le Mali en bateau ivre Bicéphalisme au sommet de l’Etat


Le Mali semble parti pour demeurer longtemps dans le cafouillage institutionnel après le renversement de l’ancien chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré le 22 mars 2012. On croyait le retour à l’ordre constitutionnel avec à la clé l’investiture du président par intérim, le Pr. Dioncounda Traoré, le jeudi 12 avril 2012, effectif et porteur d’une certaine sérénité. Mais les derniers événements, en l’occurrence la vague d’arrestations opérées depuis le mardi dernier par la junte militaire, auteur du coup d’Etat, ont fini par faire déchanter plus d’un.

A l’insu du président par intérim, lequel a été impuissamment mis devant le faits accompli comme n’importe quel autre Malien, des personnalités de premier plan comme le parrain de l’URD, Soumaïla Clissé, Modibo Sidibé, ancien Premier ministre et candidat à la prochaine élection présidentielle, l’ancien ministre de la Défense et des Anciens combattants (le général Sadio Gassama), le chef d’état-major particulier de l’ex-président ATT (le général Hamidou Sissoko dit Man), le directeur général de la police nationale (l’inspecteur général Mahamadou Diagouraga), le gestionnaire des investissements libyens en Afrique de l’Ouest (Bani Kanté), le directeur général de l’Ecole de maintien de la paix Alioune Blondin Bèye (le général Souleymane Yacouba Sidibé dit Bebel), l’ex-directeur général de la protection civile (le colonel Mamadou Traoré), le colonel-major Broulaye Koné, ex-chef d’état-major de la garde nationale.

Ces arrestations témoignent de l’atmosphère délétère qui continue d’empoisonner la vie de la nation. C’est dire que le bateau Mali avance vers des récifs. Il survit toujours aux lames d’une violence inouïe mais ne va ni chavirer ni couler, comme l’avait dit Dioncounda Traoré lors de son investiture le 12 avril dernier devant les juges suprêmes du pays. Encore faudrait-il qu’il n’y ait qu’un seul capitaine à bord !

Qu’il  n’y ait pas deux commandements dans le bateau en cette période intérimaire de Dioncounda Traoré. Aujourd’hui, les Maliens ont l’impression qu’il y a deux présidences au pays comme cela avait été le cas chez nos voisins ivoiriens l’an passé : la République de Kati, sur laquelle règne le capitaine Amadou Haya Sanogo en maître incontesté et son homologue de l’hôtel Salam, où s’est retranché le président Dioncounda Traoré, dépouillé de tout pouvoir et se contentant des évènements protocolaires.

Pourtant, lorsque l’accord-cadre a été signé le 6 avril 2012 entre le CNRDRE et la Cédéao, on croyait qu’au moins pendant ses 40 petits jours d’intérim, bien que constitutionnellement dépouillé de tous les pouvoirs, on allait laisser Dioncounda goûter à la charge suprême du pays. On croyait que le CNRDRE allait épouser le rôle du maître-observateur en attendant le 22 mai prochain. Mais loin de là, et on a même l’impression que c’est le moment choisi pour faire trembler davantage la République avec les arrestations les plus ahurissantes. La situation demeure inquiétante jusqu’à ce que le CNRDRE établisse leur culpabilité à l’opinion nationale et internationale.

C’est vrai que certaines personnes commencent à faire circuler la rumeur d’une tentative de déstabilisation du CNRDRE fomentée par les personnalités nommées plus haut, mais il appartient aux responsables de la junte de livrer les réels chefs d’accusation de ces illustres personnalités. Aussi, pour des raisons de la symbiose institutionnelle, le président de la République par intérim devrait être mis au courant de l’opération. Mais apparemment rien de cela n’a été la préoccupation du CNRDRE, déterminé à rendre la pièce de la monnaie à tout soupçonné.

La question qu’on se pose est de savoir jusqu’où tout cela va nous amener ? Le pays est coupé en deux par le fait d’une rébellion en cours dans sa partie septentrionale, les élections sont en stand-by, les finances publiques et autres écuries d’Augias sont à nettoyer, la famine frappe plus de 160 communes du pays… pour dire qu’on a plus urgent à faire que de rester embourber dans les querelles de clochers, les supputations, la chasse aux sorcières, etc.
Le Mali ne mérite pas tout ça ! Le Mali ne mérite pas d’avoir deux chefs.

Abdoulaye Diakité

L’ indicateur Du Renouveau 20/04/2012