«Le vrai pouvoir, c’est de savoir quand ne pas s’en servir» ! Une citation
souvent attribuée à Montesquieu (le concept est largement reconnu comme
une idée clé de sa théorie sur la séparation des pouvoirs et la limitation du
pouvoir politique, comme exprimé dans son œuvre «De l’esprit des lois»). Elle
fait de la maîtrise de soi et de la capacité à retenir son pouvoir (plutôt que de
l’utiliser à tout bout de champ) comme des signes de véritable puissance et de
sagesse. Il ne s’agit pas seulement de détenir le pouvoir, mais de comprendre
quand il est stratégiquement avantageux ou moralement juste de s’abstenir de
l’exercer.
Ce qui nous renvoie au contexte actuel de notre pays où ceux qui ont le
pouvoir commencent à l’utiliser de façon inquiétante. Personnellement, nous
ne sommes pas opposés à une prolongation de la transition si cela peut poser
une base pérenne de la stabilité du pays. Même si nous pensons qu’une
prolongation consensuelle (après consultation de toutes les forces vives du
pays, les acteurs politiques) aurait été la meilleure démarche pour rassembler
les Maliens autour de cette transition.
La formule pour laquelle les Princes du jour ont opté est assez préoccupante à
ce titre que la nouvelle charte leur donne un véritable blanc-seing pour se
maintenir au pouvoir au gré de leurs ambitions. Le texte voté à l’unanimité par
le Conseil national de transition (CNT) le 3 juillet 2025 fixe «la durée de la
transition à 5 ans renouvelables, autant de fois que nécessaire, jusqu’à la
pacification du pays, à compter de la promulgation (10 juillet 2025) de la
présente charte»… Ce vote ne doit rien au hasard, parce que cette
prolongation à l’infini fait aussi l’affaire des membres du CNT qui ne sont pas
élus, mais désignés. Autant créer les conditions permettant de profiter de
l’aubaine le plus longtemps possible.
Lier la fin de la transition à «la pacification du pays», c’est nous contraindre à
un saut périlleux dans l’inconnu. Comment évaluer cette stabilisation, d’autant
plus que les autorités elles-mêmes tiennent un double langage en la matière ?
Elles disent contrôler l’ensemble du territoire national quand il s’agit de
magnifier «la montée en puissance» des Forces armées maliennes (FAMa).
Mais, quand on évoque le retour à l’ordre constitutionnel, c’est en ce moment
que l’insécurité et la stabilisation du pays sont évoquées.
Comme le disait un intellectuel engagé du pays, «il est difficile d’envisager la
stabilisation du pays tant que la survie du pouvoir y est liée». Vouloir régler
tous les problèmes du pays avant de passer la main est un pari périlleux pour
le Général président et aussi pour le pays qui risque de plonger dans le chaos
en cas de retour à la case-départ. Et comme le disait aussi John Emerich
Edward Dalberg-Acton (historien et homme politique britannique) «le pouvoir
tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument». Malheureusement,
les autorités de la transition, après avoir réussi à se débarrasser des partis
politiques et de certains partenaires assez critiques sur la gouvernance du
pays, sont en train de glisser progressivement vers ce pouvoir absolu.
L’idéal aurait été de prolonger cette période d’exception de juste 5 ans en se
donnant les moyens d’évaluer progressivement les avancées en termes de
stabilisation du pays.
Moussa Bolly
diasporaction.fr