L’ŒUVRE DE ME ALIOUNE BLONDIN BEYE Aller au-delà du symbole pour puiser un état d’esprit salvateur pour le Mali en crise

26 juin 1998-26 juin 2019 !  Cela fait 21 ans que disparaissait Me Alioune Blondin Bèye dans un crash d’avion aux larges d’Abidjan (Côte d’Ivoire) alors qu’il était le principal médiateur des Nations unies dans le conflit angolais. Un 21e anniversaire célébré mardi dernier à l’Ecole de maintien de la paix baptisée du nom de ce diplomate chevronné (comme d’ailleurs le Lycée français de Luanda, en Angola) dont le symbole semble plus captiver nos dirigeants et notre jeunesse que l’Etat d’esprit.

«Le Mali, jadis, a été présent partout où il pouvait épauler l’Afrique, le monde, aider à la paix et la stabilité», a rappelé le président Ibrahim Boubacar Kéita dans son message à la nation à l’occasion du 4e anniversaire de la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger. D’Haïti à l’Angola en passant par la République Démocratique du Congo, le Libéria, la Sierra Léone… notre pays a été omniprésent pour protéger des populations civiles, réconcilier des protagonistes et des peuples.

Qui ne se rappelle pas des interventions courageuses du contingent malien en Sierra Léone sous la conduite du Colonel Minkoro Kané (devenu Général par la suite) pour protéger les populations civiles, notamment des femmes et des enfants ? Comment en effet oublier l’immense et la précieuse contribution du Mali à la pacification de l’Angola devenu aujourd’hui un pays moderne après des décennies de guerre civile.

Nommé représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies en Angola en juin 1993, Me Alioune Blondin Bèye a été grand artisan de la paix en Angola. En effet, ce diplomate chevronné et humble a réussi à réunir autour de la table des négociations les protagonistes de la guerre civile angolaise. Et cela grâce à son sens de la médiation et de la diplomatie, à sa forte personnalité et son profond engagement.

Sa persévérance a abouti à la signature d’un accord de cessez-le-feu à Lusaka (Zambie) le 20 novembre 1994 entre le gouvernement angolais et les représentants de l’UNITA. Premier malien à avoir été représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies dans la résolution d’un conflit africain, il a trouvé la mort le 26 juin 1998 dans un accident d’avion à Bingerville (au large de la lagune Ebrié) alors qu’il se trouvait en mission de la paix commandée de l’ONU.

Et l’Angola tire aujourd’hui profit des dividendes de la paix car ayant réussi à se hisser dans le gotha restreint des pays émergeants d’Afrique. Le sacrifice de Me Bèye n’aura donc pas été vain. On comprend alors la présence à Bamako d’une forte délégation angolaise (50 personnes), conduite par le vice-président Bornito De Souza Baltazar Diogo, à la célébration de ce 21e anniversaire de la disparition de cette Colombe de la paix. Sans compter des personnalités venues de la Guinée, du Sénégal, de la France et des États-Unis d’Amérique.

 

Un diplomate emblématique forçant l’estime et le respect

Une forte présence qui prouve à suffisance le rôle joué par le regretté Alioune Blondin Bèye, dans la stabilisation de l’Angola. Cette cérémonie a été une occasion de rappeler les actes posés par l’illustre disparu pour réussir la paix en Afrique et dans le monde. L’un des temps forts de cette commémoration a été le lancement du livre intitulé, «Alioune Blondin Bèye et la Paix en Angola, un long fleuve tumultueux» !

Un ouvrage de 51 pages et dont l’auteur n’est personne d’autre que sa veuve, Kadiatou Sall Bèye. Il décrit la vision et les méthodes de son regretté époux pour réussir sa mission. Elle replonge le lecteur dans certains discours prononcés par le grand artisan de la Paix lors de certains grands rendez-vous. Le vice-président angolais, Bornito De Souza Baltazar Diogo, a profité de l’opportunité pour magnifier les efforts de feu Me Bèye dans la résolution de la crise dans son pays.

Devant des invités de marque, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale n’a pas manqué de rappeler les vertus qu’incarnait Me Bèye. Ainsi, pour Tiébilé Dramé, l’homme était tout simplement «un diplomate emblématique qui forçait l’admiration de tous». Il a naturellement profité de l’occasion pour demander aux autorités angolaises de prendre soin de la forte communauté malienne vivant en Angola.

Alioune Blondin Bèye est un professeur, avocat et homme politique malien né le 8 janvier 1939 à Bafoulabé (ouest du Mali). En dehors du symbole, il doit incarner à nos yeux des vertus et des valeurs dont il faut s’inspirer aujourd’hui pour tirer le Mali de l’impasse. Dans une tempête, rien ne rend plus vulnérable que l’absence de repères pour se guider.

Et l’expertise emmagasinée par un Me Bèye, notre expérience dans le maintien de la paix à travers le monde ainsi que celle accumulée dans la gestion des différentes rebellions auraient pu nous aider à vite surmonter cette crise. Malheureusement, par complexe, nous avons laissé la France et la communauté internationale nous mettre le joug au cou pour mieux assurer leurs intérêts. Qui mieux que l’Hexagone pouvait espérer l’effondrement de notre pays pour l’avoir à sa merci ?

 

Au-delà des symboles, puiser dans les vertus et les valeurs 

Le Mali a toujours incarné aux yeux de la France tout ce qu’elle craint comme modèle dans ses pays «vassaux» de la résistance coloniale à nos jours en passant par l’indépendance : les Valeurs !  L’orgueil et la fierté de ne pas courber l’échine quelles que soient les épreuves qu’on nous oppose.

Ainsi, l’option socialiste prise par Modibo Kéita a beaucoup plus dérangé la France et ses alliés (dont certains de nos voisins) que l’indépendance du Mali. Et elle était toujours déboussolée de voir que, malgré la pression (politique, économique et diplomatique), le Mali réussissait toujours à faire des pas de géant sur la voie de sa souveraineté économique. D’où la décision d’utiliser toujours les grands moyens pour briser notre résistance.

En 1968, elle a ainsi eu recours au coup d’Etat du 19 novembre pour briser le superbe élan pris par la première République et qui, tôt ou tard, allait faire du Mali une puissance sous-régionale enviée malgré sa continentalité ! A partir de 2010, elle a planifié l’effondrement de la nation en «neutralisant» Mouammar Kadhafi (une menace politique, militaire et de plus en plus économique) pour déstabiliser la bande-sahélo saharienne, notamment notre pays.

Et visiblement, ce dernier coup a porté ses fruits puisque notre résistance continue à vaciller au point d’accepter qu’on nous impose des chemins les plus humiliants pour parvenir à la paix : l’accord pour la paix et la réconciliation nationale !

Qu’avons-nous réellement hérité des grands diplomates comme le regretté Alioune Blondin Bèye pour tout concéder de cette manière.  Cela est compréhensible parce qu’au Mali, ces dernières décennies, le culte de la personnalité nous pousse à nous focaliser sur les symboles et non sur leur état d’esprit et les valeurs qui ont fait leur notoriété, leur réputation. Il est temps que cela change.

Et heureusement, les actes posés par le ministre Tiébilé Dramé depuis peu vont dans le sens de cette résurrection tant souhaitée, retour à l’esprit de résistance aux choix dictés de l’extérieur. Pourvu que ça dure et qu’on lui laisse réellement les coudées franches pour piloter la démocratie malienne !

Moussa Bolly