L’OPPOSANT GUINEEN CEILLOU DALEIN DIALLO A L’AUBE: « Alpha Condé multiplie les provocations…»

L’Aube : Vous êtes l’invité de Soumaïla Cissé pour son investiture comme candidat de l’Urd à l’élection présidentielle malienne de 2012. Quel est le bien fondé de votre présence à ses côtés ?

Cellou Dalein Diallo : D’abord, je suis venu représenter mon parti, l’Union des forces démocratiques de Guinée qui partage les mêmes valeurs que l’Urd. Mais en plus, Soumaïla Cissé est un ami. Je l’ai connu lorsqu’il était ministre de l’économie et des finances du Mali. Tous les deux, nous étions gouverneurs de nos pays respectifs àla Banque mondiale et nous avons toujours travaillé étroitement ensemble, une affinité entretenue à l’époque. Aussi, lorsque nous nous sommes retrouvés comme maîtres d’œuvre pour la construction de la route Kankan-Bamako alors qu’il était ministre de l’équipement du Mali et moi-même ministre de l’équipement dans mon pays, nous avons pu aussi conduire cette mission ensemble. Depuis lors, on entretient des relations d’amitié. C’est un monsieur auquel je fais beaucoup confiance en raison de son humilité, de sa compétence et de son expérience. Donc, je suis venu lui apporter le soutien de l’Union des forces démocratiques de Guinée et mon soutien personnel.

Quelles sont les valeurs que partagent l’Urd et l’Ufdg ?

Nous sommes tous pour la liberté : la liberté d’entreprise et d’association. Nous pensons que le libéralisme social peut constituer un élément permettant de promouvoir la croissance dans nos pays. Parce qu’il faut favoriser la liberté, tout en faisant en sorte que l’Etat assume ses responsabilités en tenant compte du contexte africain. Et nous pensons que le libéralisme est l’option qui aujourd’hui pourrait conduire nos économies vers l’émergence.

L’actualité guinéenne est très suivie au Mali. On vous soupçonne, si on ne vous en accuse même, d’être impliqué dans l’attentat qui a visé récemment le président Alpha Condé ?

Je ne suis pas pour l’instant personnellement  accusé. Mais, tout le monde sait que je suis attaché à la paix et à un certain nombre de valeurs. Je suis pour le combat et l’instauration de la démocratie. Mais avec les méthodes républicaines et modernes. Et c’est ça la politique de l’Ufdg. Nous ne pensons pas que la violence et le coup de force peuvent constituer un moyen d’instaurer la démocratie ou de conquête du pouvoir. Nous sommes des républicains ; à l’UFG, nous sommes des démocrates, nous nous opposons à la dictature et au mépris des règles démocratiques, à la violation des textes et lois. Mais nous utilisons encore des moyens légaux. C’est ainsi qu’aujourd’hui, tout le monde sait qu’on a lancé un appel aux militants et sympathisants des partis membres du Collectif des partis politiques pour la finalité, mais aussi à tous les démocrates guinéens pour qu’on organise des manifestations pacifiques pour s’opposer aux politiques d’exclusions de Alpha Condé et pour s’opposer à la violation du Code électoral et dela Constitutiondans le cadre de l’organisation des élections législatives.

Le monde entier a suivi avec intérêt les élections présidentielles en Guinée et les résultats issus du second tour où vous avez perdu face à l’actuel président. Votre camp a-t-il réellement reconnu la victoire de Alpha Condé ?

Oui, bien entendula Coursuprême a déclaré Alpha Condé vainqueur du deuxième tour de l’élection présidentielle malgré tous les doutes et toutes les preuves qu’on a accumulées, mettant en évidence, l’existence de fraudes massives en notre détriment. Puisque nous sommes des légalistes et nous avions pris l’engagement de respecter la décision dela Coursuprême quelle qu’elle soit, nous avons accepté Alpha Condé comme vainqueur même si nous savons que c’est grâce à des fraudes massives organisées avec la complicité du gouvernement de transition qu’il a pu obtenir son score. Nous ne renonçons pas à notre décision, même si aujourd’hui nous sommes déçus de voir Alpha Condé, qui revendique 40 ans de combat pour la démocratie et la liberté, se livrer à des pratiques qui sont tout le contraire des valeurs démocratiques et républicaines. Vous savez qu’il a déjà organisé une répression massive en ordonnant de tirer sur les militants de l’Ufdg qui sont sortis me recevoir à l’occasion de mon retour le 3 avril 2011 ; une personne a été tuée, 8 personnes blessées par balles, 71 arrestations et des condamnations à des peines de prison ferme de deux ans. Leur seul crime était d’être venus à l’aéroport pour applaudir leur leader qui rentrait, alors que Alpha Condé lui-même chaque fois qu’il est revenu en Guinée sous Lansana Conté, Dadis Camara ou Sékouba Konaté, il a été reçu et conduit à son domicile par ses militants sans que personne ne soit réprimé, arrêté ou jugé. Il a ordonné à la justice de condamner mes partisans et ils ont été condamnés. Il n’a pas cru devoir ouvrir une enquête sur l’assassinat de Bakary A Diallo par les forces de l’ordre. Nous avons formulé une plainte avec la famille, on a donné des instructions à la justice de ne jamais prendre cette plainte. Aujourd’hui, nos avocats se promènent avec cette plainte, mais aucun  juge, aucune juridiction ne veut prendre la plainte. Nous sommes dans quel pays?

Donc, vous reconnaissez aujourd’hui qu’il n’y a pas de stabilité politique en Guinée ?   

La stabilité, je pense que c’est un comportement. D’abord du pouvoir. Aujourd’hui, Alpha Condé multiplie les provocations, l’arbitraire et l’injustice. C’est ça qui conduit à l’instabilité et affecte la paix sociale. Donc, je suis préoccupé, je pense qu’il y a des risques qui menacent la paix sociale, l’unité nationale et la stabilité du pays. S’il ne se ravise pas pour revenir à des actes plus responsables, il y a un risque de voir le pays sombrer dans la violence, ce que je ne souhaite pour mon pays. C’est pourquoi, je me suis abstenu de contester les résultats de l’élection présidentielle. Mais comme depuis lors, malgré cela, il ne fait que multiplier les provocations en se livrant à des pratiques injuste et illégale, je pense qu’il y a des risques.

Quels sont les challenges et défis que votre parti s’apprête à relever à court terme avec les élections à venir ?

En acceptant les résultats de l’élection présidentielle, je m’étais dit que j’allais m’organiser pour obtenir un groupe parlementaire qui est représentatif de mon poids politique dans le pays. Donc, j’étais prêt à m’investir dans le cadre des élections législatives pour avoir un groupe parlementaire solide. Aujourd’hui, la bataille, c’est d’abord comment obtenir des élections législatives équitables, libres et transparentes. Pare que Alpha Condé ne semble pas vouloir organiser de telles élections. Il veut organiser un simulacre d’élection pour s’octroyer la légitimité qui lui manque et contrôler l’Assemblée nationale. Or, avec le poids de son parti, il n’a aucun moyen, sauf par la fraude, d’obtenir ce poids au sein de notre Assemblée nationale.

Est-ce que vous avez sollicité l’implication du président Amadou Toumani Touré dans la gestion de ce qu’on peut appeler la crise (politique) en Guinée ?

Si j’ai l’occasion de rencontrer le président Amadou Toumani Touré, je lui expliquerais ce qui se passe. Nous souhaiterions que toutes les bonnes volontés et les amis dela Guinées’impliquent pour essayer de dénouer une crise réelle qui est là, et oppose le pouvoir à l’opposition par le fait que le pouvoir ne veut pas respecter les lois dela République, notamment le Code électoral dans le cadre de l’organisation des l’élections législatives. Il ne recherche aucun consensus, il veut dicter sa volonté à tout le monde, on ne pourra pas l’accepter et nous souhaiterions bénéficier naturellement du concours de tous les amis dela Guinée. LeMali, n’est pas un ami, c’est un pays frère, ce n’est pas un slogan, c’est un pays, qui est étroitement lié àla Guinéepar l’histoire, par la géographie et toutes sortes d’affinités, si bien que toute crise qui touchela Guinée, touche le Mali et vis-versa.

Réalisée par Sékou Tamboura 04/10/2011

 

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