Projet de constitution : Le Front du refus s’exprime



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* Gossi Drameira, Député élu à Yélimané sur la liste URD : « Le Mali n’a pas besoin de se doter d’une constitution dans la précipitation »

Pour moi, le Mali n’a pas besoin de se doter d’une constitution dans la précipitation. Il n’y a aucune urgence qui l’exige. Si on veut changer la constitution actuelle du pays, on devait se donner tout le temps nécessaire pour faire un texte irréprochable. Aujourd’hui, avec les élections qui s’annoncent, il sera très difficile de faire la mise en œuvre du référendum dans la sérénité.

Aussi, ce texte là  va augmenter considérablement les charges de l’Etat malien par la création d’un sénat. Cela n’est pas logique. C’est le moment que des grandes puissances économiques choisissent pour diminuer leurs dépenses publiques que nous décidons d’augmenter les nôtres. Les intellectuels maliens ne sont pas capables de comprendre ça. Au lieu de s’inspirer de la cause du conflit ivoirien, le Mali décide d’exclure des milliers de Maliens de la course à la Présidence de la République, en leur demandant d’abandonner leur deuxième nationalité. Dans la pratique, tous les nantis de la république envoient leurs femmes accoucher en occident dans l’espoir que leurs enfants bénéficient de la nationalité du lieu de l’accouchement.

En plus, de nombreux candidats potentiels à l’élection présidentielle ont une double nationalité. Mais, pourquoi décider du jour au lendemain de renier tout cela. Je pense que la mention « malien d’origine » devait largement suffire. Et, nous avions de nombreux Maliens qui n’ont pas une autre nationalité, mais qui ont tous leurs biens en Europe. Et, comme mon groupe parlementaire avait donné une consigne de vote, j’ai préféré quitter la salle pour ne pas voter contre.

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* Soumana Sako, ancien Premier ministre, après le vote de la loi de reforme constitutionnelle : « La lutte continue et ne fait que commencer »

Contacté  alors qu’il était en instance de voyage, l’ancien Premier ministre Soumana Sako reste invariable, après le vote de la loi de reforme constitutionnelle qu’il a combattue comme il le pouvait. Pour lui, la lutte continue, et n’a d’ailleurs fait que commencer. Le président de la CNAS-Faso Hèrè (Convention Nationale pour une Afrique Solidaire-Faso Hèrè) soutient que contrairement à ce que la présidente de la commission lois de l’Assemblée nationale a soutenu, la majorité des personnes étaient contre la reforme lors des écoutes à l’Assemblée nationale. La classe politique, la société civile, le barreau, tous ont émis des réserves. En plus, l’Untm a pris position et s’est prononcée contre la création d’une quatrième République. L’initiative du Président ATT, pour Soumana Sako, s’apparente, à maints égards, à un véritable assaut contre la démocratie et contre l’ordre institutionnel issu de la Révolution du 26 mars 1991. L’homme politique ne rate pas d’occasion pour le dire tout haut.

Que va-t-il se passer maintenant que la loi a été  votée ?    

La majorité des personnes qui ont été aux différentes écoutes ont dit leur désaccord concernant aussi bien la procédure, le contenu que le timing. Tout a été fait de façon unilatérale et anti-démocratique. Ce n’est pas vrai ce que la présidente de la commission lois de l’Assemblée nationale a soutenu, selon laquelle la majorité des personnes écoutées serait favorable au projet de reforme. Au contraire, la majorité était contre. Aussi bien la classe politique, la société civile, le barreau, tous ont émis des réserves contre la reforme constitutionnelle telle qu’emmanchée. Nous allons continuer la lutte qui ne fait d’ailleurs que commencer.

Qu’est ce que vous allez faire ?    

Ce que nous allons faire…, tout le monde verra ce que nous allons faire. Les députés qui ont voté la loi ont-ils été conformes aux directives données par leur direction politique ? Ils l’ont fait au nom de qui ? Les chefs de partis, pour la plupart des cas, qui sont candidats à l’élection présidentielle se laissent prendre dans un marché de dupes. Ils savent bien que la marge de manœuvre du président de la République est étroite, il ne peut réellement satisfaire qu’au plus un seul parmi eux.

Et les députés ?     

Quand aux députés qui ont voté la loi, il faut qu’ils sachent que le peuple les attend au tournant et ils n’échapperont pas à la sanction populaire.                   Réalisé par B. Daou

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* Younouss Hameye Dicko, Président du RDS : « Avec cette constitution, on a ramené le Peuple à son point de départ »

Après le vote du Projet de loi portant révision de la constitution, quelles sont vos impressions ?       

Le RDS est très déçu de voir que l’Assemblée nationale, représentante de la nation, a voté le Projet de loi portant révision de la constitution. Nous sommes déçus pour deux raisons. La première est que le temps pour un référendum dans la sérénité n’existe pas avant les élections de 2012. La deuxième est que le texte lui-même ne peut pas être une loi fondamentale. Il y a énormément de choses qui ne sont pas acceptables dans une constitution. Nous ne voyons pas comment l’Assemblée nationale a pu voter ce texte. Nous notons un déphasage total entre les représentants de la nation et les forces vives de la nation. Selon des indiscrétions, plus de 90% des personnes ressources interrogées ont exprimé des avis contre le projet de révision.

Par rapport aux partis politiques écoutés par l’Assemblée nationale, il y a au moins 98% des opinions qui sont contre l’organisation d’un référendum et contre le contenu du texte. Au RDS, nous sommes déçus et disons que ça ce n’est pas notre constitution. Nous ne nous y retrouvons  pas. Ce projet ressemble à une revanche contre le texte constitutionnel de 1992. L’espérance qu’on avait dans le préambule de la constitution de 1992 a été ramenée à sa simple expression. Avec cette constitution, on a ramené le Peuple à son point de départ d’avant 1992. Même le Président de la Cour constitutionnelle doit rendre hommage au Président de la République qui le nomme. Nous sommes déçus que les élus de la nation n’aient pas tenu compte des écoutes qu’ils ont organisées. Les 28 amendements ne sont que des effets d’écriture. Le projet de constitution n’a eu cure de toutes les remarques, de toutes les contributions et encore moins du rejet d’un certain nombre de points sur lesquels toute la classe politique, la société civile et les centrales syndicales ne sont pas d’accord. Les élus du Peuple travaillent contre la position de la nation.

A votre avis que peut être la suite ?  

Je me suis toujours réservé  de dire de quoi l’avenir sera fait. Mais, je crois qu’ils vont tenter de faire passer le texte par un vote référendaire, en allant demander à des gens qui ne savent pas ce qui est dedans de voter. On achètera les consciences. On fera en sorte que les partis politiques ne puissent pas avoir accès au pays profond pour battre campagne. Ils ont tous les moyens d’Etat pour faire passer un texte contre lequel toute la classe politique et la société civile se sont opposées. Tout sera mis en œuvre pour faire passer un texte sur lequel le gens ne sont pas d’accord.

Assane Koné

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* Hamadoun Amion Guindo, secrétaire général de la CSTM : « Nous allons informer nos structures de base… »

Depuis mai 2010, nous avions clairement indiqué que nous ne voyons aucune opportunité  à faire une reforme constitutionnelle. Nous l’avions répété en mai 2011. Nous avions estimé que le pays a tellement de priorités actuellement que les autorités devaient surseoir à leur initiative de révision constitutionnelle pour faire face à ces problèmes comme une bonne organisation des élections présidentielle et législative en 2012. Lors des écoutes, nous l’avion clairement dit à la Commission des lois. Mieux, après, nous avons écrit au Président de l’Assemblée nationale, parce que nous ne sommes pas convaincus de la pertinence de la réforme à la veille d’échéances électorales importantes pour notre pays. Il n’est pas souhaitable qu’on vienne nous dire un beau matin qu’à cause de la révision constitutionnelle qu’on ne plus tenir l’organisation des élections dans les délais constitutionnels. Pour le moment, nous avons commencé l’information de nos structures de base, en émettant toutes nos réserves et nos inquiétudes.

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* Mahamadou Hawa  Gassama  Diaby, Député élu à Yélimané sur la liste URD : « Après l’expérience du code, est-ce que les députés doivent se précipiter pour adopter un texte…»

Après le vote du Projet de loi portant révision de la constitution, quelles sont vos impressions ?

Je suis député  élu sur la liste d’une formation politique  qui fait partie des 43 partis de la majorité présidentielle. Et, conséquemment, j’ai voté le Projet de loi portant révision de la constitution. Comme vous le savez, je soutiens publiquement ATT au Mali et à l’extérieur du Mali. C’est le lieu de rappeler que depuis qu’Att est devenu Président de la République, tous les projets de lois que nous recevons à l’Assemblée nationale sont systématiquement votés. Mais, le vote du code des personnes et de la famille, surtout le soulèvement de la Communauté musulmane, a attiré mon attention. Imaginez-vous qu’on a voté de façon mécanique ce texte avec 117 députés pour sur 147. Face à cette levée de boucliers, le Président de la République nous a renvoyé le texte pour une seconde lecture. Depuis ce jour, je me suis dis que si on avait bien fait notre travail, on allait éviter cet épisode malheureux où le peuple s’est insurgé contre nous et notre Président bien aimé. Donc, après l’expérience du Code, est-ce que les députés maliens doivent se précipiter pour adopter un autre texte, surtout qu’il nous a été rapporté que 90% des personnes ressources se sont exprimées contre l’initiative. Je l’ai dit à l’Assemblée nationale et je le répète : « Les députés ont été pris en otage par le Rapporteur et la Présidente de la Commission des lois. Personne ne pouvait  parler dans la salle. Donc, moi, j’ai préféré attendre la plénière pour dire ce que je pensais ». Il y a des dispositions qui ne sont pas fait pour arranger nos parents maliens de l’extérieur, notamment le fait de leur demander d’abandonner leur seconde nationalité avant d’être candidat à l’élection présidentielle. Et, pourtant on pouvait faire cette exigence au Président élu, tout juste avant la prestation de serment. Il y a aussi cette histoire de référence à Kouroukanfouga.

A votre avis que peut être la suite ? Allez-vous battre campagne pour le « OUI » lors du référendum ?     

Ça c’est une autre question. Je vous dis bien que ça c’est une autre question.

Assane Koné

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* Cheick Oumar Sissoko, Président du Parti SADI : « Avec ce vote, les partis  de la majorité ont montré leur cécité politique»

Après le vote du Projet de loi portant révision de la constitution, quelles sont vos impressions ?

Je ne suis pas du tout surpris qu’il y ait eu un vote massif de la part des députés de la majorité politique. Ils sont sous ordre. J’avais dit récemment que nous avons une classe politique sans âme. Toute honte bue, ils auraient dû se taire et voter avec les deux mains, comme ils ont eu à le faire. Les déclarations des députés de la majorité ont étonné plus d’un eu égard au caractère assez limité de leurs analyses. ATT ne s’est pas révélé un bon stratège. Il a trouvé devant lui  un espace vide. Il a vaincu sans périr. Les partis politiques de la majorité ont montré leur cécité politique. Avec ce vote, ils viennent d’ouvrir une voie royale pour ATT, qui va présenter son candidat comme l’a si bien écrit Tiébilé Dramé.

Selon vous pourquoi ATT tient tant à cette reforme ?   

La nouvelle constitution  nous donne un Président de la République qui n’a pas besoin de consulter la majorité parlementaire pour designer un premier ministre. Il faut vraiment un candidat indépendant pour avoir cette option. Et  si ATT part vraiment, le seul candidat sans parti politique est Modibo Sidibé. Dans la stratégie d’ATT, il sera le candidat du PDES, de l’UM-RDA qui semble avoir enterré définitivement Mamadou Konaté et Modibo Keita, dont les images symboliques étaient, pour la première fois, absents du congrès passé. Les derniers nés des partis politiques  comme la CODEM et consorts vont également s’ajouter à cette coalition. C’est l’aboutissement d’une stratégie qui a été savamment montée par ATT qui se révèle quand même extrêmement rusé. ATT est en train de nous préparer un despote à la Présidence de la République. Mais, le Peuple est là. Il a parlé par la voix de Dr Oumar Mariko, député de l’opposition et par la voix du Gossi Drameira de la majorité présidentielle. Mais, il n’a pas dit son dernier mot.

A votre avis que peut être la suite ?Avant le passage de cette loi à l’Assemblée nationale, c’est à l’unanimité que la société civile a dit non. Même les partis politiques ont demandé qu’ATT renonce à ce projet. La COMODE qui regroupe une dizaine de partis politiques de la majorité présidentielle a mobilisé contre cette initiative. Prions pour que la sourde oreille du Gouvernement et de la majorité présidentielle  ne nous plonge dans une impasse pendant les élections. Et, pour éviter cela, il faut que le Peuple se mobilise pour dire « NON » et exiger un fichier électoral et de meilleures préparations des élections. Toute chose que ne souhaitent pas ATT et son Gouvernement.    

Assane Koné

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* Adama Diakité, président du Forum des organisations de la société civile

L’Assemblée nationale n’a pas considéré le point de vue de la société civile dans sa diversité. Le Forum avait décrié le projet, en disant que ce n’était pas, tout de suite, une nécessité. Il y avait plus urgent à faire : il s’agit des élections présidentielle et législatives. Il fallait ensuite réfléchir sur les réformes constitutionnelles. Cela permettait d’en faire une bonne lecture. La classe politique a acclamé le projet à l’Assemblée nationale, alors que sur le terrain, il est décrié. La société civile est en contact avec la population, à la base.

Que faire après le vote des députés ?

Chacun va s’assumer. On est en train de nous organiser pour que la position de la société civile soit respectée.

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* Siaka Diakité, secrétaire général de l’UNTM : « Le moment est très mal choisi »

Nous avions suffisamment été clairs avec le pouvoir exécutif. Nous lui avons clairement signifié que le moment de la révision constitutionnelle est très mal choisi. Il faut que l’exécutif tienne un langage clair avec le Peuple. On nous parle d’une révision constitutionnelle, mais en réalité on est dans un processus de création d’une nouvelle constitution. Certaines institutions de la République sont appelées à disparaitre, de même que certains articles de l’ancienne loi. Pour moi, nous allons à une autre République. Je suis actuellement dans une tournée nationale pour harmoniser les points de vue des structures à la base de l’UNTM sur la question. J’ai déjà fait Sikasso, Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal. Le lundi 8 août, je serai à Koulikoro. Le mercredi 10 août, je bouclerai par Kayes. Donc dans la semaine du lundi 16 août 2011, l’UNTM va organiser une conférence de presse sur la question.

 

 

Le Républicain 08/0/2011