REFONDATION DE L’ETAT POUR UNE GOUVERNANCE VERTUEUSE: Le schéma du multipartisme intégral remis en cause ?

Ibrahim Ikassa Maïga ,ministre de la Refondation de l’ Etat, chargé des relations avec les Institutions

Le Mali a célébré samedi dernier (26 Mars 2022) le 31e anniversaire de la lutte héroïque du peuple pour l’avènement de la démocratie. Un système politique qui consacre le multipartisme intégral dans notre pays. Si cela est un acquis politique, il est clair que la classe politique est loin d’avoir réussi à combler l’attente des Maliens. Bien au contraire, l’espoir a été vite chassé par le dépit de la chose politique. Ce qui fait que, à l’heure de la refondation, une analyse profonde s’impose afin de redonner à cette activité toute sa vigueur, toute son efficacité à prendre en charge les vraies préoccupations des citoyens.

 Faire la politique, c’est créer les conditions de la satisfaction des préoccupations des populations ! C’est ce que pensait en substance le regretté Amadou Toumani Touré dit «ATT», le «Soldat de la démocratie» dont le 31e anniversaire a été célébré samedi dernier, 26 mars 2022. Une célébration qui n’a pas manqué de relancer le débat sur le vrai apport de la classe politique à cette démocratie. 

Le multipartisme intégral est sans doute un atout de  l’avènement de ce système politique dans notre pays. En effet, c’est la révolution de mars 1991 qui a favorisé l’essor des partis politiques. La 3e République a créé un environnement politique et économique favorable à leur émergence et ils sont reconnus au Mali comme «des organisations de citoyens réunis par une communauté d’idées et de sentiments, prenant la forme d’un projet de société, pour la réalisation duquel ils participent à la vie politique par des voies démocratiques».

Mais, force est de reconnaître que le divorce est consommé depuis longtemps entre le peuple et sa classe politique qui a rarement réussi à se hisser à hauteur de souhaits. Dans la pratique, elle  s’est révélée comme le talon d’Achille d’une démocratie longtemps citée en référence sur le continent avant de s’effondrer lamentablement comme un château de cartes. Et cela parce que les fondements de l’édifice ont été rongés de l’intérieur par des mauvaises pratiques comme le clientélisme politique, la népotisme, l’injustice, la délinquance financière, la corruption… Les chroniqueurs politiques prouvent ce désamour grandissant entre les Maliens et la politique par deux constats : les putsches militaires applaudis et le taux de participation au processus électoral 

Au Mali, la dernière décennie a été marquée par trois coups d’État. Des coups de force suivis de transitions censées remettre sur les rails une démocratie jadis citée en exemple. Il est aussi clair que les élections ne mobilisent que très peu de citoyens dans notre pays. Indicateur clé de la vitalité d’une démocratie, il est en constante baisse passant de plus de 65 % en 2002 à moins 35 % en 2018. Ainsi, ont indiqué des observateurs, sur les 8 millions d’électeurs inscrits sur les listes, seuls 2,6 millions se sont déplacés aux urnes lors du premier tour des dernières présidentielles. 

Pis, dans un pays de plus de 20 millions d’habitants, le dernier chef de l’État a été élu avec moins de 1,8 millions de suffrages. Et chaque fois, les rapports des missions d’observation mettent en avant des problèmes logistiques dans la distribution des cartes d’électeur, des difficultés d’identification des bureaux de vote et un niveau élevé de migration interne. Mais, l’une des principales raisons est ce malaise qui s’est installé à cause de l’incapacité des régimes élus de combler les attentes nationales.

 Se défaire de ses tares pour se réconcilier avec les citoyens

Manque de conviction (nourrir et se battre pour les idées politiques auxquelles on croit fermement et auxquelles on s’identifie), absence de vision politique… sont les tares congénitales de nos chapelles politiques. La conviction et la vision étant l’essence de la politique, vouloir les écarter de son champ ne peut que conduire à la faillite démocratique, au rejet d’un système qui «accouche d’élus sans assise électorale et pose les jalons d’une gouvernance instable où la moindre crise sérieuse peut avoir raison des gouvernants». Ce qui fait d’ailleurs que le manque de représentativité et de légitimé des dirigeants constitue l’une des raisons de la récurrence des coups d’État dans notre pays voire en Afrique.

Aujourd’hui, il est urgent de repenser la politique au Mali. Et en la matière toutes les pistes sont importantes et cela d’autant plus que de vrais changements peuvent partir «d’une petite réflexion, qui peut même paraître farfelue». Faut-il rester dans ce schéma de multipartisme intégral ? Faut-il revoir les conditions de création d’un parti politique ? L’Etat doit-il continuer à verser de l’argent du contribuable à des formations qui n’assument pas pleinement leur rôle dans une démocratie ?

Le débat est ouvert et chacun peut l’enrichir à partir du moment où nous acceptons que la manière avec laquelle la politique est exercée de nos jours ne satisfait personne. A part ceux qui en ont fait un fonds de commerce ou un ascenseur social et économique. «Le consensus du 1er mandat d’ATT a été très fructueux politiquement et économique pour le Mali. La réflexion qui parviendra à l’ériger en système de gestion publique, en lui ôtant tout esprit de partage de gâteau, inventera certainement le système politique malien», pense un jeune leader politique malien très apprécié sur les réseaux pour ses analyses pondérées, pertinentes et non partisanes. 

Autrement, il indique une piste à explorer pour sauver le pays avec sa classe politique. Et la vraie solution sera celle qui va nous éloigner du mimétisme, donc inspirée par nos réalités socioculturelles.

Moussa Bolly