MALI: 29 ANS APRES SON AVENEMENT, La démocratie incapable de combler les attentes ayant motivé le sacrifice des Martyrs  

26 mars 1991-26 mars 2020 ! Vingt neuf ans déjà que le Mali vit une ère supposée démocratique grâce au sacrifice des centaines de martyrs qui ont payé de leur vie la liberté dont nous jouissons aujourd’hui. Qu’est-ce que ce système politique a changé dans le quotidien du Malien lambda ? Y a-t-il des acquis démocratiques dont nous pouvons être fiers aujourd’hui ? La lecture du 11e Rapport de «Mali-Mètre» de la Fondation Friedrich Ebert (FES) nous dit long sur la déception des Maliens dont les grandes préoccupations ont visiblement toujours été ignorées par les différents régimes qui se sont succédé à Koulouba depuis le 26 mars 1991.

Avant mars 1991, certes les Maliens étaient privés de liberté, mais la sécurité était loin d’être leur préoccupation majeure. Et cela d’autant plus que l’Etat était doté d’un outil de défense appréciable, discipliné et respecté. Nous étions privés de liberté, les salaires étaient bas et payés souvent avec un retard considérable. Mais, au moins la grande majorité de la population mangeait à sa faim. Malgré la dictature du parti unique, certaines responsabilités n’étaient pas confiées à n’importe qui. Et des fléaux comme la corruption, la délinquance financière, la gabegie…n’étaient pas érigés en règle de gouvernance…

Vingt neuf ans après, qu’est-il du Mali après l’avènement de la démocratie ? Quel est le niveau de satisfaction des attentes du peuple ? Au regard des 12 derniers mois (2019), les deux tiers (65,9 %) de la population pensent que la situation générale du pays s’est détériorée. C’est ce qu’on peut constater dans le 11e rapport  du baromètre «Mali-Mètre» de la Fondation Friedrich Ebert (FES). Cet instrument d’analyse sociopolitique a été rendu public le jeudi 12 mars 2020.

Par rapport à «Mali-Mètre 10», on note une augmentation de 23 points de la part de la population qui estime que la situation s’est dégradée et une diminution de 20 points de celle qui pense que la situation s’est améliorée.

Et pour les Maliens, les défis majeurs demeurent la lutte contre l’insécurité (50,2 %), la lutte contre le chômage des jeunes (49,5 %), la lutte contre la pauvreté (45,9 %) et la gestion du problème du nord (41,9%). Il est loisible de constater que les défis restent les mêmes depuis 2012. Les populations, surtout les femmes, sont plus nombreuses à citer la lutte contre la pauvreté, la gestion du problème du nord et l’amélioration de la santé comme défis majeurs du Mali. Et la proportion de la population pour laquelle les défis majeurs sont l’amélioration de l’éducation, la lutte contre la corruption et la lutte contre la mauvaise gouvernance, augmente avec le niveau d’instruction.

 

Des institutions qui brillent par leur manque de crédibilité

La démocratie est axée sur le principe de la séparation des pouvoirs, et sa vitalité repose sur la crédibilité des institutions. Au Mali, c’est loin d’être le cas. Les citoyens ont de moins en moins confiance à leurs institutions dont la crédibilité est ainsi remise en cause. Ainsi, selon «Mali-Mètre 11», 62 % des enquêtés ne sont pas satisfaits des actions du président de la République.  Par rapport à Mali-Mètre 10, la proportion des non satisfaits a augmenté de 17 points.  Quant au gouvernement, il est jugé n’avoir pas été à hauteur de souhait en 2019 par 63 % des Maliens, soit 13 points de plus par rapport à la précédente enquête.

Les députés de l’Assemblée nationale ne réalisent pas plus car seulement 18 % de leurs mandataires sont satisfaits, donc 74 % de la population sont déçus de leurs actions.  Pis, 59,2 % d’entre eux estiment que «le rôle des députés à l’Assemblée nationale est autre chose que «voter les lois» ou «contrôler l’action gouvernementale». Cette opinion est surtout partagée à Sikasso (69 %), Ségou (68,6 %) et Bamako (66,1 %) ; et plus par les femmes (72,2 %) que les hommes (46,5 %). Ainsi, la grande majorité (71,5 %) de la population pense que «les députés ne font que valider les décisions du gouvernement, contre 13% qui estiment que les députés contrôlent». Pour ce qui est de l’animation politique, l’opposition ne fait pas bonne impression non plus car 61 % des Maliens disent ne pas être satisfaits de ses actions.

Pour les six prochains mois, les priorités exprimées par les citoyen(ne)s à l’attention du président de la République et du gouvernement, et sans incidence du genre, sont : lutter contre le chômage des jeunes (53,7 %) ; lutter contre l’insécurité» (45,7 %) et résoudre le problème du nord et du centre du pays 45,3 %. D’autres priorités moins fréquemment citées sont, entre autres, garantir la sécurité alimentaire (38,4 %) ; améliorer l’éducation (27,9 %) ; lutter contre la cherté de la vie (23,9%) et améliorer la santé (21,8 %).

Le gouvernement a-t-il les moyens d’inverser la tendance ? Rien n’est moins sûr tant que la gouvernance est axée sur le tâtonnement,  l’opacité. Cela est une utopie tant que les richesses du pays sont investies dans des projets bidons afin de permettre aux barons du régime de se faire les poches. Oui, c’est presque à cela seulement que la démocratie a accouché : l’injustice, l’inégalité des chances !

Le sacrifice des martyrs, comme on l’entend souvent, a été vain. Mais, il nous revient d’agir de sorte qu’il ne le soit plus, de sauver les meubles en redressant la gouvernance de notre pays. Le meilleur hommage que nous pouvons rendre aux Martyrs de la démocratie, c’est de nous battre pour les valeurs pour lesquelles ils ont accepté le sacrifice suprême, pour que leurs idéaux prennent le dessus sur la médiocratie instaurée au Mali aux dépens de la démocratie.

Nous devons nous battre pour des valeurs et des convictions au lieu de nous entre-déchirer pour notre soutien à une classe politique pourrie et dont les animateurs n’ont qu’une seule motivation : se faire élire ou nommer pour bénéficier de sa part du gâteau ! Commençons à élire nos dirigeants avec la tête et non en cédant à l’appât du gain !

Moussa Bolly

LE MATIN