Leçon de géopolitique : Entre Ansar Dine qui réaffirme sa fibre terroriste et Daech qui proclame son implantation officielle au nord du Mali, les FAMA plus que jamais dans l’œil du cyclone

C’était trop beau pour être vrai, pourrait-on ainsi dire, sur l’annonce de cessation des hostilités du groupe armé terroriste Ansar Dine l’engageant avec l’Armée malienne. En début de semaine, une lettre datée du 26 septembre 2016 relayée par l’Imam Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil Islamique du Mali, avisait l’opinion publique d’un cessez-le-feu sur toute l’étendue du territoire national. En attendant de trouver le fin mot de cette histoire, notons que le défi sécuritaire est toujours aussi fortement présent. Les FAMA sont appelés à rester sur le qui-vive surtout après la prestation d’allégeance du groupe terroriste, Mourabitoune, à l’organisation terroriste, Etat Islamique.
En fin de semaine dernière, une lettre signée d’Iyad Ag Ghaly adressée à l’imam Mahmoud Dicko, annonçant en substance un cessez-le-feu unilatéral entre Ansar Dine et les Forces armées du Mali, faisait le tour de la presse malienne et internationale. Mais quelques heures seulement après, Ansar Dine démentait catégoriquement la missive assurant qu’il ne cessera jamais de prendre l’armée malienne et ses mécréants d’alliés pour cible. D’où provient donc la lettre reçue par l’imam et de qui ? Est-ce un hoax ou un autre canular de mauvais goût? Ou alors cela dénoterait-il, d’un énième désaccord au sommet entre les dirigeants d’Ansar Dine ? Contacté par la presse, l’Imam Dicko assurait qu’il s’agissait bien d’une lettre authentique signée par Iyad lui-même, fruit d’après lui, de plusieurs de ses correspondances qu’il avait adressées au chef d’Ansar Dine pour un cessez-le-feu : « Absolument. Je pense bien qu’elle vient de Iyad Ag Ghali. Ils acceptent vraiment d’aller vers ça. Puis ensuite la libération des militaires maliens qu’ils ont en mains ». Mais l’attaque d’une base de l’armée française à Kidal seulement 24 heures après avec la destruction de deux hélicoptères vint nous ramener brutalement à la sordide réalité. Ansar Dine n’a point l’intention de s’attendrir en vue d’un hypothétique cessez-le-feu. Quelques heures plus tard, dans un communiqué transmis à l’agence d’information mauritanienne «Al-Akhbar », Ansar Dine affirme qu’il n’acceptera jamais ni trêve ni cessez-le-feu avec le Gouvernement du Mali qu’il qualifie d’«apostat ». Il y exprime même son étonnement de voir attribué ces allégations à l’Imam Dicko.
Hostilité un jour, hostilité toujours. 24 heures avant, l’agence d’information de Daech déclarait qu’Abou Al-Walid Al-Sahraoui, chef d’une branche d’AQMI qui sévit au nord du Mali et au sud de l’Algérie avait prêté allégeance au chef tout puissant de Daech, Aboubacar Al-Baghdadi. Ce qui rend désormais officielle la présence de l’EI sur le territoire nord malien mais aussi sur le territoire algérien.
Abdel Malek Droukdel d’AQMI, Iyad Ag Ghaly d’Ansar Dine, Abou Al Walid Al Sahraoui de l’EI, Mokhtar BelMokhtar, Aboubacar Al Baghdadi, tous ces émirs du terrorisme extrémiste, s’ils ont en commun la fibre exacerbée de la haine de l’occident le tout enrobé dans une lecture erronée des textes sacrés de l’Islam, n’en sont pas moins rivaux. Jusqu’au début de l’année, bon nombre d’experts en terrorisme présentaient le Sahel comme la chasse gardée d’AQMI en plus d’autres groupuscules alliés tels qu’Ansar Dine. Mais de plus en plus, Daech fort de ses moyens financiers semble être la multinationale du terrorisme qui monte. Après Boko Haram au Nigéria, le tour fut donc à Al Mourabitoune de se détourner de son ex-allié AQMI pour l’EI. La rupture semble désormais consommée entre Bel Mokhtar et Al Sahraoui. Ce dernier, comme son nom l’indique est un ancien de l’armée du Polisario qui transita par le MUJAO puis par AQMI avant de se joindre à Daech.
Quant aux FAMA, elles devront continuer leur montée en puissance afin d’être capable de faire face au péril du terrorisme d’où qu’il vienne. Le défi sécuritaire est celui que devra résoudre l’Etat malien en priorité. Il faudra bannir toute idée de négociation avec des individus sans foi ni loi, s’armer et bien s’équiper afin de ne plus reproduire la grave erreur d’un passé récent de négliger notre outil de défense qui a failli couter jusqu’à l’existence même de la nation malienne.
Ahmed M. Thiam
thiam@journalinfosept.com
Mot de la semaine : Bulldozer
Les populations des communes V et VI du District de Bamako ont assisté le mercredi 2 novembre 2016, avec impuissance et colère, le début de la reprise de l’opération de libération des voies publiques par les hommes de la Gouverneure Ami Kane. Alors qu’on croyait les opérations terminées ou tout au moins humanisées, après une première évaluation des précédentes. Mais, c’était sans compter sur l’engagement du Président IBK à rendre le séjour des hôtes de marque du Sommet Afrique-France, très agréable. Il serait prêt à sacrifier les intérêts de son Peuple pour satisfaire François Hollande et les autres chefs d’Etat participants au Sommet. Sinon, comment pourrait-on continuer une opération qui a fait déjà des milliers de dégâts et victimes et dont les conséquences sont sans nul doute graves sur la vie des populations de Bamako et environs. Le gouvernement s’est-il donné la peine de comparer les retombées du sommet sur l’amélioration des conditions de vie des maliens à la perte d’emplois des milliers de chefs de famille ? La croissance d’un pays ne passe-t-elle pas par la création d’emplois et par le développement humain durable ? Aujourd’hui, nul n’a besoin d’être expert en économie pour réaliser combien de fois l’opération Bulldozer de la Gouverneure Ami Kane a coûté aux citoyens maliens évoluant dans l’informel. Des milliers de jeunes, des moins jeunes et des vieux ont tout perdu dans cette opération de déguerpissement dont les conséquences immédiates ont amplifié l’insécurité ambiante, le banditisme à outrance, le braquage en plein midi et le chômage endémique. Ces citoyens déguerpis pourraient être tentés par les fléaux que nous combattons dont le terrorisme, l’immigration clandestine et le banditisme transfrontalier.
Pour rappel, nombreux étaient les citoyens maliens qui ont voté pour IBK sur la base de ses promesses de campagne comme « le Mali d’abord », « Pour l’Honneur du Mali » et « Pour le Bonheur des maliens ». Mais selon ses détracteurs, le Mali d’abord est devenu ma Famille d’abord, l’honneur du Mali est devenu le malheur du Mali avec la perte de souveraineté sur certaines parties du territoire national après son accession à la magistrature suprême et enfin le Bonheur tant espéré est devenu de l’utopie et de la désillusion. En trois ans de gouvernance d’IBK, le Mali aura perdu à la fois l’estime de ses voisins et la crédibilité de la communauté internationale dont le pays naguère jouissait auprès des Institutions internationales. Sur le plan national, nombreux sont aujourd’hui ceux qui se sentent trahis, floués par le président IBK, à commencer par ces milliers de jeunes diplômés à qui il a promis 200 000 emplois pour en détruire le double seulement au bout de trois années de gestion. L’opération Bulldozer de la Gouverneure censée donner un nouveau visage à la ville de Bamako, devait être précédée d’une autre opération celle du recensement, du recasement des futurs déguerpis. Mais, sans cette opération, la Gouverneure, sur instruction du Gouvernement, s’est lancée dans cette campagne de démolition systématique de tous les kiosques sur la voie publique. Les avis restent très mitigés.
Youssouf Sissoko
youssouf@journalinfosept.com