Iran : l’UE refuse la stratégie de tension américaine

Les Européens se sont dits inquiets lundi du regain de tensions entre Washington et Téhéran et ont signifié au secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo leur préoccupation face au risque d’un conflit « par accident » dans le Golfe.

En route pour la Russie, le chef de la diplomatie américaine s’est invité à une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne à Bruxelles pour discuter de « questions urgentes », et notamment de l’Iran. Washington a accusé Téhéran de préparer des attaques « imminentes » contre des intérêts américains au Moyen-Orient.

Ces entretiens ont été difficiles. « Je lui ai dit de manière claire que nous sommes préoccupés par les tensions dans la région et que nous ne voulons pas d’une escalade militaire », a déclaré à la presse le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas après leur rencontre.

Le ton avait été donné par le chef de la diplomatie britannique Jeremy Hunt au début de la réunion de Bruxelles : « Nous sommes très inquiets du risque qu’un conflit se produise par accident en raison de l’escalade des tensions ».

– « Eviter l’escalade » –

« La position américaine d’augmenter les pressions et les sanctions ne nous convient pas », a renchéri son homologue français Jean-Yves Le Drian.

La rencontre avec Mike Pompeo a été organisée dans la précipitation, a reconnu Federica Mogherini. « Nous avons de très sérieuses divergences et différences, et nous pensons que le dialogue est le meilleur moyen de les aborder et d’éviter l’escalade », a plaidé la cheffe de la diplomatie européenne.

Les trois ministres et Federica Mogherini s’étaient auparavant concertés sur leur position: « Unité européenne pour la préservation du JCPOA (l’accord sur le nucléaire) et le refus de l’escalade », ont-ils annoncé, avant de s’entretenir chacun avec M. Pompeo.

« Nous pensons que l’Iran doit emprunter la voie des discussions au lieu de celle des menaces. Ils ont fait un mauvais choix en se concentrant sur les menaces », a estimé l’émissaire américain pour l’Iran, Brian Hook, qui se trouvait à Bruxelles avec Mike Pompeo. Il a précisé que le secrétaire d’Etat américain voulait partager avec l’UE quelques informations en « plus de ce que nous avons dit publiquement ».

La France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne sont les trois signataires européens, aux côtés de la Russie, la Chine et les Etats-Unis, de l’accord conclu en 2015 avec l’Iran sur son programme nucléaire.

Les Européens veulent conserver cet accord qui est menacé depuis le retrait des Etats-Unis et la décision de Donald Trump d’infliger des sanctions à l’Iran dont les Européens sont également victimes, car leurs entreprises et leurs banques ne peuvent plus travailler en Iran sous peine d’être sanctionnées.

« En Europe, nous considérons que cet accord est nécessaire à notre sécurité. Personne ne veut voir l’Iran posséder l’arme nucléaire », a fait valoir Heiko Maas.

Mais les Européens n’ont pas apprécié les menaces du président Hassan Rohani. « Les déclarations faites par l’Iran sur leurs engagements sont très préoccupantes et l’ultimatum n’est pas convenable », a averti Jean-Yves Le Drian.

Téhéran a annoncé la semaine dernière la suspension de certains de ses engagements au titre de l’accord et a mis en demeure les Européens de sortir d’ici deux mois les secteurs pétrolier et bancaire iraniens de leur isolement provoqué par les sanctions américaines, faute de quoi la République islamique renoncera à d’autres restrictions imposées à son programme nucléaire.

– Besoin de calme –

« Nous allons voir ensemble comment agir pour maintenir l’accord et faire en sorte que l’Iran reste dans l’accord », a annoncé le ministre français. « Il est important que l’UE reste unie ».

« Jusqu’ici les Iraniens ont respecté leurs engagements », a rappelé Federica Mogherini. « Nous allons rendre opérationnel l’Instex , (l’instrument crée pour permettre les échanges commerciaux) et réaliser les premières transactions dans les prochaines semaines », a-t-elle annoncé en réponse aux critiques formulées par la Russie sur l’incapacité des Européens à respecter leurs engagements.

Mais les mouvements militaires américains dans la région inquiètent. Washington a décidé d’envoyer un navire de guerre et une batterie de missiles Patriot dans le Golfe, où sont déjà présents un porte-avions et des bombardiers B-52.

AFP, publié le lundi 13 mai 2019 à 20h00