Problématique de la fiabilité des fichiers électoraux

 

 

Car les textes sénégalais sont clairs. Si Momar Mbengue ne dénonçait pas cet état de fait, il pouvait être passible de la loi si on l’avait suspecté de s’être mis volontairement dans cette situation, ce qui n’est manifestement pas le cas. Selon le Code électoral sénégalais, en effet, dans son Article L.91, «Sera puni des peines prévues à l’article L90 tout citoyen qui a profité d’une inscription multiple ou d’un tout autre procédé pour voter plus d’une fois…»

A qui la faute? Le Code électoral du Sénégal (Loi 2012-01 du 03 janvier 2012) est tout aussi formel: «Le Ministère chargé des Elections assure la gestion des listes électorales et du fichier général des électeurs». Ce qui veut donc dire qu’il est chargé de vérifier et de mettre fin aux doublons éventuels. La CENA, quant à elle, doit  «contrôler et superviser la publication des listes électorales, et faire procéder aux rectifications nécessaires».

Revenons au Code électoral sénégalais (Article L.33): «Nul ne peut être inscrit sur plusieurs listes électorales ni être inscrit plusieurs fois sur la même liste», comme Momar Mbengue l’est pourtant! Il est d’ailleurs loin d’être le seul dans son cas, et certains de ses compatriotes en ont aussi fait le constat, comme en témoigne l’éloquent exemple suivant. Dans cet article en date du 16 février 2012, Sud Online s’inquiétait des nombreux «doublons».

Lisez plutôt. «Plusieurs intervenants dans les émissions interactives des radios Fm privées ont fait part de leur surprise de voir qu’ils se trouvaient aussi bien sur le fichier électoral national qu’étranger, avec des numéros de carte d’électeur différents, en allant sur les moteurs de recherche du site http://www.elections2012.sn. Est-ce à dire que le système permet de cloner des électeurs avec des doubles inscriptions au pays et à l’étranger? D’autres observateurs s’inquiètent aussi de certaines «bizarreries». C’est ainsi que, souligne l’un deux, on pouvait trouver dans les deux fichiers électoraux (national et étranger) des personnes qui sont nées le même jour, ayant les mêmes parents, mais de visages différents, un numéro de carte d’électeur différent également, mais avec le même numéro d’identification nationale (NIN).

Autre curiosité, l’exemple du certain Serigne Fall, né le 20 octobre 1978, inscrit sur le fichier électoral national sous le numéro 12511425 et dont le bureau de vote n° 8 se trouve à l’école japonaise  à Hann Maristes. La même personne se trouve également inscrite sous le numéro de carte d’électeur 60109731 à Anvers, en Belgique.  On note en outre que son numéro d’identification nationale 1668198300312 n’est pas conforme à la date de naissance portée sur sa carte d’identité et d’électeur, aussi bien au Sénégal qu’à l’étranger (20 octobre 1978).

En effet, si le premier chiffre du numéro d’identification nationale indique le sexe, 1 pour homme.  Les trois chiffres suivants  donnent le n° de code de l’état civil. Les quatre chiffres qui suivent après, correspondent à l’année de déclaration de naissance de l’intéressé. Les cinq derniers chiffres, le numéro  de l’acte de naissance. Or, on constate ici que le sieur Fall est né le 20 10 1978. Comment se fait-il que son numéro d’identification soit donc 1. 668. 1983. 00312?».

C’est dire que la problématique de la fiabilité du fichier électoral se pose avec acuité au Sénégal, tout comme elle se posera au Mali, qui a, en outre, opté pour des cartes d’électeurs qui ne porteront ni photo du titulaire ni identification RAVEC. Est-ce à dire que, des deux côtés de la frontière, la porte reste toujours ouverte à toutes les manipulations lors des scrutins en cours ou à venir? Dans tous les cas, la gestion du futur contentieux électoral promet de belles et chaudes empoignades, là-bas comme ici, au vu de ce qui précède!

Ramata Diaouré

22 Septembre 27/02/2012