Mot de la semaine : Frayeur

Sorties en grand nombre pour mater la marche organisée par l’imam Dicko et le Chérif de Nioro, les forces de maintien d’ordre ont fini par se rendre à l’évidence, en renonçant à leur premier plan.  La guerre de Troie a été évitée de justesse, le vendredi 5 avril 2019, grâce certainement au professionnaliste des hommes en uniforme et à la forte pression des manifestants. Ils auraient pourtant reçu l’ordre de la hiérarchie politico-militaire d’empêcher ce regroupement par tous les moyens, comme en atteste le déploiement des engins appropriés à cette mission. C’était sans compter sur la détermination des partisans de Dicko et Bouyé qui, en plus de fouler aux pieds l’interdiction, étaient prêts à toutes les éventualités. C’est face à l’opiniâtreté et au nombre très élevé des manifestants que les forces de l’ordre ont fait un repli tactique créant ainsi la panique au haut sommet de l’Etat. Les premiers responsables du pays, de peur d’être assaillis par les manifestants, armés de courage et de détermination, se sont mis à l’abri en s’éloignant des zones de turbulence. Selon nos informations, ils auraient presque tous abandonné leurs résidences de luxe et certains ont même évacué leurs familles en dehors du Mali. Le Président de la République avait lui-même reconnu n’avoir pas dormi pendant quatre nuits. Il craignait un autre vendredi noir, mais comme disent les sportifs, il y a eu plus de peur que de mal, Dieu soit loué.

Et pourtant, IBK avait été averti à plusieurs reprises du risque d’embrasement ou, du moins,  d’une manifestation de colère. Il a fait la sourde oreille ou, comme d’habitude, a voulu diviser pour mieux régner. A-t-il véritablement mesuré l’ampleur de la crise politico-socio- sécuritaire avant  d’imaginer son machiavélique plan qui consiste à mettre dos à dos les différentes tendances religieuses pour amoindrir les forces de frappes de la tendance hostile au gouvernement. Malheureusement, il a tapé à la mauvaise porte, car la situation dans laquelle se trouve le Mali d’aujourd’hui, dépasse le seul cadre religieux pour devenir une crise gravissime, touchant tous les secteurs de la vie.

Après cette grande manifestation, qui n’est que la face visible de l’iceberg de la crise qui secoue le Mali, IBK donne l’impression d’avoir repris la main en conviant au Palais de Koulouba toutes les forces vives de la nation. Cette démarche devrait normalement aboutir à des fortes décisions pour satisfaire aux revendications des manifestants et à toutes celles des autres couches qui sont aux aguets en train d’attendre la prochaine occasion pour descendre dans la rue. Les enseignants, les agents de santé, les financiers, les sportifs, les élèves et étudiants, la liste n’est pas exhaustive. Tous attendent la moindre occasion pour  descendre dans la rue.

Pour rappel, les enseignants n’ont même pas attendu le prochain appel de Dicko et de Bouyé pour manifester. Les syndicats signataires du 15 octobre, regroupé au sein de la Synergie,  ont mobilisé leurs militants pour battre le pavé hier jeudi 11 avril pour dire, trop c’est top. Après près de trois mois d’arrêts de cours pour fait de grève, grand temps il est pour que les choses se normalisent.

Si IBK n’a pas perdu de vue la réalité du pays, il a encore une mince chance de reprendre véritablement les choses en mains et de pouvoir sauver ce qui pourrait l’être encore. Dans le cas contraire, il risque d’être surpris désagréablement et le réveil promettrait d’être brutal,   Qu’à Dieu ne plaise.

Youssouf Sissoko