LE PREMIER MINISTRE CONTESTÉ PAR LA RUE : POURQUOI SOUMEYLOU BOUBÈYE DOIT PARTIR

Après l’embellie liée à l’élection présidentielle et l’hilarité dans le camp de la majorité au pouvoir, l’heure est au désamour forcé entre le chef de l’Etat et le chef du gouvernement. A l‘origine, l’attitude arrogante, délibérée mais aussi malhabile du Premier ministre de mettre sous éteignoir la famille présidentielle, mise sur écoute, d’écraser systématiquement les corporations syndicalistes, et de traîner les Religieux musulmans dans la boue en salissant leur honneur… Mettant à profit son égo surdimensionné mais pris de revers par l’ampleur des contestations populaires, Soumeylou Boubèye Maïga semble de plus en plus isolé.

Pris entre les tenailles du RPM, coincé entre le marteau et l’enclume des Religieux, affaibli par ses prises de position fermes mais impopulaires, l’Epée de Damoclès est désormais suspendu sur la tête du PM, un Epée qui, à sa chute, ne le raterait pas. A telle enseigne que le président IBK semble agacé entre un soutien loyal à l’enfant de Gao et un ralliement moral au front des contestataires, relais vers l’apaisement social.

Cette situation délétère a créé une atmosphère nauséabonde au sommet de l’Etat et une crise de confiance entre les deux premières institutions de la République. Aujourd’hui, le soutien légendaire qu’IBK a toujours apporté à son Premier ministre est en rade et commence à s‘effriter. IBK doit-il toujours continuer à soutenir Boubèye au risque de fragiliser l’Etat bousculé par les contestations de rue ? Faut-il toujours privilégier un seul homme au détriment de l’intérêt national ? Boubèye est-il indispensable contre l’avis de 18 millions de Maliens ?

Fin de la lune de miel entre IBK et Boubèye ?

IBK a rempli son contrat en renouvelant sa confiance en Soumeylou après l’élection présidentielle de 2018. Aussi, on ne peut demeurer Premier ministre indéfiniment. Mieux, en matière de gestion de pouvoir, il nous a été enseigné du point de vue du droit, qu’entre l’application de la loi et l’apaisement social, il faut choisir la dernière option. En effet, le cimetière est rempli de gens qui se croyaient indispensables. Le Général De Gaule ne disait-il pas aux Français de choisir entre le chaos (le peuple) et Lui, l’Esprit éclairé ? Et pourtant, la France s’est remobilisée en se refaisant une santé après sa mise à l’écart du pouvoir. Il n’y a pas d’amour sans fin, le monde est ainsi conçu. La Primature dont il rêvait est certainement sa plus haute ascension politique. Il doit faire preuve de sagacité et d’altruisme en démissionnant sans attendre son limogeage synonyme d’humiliation suprême pour lui. Si IBK traîne le pied, les députés sont prêts à le sanctionner par le biais d’une motion de censure à l’aboutissement de laquelle le gouvernement rend le tablier… Décidément, le « Tigre » est en disgrâce.

Les défaillances de Boubèye                         

C’est d’être visé par les enquêtes (numéro 87 aujourd’hui suspendues ou si le dossier n’est pas classé sans suite) de la Brigade économique et financière, d’être cité comme catalyseur de la dépravation des mœurs au Mali (d’où l’ire des musulmans), d’avoir entravé les bonnes marches de l’Etat par des nominations népotistes et en débauchant des députés du camp présidentiel dont il est pourtant l’émanation, en occultant volontairement les informations reçues relatives aux attaques du camp de Dioura ou le massacre d’Ogossagou (selon des sources). Que de déceptions ! Et quelle que soit la manière dont Boubèye sera exfiltré du gouvernement, il aura le hérisson sous sa chemise avec une résurrection improbable.

Si IBK a engagé des réformes à la tête de l’armée, cela procède de cette situation. On lui prête aussi l’intention de vouloir fuir ses responsabilités et de faire porter à IBK le chapeau des dérives autoritaires consécutives à l’incurie gouvernementale afin de se positionner comme successeur naturel du président au détriment du RPM et de ses partenaires politiques. Il est même allé plus loin en débauchant des députés de la famille présidentielle. Par cet acte, s’est-il tiré de facto une balle dans le pied ? Il est aussi indexé par les enseignants d’étouffer leur mouvement et de saborder les revendications des hommes en blouse blanche. A ce rythme, aucune injection ne peut permettre au Mali de retrouver sa convalescence. Les concertations régionales n’ont pas dépassé l’étape des projets tandis que le report des législatives n’ont pas dévoilé tout leur secret. L’on comprend alors aisément pourquoi tout un pays s’est levé tout d’un coup pour demander le départ d’un seul homme à l’origine de leur malheur : Soumeylou Boubèye Maïga.

Face à ce dilemme cornélien et énigmatique, un front anti-IBK, à travers Boubèye, est ouvert. C’est Boubèye qui est en cause, pas IBK, selon les aveux exprimés par Mahmoud Dicko du Haut conseil islamique du Mali et le Chérif de Nioro M’Bouillé Haïdara. Il nous est loisible de croire que Le Grand IBK va se réveiller et écouter son peuple. Le Châtelain de Sébénikoro doit prêter une oreille attentive au cri de détresse des Religieux, des corporations revendicatives, d’un peuple en souffrance, muselé et bâillonné. Basta, le pouvoir d’un seul homme et de son clan. Vive le peuple !

Issiaka Sidibé

Le Matinal