Pourquoi la France ne fait plus l’unanimité au Mali.

Mais l’alliance tactique avec les djihadistes ne durera pas. Bien plus faible militairement et financièrement que les islamistes, le MNLA, composé de groupes touareg locaux et d’anciens combattants revenus de Libye, est rapidement chassé des territoires conquis en juin 2012. L’opération Serval lancée par la France en janvier 2013 pour reprendre le contrôle du pays va confirmer le double visage de ces Touareg. Ils ne réclament plus qu’un statut d’autonomie de l’Azawad et se disent même prêts à soutenir l’intervention française contre les djihadistes.
Voltes-faces du MNLA

Mais c’est sans leur aide que la France, aidée du Tchad, va reprendre les trois plus grandes villes – Tombouctou, Gao, Kidal – du Nord-Mali. Étonnamment, c’est le MNLA qui revendique la libération de cette dernière ville. « Quand les Français ont repris Kidal des mains des djihadistes, ils ont freiné l’entrée de l’armée malienne dans la région, et ont travaillé avec le MNLA, pensant notamment que ces derniers pourraient les aider à retrouver les otages français », explique Serge Daniel*, correspondant de l’Agence France-Presse à Bamako.

Une version que réfute catégoriquement Paris. « En vertu des résolutions de l’ONU, nous combattons uniquement trois groupes terroristes au Mali, qui sont Aqmi, Ansar Dine, et le Mujao », explique au Point.fr une source diplomatique française. « Nous n’avons pas vocation à combattre le MNLA. La question du MNLA doit se résoudre par la négociation », ajoute la source. Des explications qui ne convainquent guère le spécialiste du Mali, Francis Simonis, maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille.
Sympathie française pour les Touareg

« Les Touareg du MNLA ont toujours bénéficié de la sympathie et même de l’admiration des officiers français, notamment en vertu du mythe colonial des hommes bleus du désert (les Touareg, NDLR) face aux populations noires du sud du pays, affirme le chercheur ». Or, s’il bénéficie d’une puissance médiatique certaine, notamment en France, grâce à ces figures intellectuelles occidentalisées, il a perdu toutes ses confrontations militaires sur le terrain. » Loin de se contenter de son rôle de « libérateur de Kidal », le mouvement a administré cette région de l’extrême nord du Mali.

Le MNLA rejette désormais toute présence sur son territoire de l’armée ou de l’administration malienne. Il refuse également de rendre les armes avant de négocier avec le pouvoir central, ce que Bamako juge impensable. Dans cette optique, l’organisation d’élections nationales sur tout le territoire pour le 28 juillet paraît irréaliste. « Les élections se tiendront à la date prévue, cela veut dire dans tout le Mali, dans toutes les villes du Mali, et donc à Kidal », a souligné mercredi François Hollande à l’Unesco. « Il n’y a pas que la France. Toute la communauté internationale insiste pour la tenue d’élections au plus tôt et ceci est jouable », confie la source diplomatique française.
Fronde de Bamako contre Paris

Reste qu’à Bamako, le pouvoir conféré au MNLA fait grincer des dents. Personne au sein de la population n’a oublié le massacre d’Aguelhoc, où une centaine de personnes ont été sommairement exécutées par les combattants du MNLA et d’Aqmi. Un sentiment de haine vis-à-vis des Touareg, accentué par l’expulsion, le week-end dernier, par le MNLA de dizaines de membres des communautés noires présentes à Kigal. Une « épuration raciale », selon Bamako.

Accueillie en janvier dernier en véritable libérateur, la France est désormais sous le feu des critiques, notamment celles des médias maliens, qui accusent Paris de vouloir sauver ses amis touareg et instaurer de fait une partition du pays. « Nous sommes venus pour participer à rétablir l’intégrité territoriale de l’ensemble du Mali », rappelle la source diplomatique française. Sous la pression populaire, l’armée malienne a pris tout le monde de cours en lançant mardi une opération de reconquête de Kidal. « Récupérer militairement Kidal est une manière pour Bamako de prendre une revanche (l’armée malienne a été décriée pour son inefficacité, NDLR) », explique Serge Daniel.
La France lâche-t-elle ses Touareg ?

Mercredi, elle s’est emparée de la localité d’Anefis, à une centaine de kilomètres au sud de la grande ville du Nord-Mali. D’après l’armée malienne, les combats auraient fait 30 morts du côté de la rébellion touareg et deux soldats maliens auraient été blessés. Une percée militaire qui place de fait les autorités maliennes en position de force dans les négociations qu’elles mènent en parallèle avec le MNLA ce vendredi à Ouagadougou. Les pourparlers s’annoncent pourtant inextricables.

À l’Unesco, le président Hollande a déclaré mercredi « qu’aucun groupe armé ne doit rester au Mali », ce à quoi le MNLA, à qui le président français faisait implicitement référence, a répondu qu’il ne rendrait par les armes avant un règlement définitif du statut de l’Azawad. La France est-elle en passe de lâcher ses rebelles touareg ?

« Il est manifeste que le MNLA n’est plus utile à la France, tant dans la lutte contre les terroristes que pour retrouver les otages, estime Francis Simonis. Il était devenu intenable de soutenir officieusement le MNLA – et l’idée d’une zone échappant à la souveraineté nationale malienne – face au mécontentement des Maliens. » « Il n’y a jamais eu de changement dans notre position sur le MNLA », insiste la source française. « Nous avons toujours été favorables au désarmement des groupes armés et à la négociation avec les groupes armés non terroristes. »
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Par Armin Arefi

Le Point 2013-06-08 2013-06-08 12:11:22