Migration irrégulière Le «réveil» d’un rêveur

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«On gouverne les hommes avec la tête. On ne joue pas aux échecs avec un bon cœur», disait Chamfort dans Maximes et Pensées. «Gouverner, c’est prévoir», soupire Emile de Girardin et à Duc Gaston de Lévis de lâcher : «Gouverner, c’est choisir».

Comment gouverne notre ministre des Maliens de l’extérieur, Abdourahamane Sylla ? Avec la tête ? Prévoit-il ou fait-il du pilotage à vue ? A-t-il réellement choisi une ligne de mesures pour contenir nos compatriotes et les convaincre de rester au bercail pour s’éviter une mort presque certaine dans les eaux des mers et océans ? À toutes ces questions, nous sommes tentés de répondre par la négative.

Mardi dernier 5 août 2014, le ministre des Maliens de l’extérieur, Abdourahamane Sylla, rencontre des journalistes pour les édifier et les sensibiliser sur les aspects dramatiques de la migration irrégulière, les conditions de vie des migrants maliens en situation irrégulière en Italie, la problématique des enfants migrants mineurs, la situation des Maliens en République centrafricaine, la situation des Maliens en Libye et le naufrage de l’embarcation, partie de Tripoli, survenu le 27 juillet 2014 près des côtes libyennes…

«Depuis 2005, le Mali est largement confronté aux conséquences désastreuses des migrations irrégulières. Les flux d’émigration, n’étant pas organisés, aboutissent généralement à des reconduites aux frontières, des rapatriements et des expulsions fréquentes et importantes. La migration, quand elle est organisée, légale et régulière, constitue un facteur de développement dans tous les domaines pour les pays d’origine, de transit et de destination», a affirmé le ministre Sylla.

Aussi, estime-t-il qu’il est difficile aujourd’hui de disposer de statistiques fiables sur les flux d’émigration. Néanmoins, il indique à titre d’illustration que de 2002 à 2010, au total 54.719 migrants maliens ont été reconduits, selon les statistiques de la Délégation générale des Maliens de l’extérieur. La même source précise que cette situation s’est détériorée en 2011 à la suite des crises politiques survenues en Libye, d’où ont été rapatriés 22.850 Maliens. Le ministre Sylla affirme également que pour l’année 2014, à la date du 31 juillet, 2.101 Maliens ont été rapatriés par leur gouvernement dont 1.891 de la Centrafrique, et le reste des pays comme la Libye, l’Espagne, le Congo Brazzaville et le Gabon. Par ailleurs, le ministre a déploré le fait que de nombreux migrants soient détenus dans les prisons des pays de destination et/ou de transit dont 225 en Libye, 11 au Sénégal…

Nous ne contestons pas ici ces chiffres qu’avance le ministre Sylla. Mais, il dit bien : «depuis 2005…». De cette date à nos qu’a fait le gouvernement malien et depuis son arrivée à la tête de ce département, qu’a-t-il fait lui-même ? C’est après que, dans la nuit du 18 au 19 avril 2015, la Méditerranée a connu le plus grand drame de l’histoire avec la mort de près de 800 personnes par noyade, notre pays ayant payé un lourd tribut lors de cette tragédie (184 Maliens), qu’il trouve qu’il est temps de prendre des mesures idoines. Drôle de ministre !

En outre, Dr. Abdrahamane Sylla confirme que 184 de nos compatriotes figurent parmi les victimes. Notons que les 184 naufragés maliens sont tous ressortissants de la région de Kayes. Il s’agit de 105 pour le cercle de Bafoulabé, 51 pour le cercle de Kayes, 25 pour le cercle de Diéma, 2 pour le cercle de Kita et 1 pour le cercle de Nioro du Sahel. Ils sont 14 Maliens sur 26 rescapés. Dans la foulée, M. Sylla indique que pour faire face aux enjeux migratoires, son département, avec l’appui de ses partenaires, a élaboré un document de Politique pour une meilleure gouvernance des migrations. Il s’agit d’un projet de 120 milliards Fcfa qui a été adopté en Conseil des ministres le 3 septembre 2014. Il dit bien, le 3 septembre 2014 ! Et le projet de création de 5000 emplois directs en plus des infrastructures de production et transformation dans les localités de départ, des projets de réinsertion socio-économique à l’endroit des Maliens de retour volontaires ou forcés sont également initiés. Aussi, ajoute-t-il, le gouvernement, dans le cadre de l’application de la loi N°2012-023 du 12 juillet 2012, relative à la lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées, a décidé d’engager une lutte sans merci contre les réseaux des passeurs. Comment ? Le ministre ne le dit pas clairement.
«Attendre que des drames de ce genre surviennent avant de prendre des mesures, qui ne seront d’ailleurs que rangées dans les tiroirs, c’est amuser la galerie. Pendant ce temps, nos compatriotes peuvent mourir de leur belle mort dans les eaux des mers et océans dans leur aventure de retrouver un quelconque Eldorado sous d’autres cieux», ironisent un habitant de Sébénincoro.

Bruno E. LOMA

Source: Le Reporter