«I am an African!»

Pour le Dr Kwame Nkrumah, le 25 mai 1963, marquant, naissance ,OUA, ancêtre,’Union Africaine, symbolisait un échec cuisant, qu’il assumait personnellement : son incapacité à convaincre ses pairs d’initier les États-Unis d’Afrique. Et il a eu mal, au point d’en pleurer.

Lundi 25 mai, la Journée de l’Afrique a été marquée par un gigantesque concert, commémorant le 57e anniversaire de l’Organisation panafricaine. Jeudi 28 mai, la chambre d’appel de la Cour pénale internationale annonce de substantiels aménagements à la liberté limitée accordée, en janvier 2019, à Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. D’aucuns vous diront que cette semaine fût plutôt bonne pour l’Afrique. Peuvent-ils ?

Ils le peuvent ! Même si certains demeurent songeurs, face aux contorsions sans fin de la CPI, incapable de rendre franchement leur liberté à des personnalités dont la procureure a échoué à démontrer la culpabilité. Comme si la chambre d’appel hésitait entre réhabiliter la CPI aux yeux d’une opinion africaine perplexe, quant à son impartialité, et rendre des décisions qui désavoueraient clairement la procureure Fatou Bensouda, indexée comme source principale de ce discrédit.

Il n’empêche. La possibilité, théorique, pour l’ancien chef de l’Etat ivoirien, de pouvoir regagner son pays ou d’aller où l’on voudra bien l’accueillir est, pour de nombreux Africains, une bonne nouvelle.

Que dire de ce magnifique concert

 

Dans sa foisonnante diversité, ce concert a révélé le panafricanisme artistique, dans sa dimension… planétaire. C’était, si l’on ose dire, un Festival mondial des musiques nègres. Car, au-delà des pays du continent, la diaspora, dans sa vivifiante multitude, était là, rayonnante de talents et de créativité, et pour rappeler à tous que le panafricanisme a pris naissance hors d’Afrique, dans les Amériques, dans les petites îles comme dans les majestueux archipels des Antilles, de la Caraïbe.

C’était un réel bonheur de renouer, sur nos écrans, avec des générations ininterrompues de stars, une relève confiante de vedettes, de talents, de styles, de rythmes. L’on en oublierait, presque, que ce 25 mai 1963, à Addis-Abeba, le Docteur Kwame Nkrumah, président du Ghana et figure de proue du panafricanisme sur le continent, avait versé de chaudes larmes. Ceux qui ne s’en tenaient qu’à l’écume des choses ont cru voir un homme simplement ému de voir naître éclore l’OUA. En fait, il pleurait, réellement, d’avoir échoué à convaincre ses pairs d’oser, d’emblée, les États-Unis d’Afrique.

Le hasard a voulu qu’en cette année 2020, l’Africa Day coïncidât avec le Memorial Day, des USA. Ceux qui rêvaient des États-Unis d’Amérique avaient dû imposer leur idéal, y compris par la force, pour donner naissance à ce qu’ils désignent fièrement, aujourd’hui, comme la plus grande nation sur terre. Cinquante Etats, partageant le même drapeau, le même hymne, le même dollar, tout en ayant des gouvernements et des parlements par Etat, mais aussi, au niveau fédéral, un gouvernement, un Sénat, un Congrès, une Cour suprême, une Banque centrale, bref, des institutions qui laissent une large place à l’autonomie des États. Et, avant d’être Texan, l’on est Américain !

On peut aussi être Africain, avant d’être Tchadien !…

Ce n’est pas qu’une affaire de mots. Au moment de l’adoption de la nouvelle Constitution sud-africaine, en 1996, Thabo Mbeki avait magnifié l’Afrique dans un de ces discours qui font, à jamais, vibrer le cœur des peuples : « I am an African ! » A la même période que certains jeunes Africains de la diaspora, dont Didier Acouetey que les auditeurs de RFI connaissent bien, il a initié l’idée de la Renaissance Africaine, et ouvert l’Afrique du Sud aux cadres et intellectuels africains de tous pays. Un Africain authentique, qui a réussi quelques prouesses, avant que Zuma et les intrigues de pouvoir n’aient raison de sa présidence.

Par : Jean-Baptiste Placca en 2020. RFI/Pierre René-Worms