Intervention de Son Excellence Monsieur Abdoulaye DIOP, Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale Examen du rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation au Mali

Abdoulaye Diop le ministre des Affaires étrangères accompagné de Sekou Kassé, ex-ambassadeur du Mali à l’ONU depuis septembre 2013-2016.

CONSEIL DE SÉCURITÉ

Réunion publique :

Examen du rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation au Mali

Intervention de Son Excellence Monsieur Abdoulaye DIOP, Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale

New York, le 16 juin 2017

Monsieur le Président,

Je voudrais, à l’entame de mon propos, vous féliciter pour l’accession de votre pays, l’Etat plurinational de Bolivie, à la présidence mensuelle du Conseil de sécurité pour ce mois de juin 2017 et, en même temps, exprimer ma haute appréciation du travail remarquable accompli sous la présidence de l’Uruguay, au cours du mois dernier.

Qu’il me soit également permis de réitérer la profonde gratitude du Peuple et du Gouvernement du Mali au Conseil de sécurité, au Secrétaire général des Nations Unies, Monsieur António Guterres, aux pays et organisations membres du Comité de suivi de l’Accord, aux pays contributeurs de troupes à la MINUSMA et à la Force française Barkhane, pour les efforts inestimables qu’ils ne cessent de déployer en faveur de la paix et de la stabilité au Mali.

Avant d’aller plus loin, je renouvelle ici les hommages du peuple et du Gouvernement du Mali à la mémoire de toutes les victimes de la crise malienne, civiles comme militaires, étrangères comme maliennes, tombées sur le champ d’honneur au Mali, avec une pensé particulière pour le contingent guinéen de la MINUSMA, qui a enregistré les dernières victimes de la barbarie en début de semaine. J’adresse nos vœux ardents de prompt rétablissement aux blessés.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil de sécurité,

La délégation du Mali prend note du rapport du Secrétaire général sous examen et remercie mon frère, le Ministre Mahamat Saleh Annadif, Représentant spécial du Secrétaire général au Mali, Chef de la MINUSMA, pour sa présentation.

Au moment où nous bouclons les deux ans de la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, je voudrais me réjouir de ce que le Secrétaire général, Monsieur António GUTERRES, reconnaisse le leadership et l’engagement personnel de SEM Ibrahim Boubacar KEITA, Président de la République, Chef de l’Etat du Mali dans la mise en œuvre de cet Accord. En effet, le Mali vient de loin, et sous l’autorité du Président de la République, le Gouvernement a consenti d’énormes efforts pour arriver aux progrès importants constatés, avec la coopération des autres parties signataires et l’appui de nos partenaires bilatéraux et multilatéraux.

Monsieur le Président,
Je ferai ici l’économie de la longue liste des mesures prises et des actions concrètes engagées par le Gouvernement du Mali dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord de paix, car votre auguste Conseil en est suffisamment informé.
Ces derniers mois, comme cela ressort du tableau sur les critères de suivi de mise en œuvre de l’Accord (Benchmarks) annexé au présent rapport du Secrétaire général, validé le 28 mai 2017 par le Gouvernement et la MINUSMA, des progrès majeurs ont été enregistrés dans le processus de paix.

Ainsi, à la date d’aujourd’hui, les autorités intérimaires et les collèges transitoires sont opérationnels dans les cinq régions du nord, à l’exception de Kidal, où des difficultés d’ordre technique persistent encore.

Concernant les patrouilles mixtes, le Gouvernement du Mali, malgré la modicité de ses moyens, s’emploie á la pleine opérationnalisation du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC). L’Etat du Mali assure notamment les moyens logistiques de différentes natures pour les bataillons prévus, une prise en charge sanitaire des éléments de ce programme et même des allocations en cas de décès pour les ayant droits des victimes. Aussi, le Gouvernement a saisi l’occasion de la tenue de la 18ème session du Comité de suivi de l’Accord, tenue à Bamako, le 5 juin 2017, pour présenter aux partenaires les aspects techniques et logistiques pour l’opérationnalisation du MOC de Kidal dans les plus brefs délais.

S’agissant de la suite réservée aux recommandations des travaux de la Conférence d’entente nationale tenue du 27 mars au 02 avril 2017, il me plaît de vous annoncer que l’avant-projet de la Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale ainsi que l’avant-projet de la cartographie des terroirs du Mali ont été finalisés par la Commission spéciale instituée à cet effet.

En ce qui concerne le processus de révision de la Constitution, Je suis heureux de vous informer que l’Assemblée nationale du Mali, après plusieurs jours de débats intenses et constructifs, a adopté, le 2 juin 2017, le projet de loi y relatif soumis par le Gouvernement.

Le texte adopté comporte des innovations majeures qui confortent la démocratie malienne et il prend en compte les dispositions pertinentes de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, notamment en ce qui concerne la mise en place d’une deuxième chambre du parlement, le Senat.

Ce projet de loi sera soumis à référendum, le 09 juillet 2017. Le Gouvernement du Mali mettra tout en œuvre pour la tenue de cette consultation référendaire dans les meilleures conditions.

Parallèlement à ces actions, le Gouvernement poursuit la fourniture des services sociaux de base aux populations et les activités de relance de l’économie locale, là où les conditions de sécurité le permettent.

Monsieur le Président,

En ce qui concerne les perspectives pour la mise en œuvre de l’Accord, je puis vous donner l’assurance quant à la poursuite, au-delà du 20 juin 2017, du travail des autorités intérimaires, qui seront notamment impliquées dans l’organisation du référendum, des élections communales et régionales, selon le calendrier fixé par le Gouvernement.

Le Gouvernement poursuivra également ses efforts dans le cadre du processus de cantonnement et de DDR, la réforme du secteur de la sécurité, l’opérationnalisation effective des patrouilles mixtes, la fourniture des dividendes de la paix aux populations affectées par la crise.

On peut donc affirmer que le processus de paix au Mali est dans une dynamique positive grâce au retour progressif de la confiance entre toutesles parties prenantes maliennes.

Cependant, ces acquis, encore fragiles, ne doivent pas faire perdre de vue les défis réels et multiples auxquels le processus de paix au Mali est confronté. Au nombre de ces défis, figurent l’insécurité liée aux activités des groupes terroristes et les questions liées à la mobilisation des ressources nécessaires à la mise en œuvre effective et intégrale de l’Accord.

A cet égard, je réitère l’appel du Gouvernement à tous les partenaires afin qu’ils honorent les engagements pris en faveur du processus de paix et de développement au Mali.

Un autre défi est la tension actuelle entre les mouvements signataires, pour laquelle le Haut Représentant du Président de la République pour la mise en œuvre de l’Accord de paix prête ses bons offices avec l’appui du Représentant spécial du Secrétaire général.

Monsieur le Président,

Un an après l’adoption de la résolution 2295 (2016) du Conseil de sécurité, qui demande à la MINUSMA d’adopter une posture plus proactive et un mandat robuste, force est de constater que les innovations majeures apportées par cette résolution ne se sont pas traduites dans les faits sur le terrain. En effet, les forces de la MINUSMA ont gardé une posture statique et défensive, qui a facilité une liberté de mouvement aux groupes terroristes et extrémistes ; ces derniers en ont profité pour mieux s’organiser et pour multiplier les attaques contre les populations, les forces nationales et étrangères.

C’est pourquoi, au moment où le Conseil de sécurité s’apprête à renouveler le mandat de la MINUSMA, le Gouvernement du Mali souhaite que la mission soit dotée de moyens matériels, financiers et humains adéquats pour renforcer sa capacité opérationnelle, afin de lui permettre de mettre en œuvre pleinement son mandat.

Les conclusions de la conférence de génération de la force de la MINUSMA, tenue les 22 et 23 mai dernier, sous la présidence du Secrétaire général, permettent d’espérer que ce défi sera bientôt relevé. Et je voudrais ici saluer les pays contributeurs de troupes qui ont fait des promesses à cette occasion.

Il est tout aussi important de renforcer la coopération entre la MINUSMA et les Forces de défense et de sécurité du Mali. En particulier, je voudrais souligner ici, au nom du Gouvernement du Mali, la nécessité et l’urgence de soutenir les forces de défense et de sécurité maliennes dans la lutte quotidienne qu’elles mènent contre le terrorisme sur le terrain, sans attendre l’achèvement de leur processus de reconstitution et avec des moyens logistiques conséquents.

De même, le Gouvernement du Mali souhaite que la question du retour de l’administration et des forces de défense et de sécurité à Kidal soit au cœur du nouveau mandat de la MINUSMA, ainsi que l’effectivité du processus de cantonnement, de DDR et de réforme du secteur de la sécurité.

Monsieur le Président,

La situation sécuritaire au Mali et au Sahel ne cesse de se détériorer de manière préoccupante. Cette situation est marquée par la persistance et la multiplication des attaques terroristes, qui constituent la principale entrave à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali.

Face à cette situation, les Chefs d’Etat des pays membres du G5 Sahel ont décidé, le 6 février 2017, la création d’une Force conjointe pour lutter contre le terrorisme, la criminalité transnationale organisée et le trafic d’êtres humains.

La création de cette force participe de la volonté commune des dirigeants de notre sous-région de mutualiser leurs efforts et leurs moyens pour relever les défis transfrontaliers.

Au nom des pays membres du G5 Sahel, je voudrais exprimer les vives préoccupations du Président Ibrahim Boubacar KEITA, Président en exercice du G5 Sahel, face aux difficultés rencontrées par le Conseil de sécurité pour l’adoption de la résolution relative au déploiement immédiat de la Force conjointe, dont l’annonce a suscité beaucoup d’espoir au niveau des populations de la région.

L’adoption de cette résolution enverra un signal fort et sans équivoque de la communauté internationale aux groupes terroristes et aux trafiquants de tous ordres et marquera son soutien unanime aux efforts des Etats de la région faisant face à une situation, qui menace la paix et la sécurité internationales.

Il convient de rappeler que l’élaboration du Concept d’opérations stratégiques de la Force conjointe du G5 Sahel a été un processus participatif, impliquant l’ensemble de nos partenaires régionaux et internationaux dans le domaine de la sécurité ;et nous avons prévu des mécanismes de coordination des interventions de toutes les Forces présentes dans la région.

Je puis vous assurer que les opérations de la Force conjointe seront respectueuses du genre, des droits de l’homme et favoriseront l’accès humanitaire aux populations dans le besoin.

Dors et déjà, le Général de Division Didier DACKO, nommé Commandant de la Force conjointe du G5 Sahel, est à pied d’œuvre pour la mise en place de l’état major de ladite force, dont l’opérationnalisation n’attend que l’autorisation du Conseil de sécurité.

Monsieur le Président,

S’agissant de la situation des droits de l’homme évoquée dans le rapport sous examen du Secrétaire général, le Gouvernement du Mali constate qu’il est malheureusement reproché aux Forces de défense et de sécurité du Mali des allégations de violations des droits de l’homme, dans un contexte complexe de lutte contre le terrorisme et d’attaques asymétriques avec à la clé, une instrumentalisation des populations civiles.

A cet égard, je rappelle que la majorité des cas de violations documentés et imputés aux Forces de défense et de sécurité du Mali sont commis dans des zones où les services judiciaires et d’enquêtes sont absents du fait de l’insécurité. Ensuite, nous avons une différence d’approche et de qualifications de faits constitutifs de violation ou d’abus des droits de l’homme avec la Division des droits de l’homme de la MINUSMA. Et cela dans un contexte où il y a très souvent l’absence de plaintes des victimes ou de parties civiles, l’absence de témoignages concordants et l’absence d’unités d’enquête dans les zones où ces violations auraient été commises. Ce qui rend difficile la prise en charge de tous les cas par la Justice malgré la bonne foi du Gouvernement.

De même, l’Etat-major général des Armées du Mali dispose d’une Section Droit international humanitaire et Droits de l’homme, qui est prêt à collaborer avec la Division des droits de l’homme de la MINUSMA.

En tout état de cause, je puis assurer que tous les cas de violations signalés ou documentés font systématiquement l’objet d’une enquête et, le cas échéant, de sanctions, conformément aux textes en vigueur. Le Mali, qui a ratifié la quasi totalité des instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme, reste totalement engagé pour la défense et la promotion des droits de l’homme.

Monsieur le Président,

Pour conclure, je voudrais réitérer l’engagement du Gouvernement du Mali, sous l’autorité du Président de la République, à poursuivre et à intensifier la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger.

J’appelle, d’une part, au renforcement des moyens et des capacités de la MINUSMA pour lui permettre d’accomplir efficacement sa mission et, d’autre part, à une coopération plus renforcée entre la MINUSMA et les Forces armées et de sécurité de notre pays, afin d’aider le Mali à rétablir son autorité sur l’ensemble de son territoire.

J’invite enfin le Conseil de sécurité à adopter, sans tarder, la résolution autorisant le déploiement de la Force conjointe du G5 Sahel, afin de mettre nos populations et notre espace commun à l’abri du péril terroriste, et donc de préserver le reste du monde d’une menace réelle à la paix et à la sécurité régionales et internationales.

Monsieur le Président,

La paix au Mali et la stabilité au Sahel doivent être envisagées par le Conseil de sécurité comme un paquet global reposant sur quatre piliers qui se renforcent mutuellement pour garantir l’efficacité et le succès de nos efforts communs :

– la détermination de la partie malienne à accélérer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali ;

– l’action de stabilisation de la MINUSMA avec un mandat renforcé ;

– l’appui de la force française Barkhane ;

– l’opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel pour prendre en charge la dimension régionale.

Nous devons agir simultanément sur tous ces piliers.

Je vous remercie de votre aimable attention.