La classe politique et le pouvoir ATT : Sommes-nous à un tournant ?


Comme par hasard, cet évènement est arrivé le jour même où le Premier ministre chef du Gouvernent était devant les députés pour sa Déclaration de Politique Générale. Alors certains députés, prenant toute la mesure des enjeux,  ont saisi la séance de débats pour rompre avec une habitude royalement installée depuis l’arrivée au pouvoir du Président Amadou Toumani Touré en juin 2002.   

De l’autre côté de la frontière, l’opposition mauritanienne, elle aussi, s’est élevée contre le pouvoir et a critiqué cette intervention de l’armée de son pays en territoire étranger.  Mais contrairement à la classe politique malienne, l’opposition mauritanienne avait haussé le ton et a interpellé le gouvernement, suite aux premières interventions de juillet et Septembre 2010 contre Aqmi et en territoire malien. Pour élever sa côte au niveau de l’opinion nationale et internationale, le Gouvernement mauritanien avait organisé en Octobre un débat national sur le terrorisme et l’extrémisme, qui a été boycotté par une partie de la classe politique mauritanienne qui n’y voyait que  saupoudrage et atermoiement. Les récentes protestations de l’opposition mauritanienne montrent qu’elle est restée sur ses gardes. Quant à la classe politique malienne, surtout au niveau du Parlement, elle a été rarement aussi véhémente dans ses critiques de la conduite des affaires par le pouvoir du Président ATT. Dans le dossier de la lutte contre Aqmi, le Parena et Sadi ont réclamé des comptes à l’Etat sur sa gestion de la lutte contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), en particulier sur l’intervention de l’armée mauritanienne en territoire malien, a fait remarquer l’AFP du 29 juin 2011.

L’opinion prise à témoin

«Sommes-nous en train de perdre notre intégrité territoriale et notre souveraineté? Pourquoi notre armée ne combat-elle pas? Pourquoi ce sont les autres qui le font sur notre territoire?», s’est interrogé dans un communiqué le Parti de la renaissance nationale (Parena), associé au gouvernement, a commenté l’AFP. «Pourquoi les Mauritaniens entrent et sortent de chez nous comme ils le veulent?», ajoute le texte du Parena. Oumar Mariko, candidat du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi, opposition) à la présidentielle de 2012, a pour sa part estimé qu’il «appartient d’abord au Mali d’assurer la sécurité sur son territoire».

«Le gouvernement doit nous dire ce qu’il fait, ce qu’il doit faire. L’Etat doit défendre l’intégrité territoriale», a-t-il ajouté. Pour Cheick Oumar Sissoko, président du parti Sadi, il est inadmissible que des pays étrangers investissent notre territoire. A quoi sert notre armée ? s’est interrogé le cinéaste lors d’une interview accordée au quotidien Le Républicain du 1er juillet 2011. Selon lui, ce ne sont pas la France et la Mauritanie seulement qui occupent notre territoire, mais aussi Aqmi et les narcotrafiquants.

Inquiétudes de Sadi

En lieu et place des reformes, il urge de convoquer une session extraordinaire de l’Assemblée nationale sur ces questions importantes pour la stabilité de notre pays, propose –t-il. Les incursions sur le territoire malien inquiètent et montrent à dessein le manque de volonté du gouvernement à assurer la défense de notre pays. Le Comité central du parti SADI s’est beaucoup inquiété de la question, a fait remarquer le président du parti. « Une interpellation du ministre de la défense et des anciens combattants a été formulée par l’honorable Oumar Mariko, secrétaire général de notre parti. Depuis plusieurs années, avec le problème du nord, la défense du territoire semble être une chasse gardée du Président de la République et du ministre de la défense », a déclaré Cheick Oumar Sissoko. Avec ces incursions, nous sommes dans une totale insécurité, commente-t-il.   

Cette hausse de ton de la part des hommes politiques maliens semble marquer un tournant dans un pays où jusque là la classe politique et la société  civile avaient habitué ATT à gérer seul. Le dossier du nord avait pendant de longues années de rébellion, et d’occupation par Al qaida, rarement fait l’objet de débats parlementaires. Les vérités prononcées par ces deux partis à l’assemblée nationale auront-elles un effet d’entrainement pour faire tâche d’huile ? Ce qui est sûr, la tension politique semble monter d’un cran, comme un signal pour dire que nous sommes à un tournant.

B. Daou

Le républicain 04/07/2011