.

Nous avons été beaucoup surpris et peiné d’apprendre que ce directeur qui dispensait des cours de français, d’anglais, d’histoire et de géographie aux élèves de sa 9e année est aujourd’hui à trois mois sans salaire. Et pourtant, il a fait son devoir en assurant non seulement une présence quasi permanente dans sa direction, mais en dispensant également des cours pour lesquels il n’est même pas payé. Cet homme de devoir est victime d’une injustice du gouvernement comme ces nombreux enseignants qui dispensaient les cours jusqu’à la fermeture des classes suite à la menace du nouveau coronavirus.

Nous sommes heureux d’apprendre, de source officielle, que les salaires des enseignants seront payés pour le mois d’avril 2020. Mais, le mal est déjà fait. Et,  comme le dit l’adage, se tromper est humain, mais persister dans l’erreur est diabolique.

«Nous osons espérer que le gouvernement va se rattraper à temps. Sinon trois mois sans salaire, c’est vraiment infernal, surtout avec le mois de ramadan durant lequel les charges sont énormes et on assiste malheureusement à une hausse vertigineuse des prix. C’est une pilule difficile à avaler surtout si on est injustement privé de son salaire», déplore Karim Diarra, enseignant à la retraire.

Pour lui, «on ne devait pas frapper les grévistes et les autres avec le même bâton. Je suis sûr que, face à cette situation, certains doivent être en train de regretter un peu le sacrifice consenti en faveur de nos enfants. C’est l’injustice et l’impunité qui sont en partie responsables de la situation catastrophique que nous vivons dans ce pays. Il ne faut pas donc en rajouter».

Oui il est temps que la justice sociale, l’équité, le culte de l’excellent soient prônés comme de vraies valeurs de gouvernance dans notre pays.

Hamady Tamba

Le Matin