L’Initiative Riz menacée : Malversations autour des subventions de l’Etat

 

Ceux qui ont suivi le reportage de l’ORTM sur la session extraordinaire du conseil supérieur de l’Agriculture, qui s’est tenue le vendredi à Koulouba, n’ont certainement pas dû manquer la sortie du président de la République concernant la nécessité de mettre « fin aux malversations dans le domaine des subventions ». C’est qu’en ce jour, le président de la République savait qu’il y avait une fraude portant sur plus de 2 milliards de Francs dans le cadre des subventions liées à l’Initiative riz. En effet, le promoteur de la société « Gnoumani Sa », Diadié Ba, qui se trouve être militant du PDES veut frauduleusement se faire rembourser des sommes s’élevant à 2,223 milliards de Fcfa.

Pour un approvisionnement correct de toutes les régions en engrais, une quinzaine de fournisseurs ont été sélectionnés en avril 2010 au titre de la campagne agricole 2010-2011. Au nombre de ceux-ci, on peut citer Toguna, GDCM, Gnoumani-Sa, société Arc en ciel, société Mali paysan etc. Ils devaient fournir du DAP, de l’Urée et du NPK sur la base d’une subvention accordée par l’Etat. Tous engrais confondus, le prix subventionné est de 12.500 francs Cfa, le sac de 50 kg.

Lors des précédentes campagnes, il semble que les opérateurs économiques ont joué  le jeu en se conformant aux principes arrêtés de commun accord avec l’Etat. Mais pour la campagne en cours, de grosses anomalies ont été décelées si l’on en croit les contrôles qui sont en cours. Au moment où nous mettons sous presse, la fraude concerne essentiellement la région de Koulikoro. Le ministère de l’Agriculture a mis au jour le stratagème mis en place par « Gnoumani-Sa » pour faire main basse sur une somme de plus de deux milliards.

Sur la base des prévisions arrêtées, la région de Koulikoro devait bénéficier de 3075 tonnes de DAP, de 12784 tonnes d’urée et de 5772 tonnes de NKP. La subvention équivalente s’élève à 1,814 milliard de francs CFA. Mais quelle ne fut la surprise de l’Etat de voir deux factures de « Gnoumani-Sa » d’un montant total de 2,2 milliards, une somme dépassant de loin la subvention prévue. Même si cette société avait été la seule à fournir les engrais, elle n’aurait pas dû sortir du milliard huit cents millions. Or il se trouve que les besoins ont été couverts par l’ensemble des fournisseurs. Et selon nos informations,  Diadié Ba et sa société ont livré moins de 20% des engrais.

La direction nationale de l’Agriculture fut la première à sentir la fraude. Mais ce service et ses responsables ont été très vite dépassés par la pression exercée par l’opérateur économique à travers notamment ses soutiens politiques. Ayant eu vent de l’ampleur de la malversation et surtout des menaces qu’elle fait peser sur la poursuite de l’Initiative riz, le ministre de l’Agriculture, Aghatam Ag Alhassane, a pris des mesures conservatoires. Le 8 avril dernier, il adressait une lettre « très urgent » à son homologue de l’Economie et des Finances pour lui demander de suspendre tous les paiements au profit de la société « Gnoumani-Sa » en attendant « la fin des contrôles exhaustifs » qu’il a ordonnés.

En effet, il informait son homologue des Finances « des nombreuses irrégularités constatées dans la demande de remboursement de la société Gnoumani-Sa ».

La découverte du pot aux roses n’a pas découragé pour autant Diadié Ba. Sûr de son poids politique en tant que militant et coordinateur du PDES, il a mis en branle ses soutiens nichés dans les hautes sphères de l’Etat afin de bénéficier de « ses » deux milliards. Une précaution valant mieux qu’une, le ministre de l’Agriculture aurait informé le président de la République de la nature de la malversation et des pressions auxquelles lui et son homologue des Finances font face depuis au moins un mois. Cette affaire est suivie de très près par les autres fournisseurs qui, non seulement risquent de voir leur part compromise dans la mesure où la société « Gnoumani-Sa » a des prétentions dépassant l’enveloppe de la subvention mais craignent pour la poursuite d’une opération à cause de malversations d’une telle ampleur. Affaire à suivre.

B. Daou

Le Républicain 10/05/2011