Financement des projets structurants par les banques maliennes: Le miroir aux alouettes

La sixième édition de la journée des Banques et Etablissements Financiers du Mali sur le thème, « le financement des projets structurants », a vécu. Evènement était placé sous la présidence du ministre de l’Economie et des Finances, qui s’est fait représenter par le ministre de la Promotion de l’Investissement et du Secteur privé, Konimba Sidibé. Le financement des projets structurants dépasse largement les moyens des banques qui s’y accrochent cependant, au moment où de nombreux autres défis à leur portée les assaillent, avec un taux faible de bancarisation.

N’est-il pas plus prioritaire pour les banques maliennes à travers leur association, de travailler à asseoir leur implantation, à bancariser les masses salariales qui ne le sont pas ?

C’est une évidence pour un pays longtemps resté aux portes de l’émergence, comme le Mali, que le décollage et l’envol de notre économie (niveau macro) dépendent de la réalisation des projets structurants : des infrastructures agro-industrielles, des acropoles, des grands ponts barrages ou hydro-électriques, et des centrales solaires ou au moins hybrides, pour la production et le transport de l’électricité, mais aussi, des grandes autoroutes assurant le transport international, et reliant les capitales régionales etc. Ces réalisations nécessitent des investissements de plusieurs dizaines de milliards, voire des centaines de milliards, qui dépassent les capacités de crédits des banques maliennes. A elles seules réunies, les Banques maliennes et les établissements financiers ne peuvent nourrir l’ambition d’injecter de tels fonds, au risque de mettre la clé sous le paillasson. Or l’argent des banques ne leur appartient pas, c’est sur la base d’un contrat de confiance, que les actionnaires y ont mis leur argent, entrainant les épargnants dans leur sillage.

Parler du financement des projets structurants par les banques maliennes relève d’un vœu pieux, à la dimension d’un mirage, un miroir aux alouettes. Sinon, le sujet peut relever d’une politique de l’autruche, ou simplement du saupoudrage pur et simple pour se donner de l’importance. Le président de l’APBEF n’est pas sans savoir que ce sont les ressources longues qui financent les projets de long terme. Alors pourquoi ce grand tapage autour d’une entreprise périlleuse pour les banques maliennes, au lieu de s’atteler à des thèmes touchant aux défis de première nécessité, comme « la bancarisation des salaires » qui, en plus de sécuriser les travailleurs, aurait comme avantage de démocratiser l’accès à la banque, et par conséquent de relever le taux de bancarisation qui caracole encore autour de 10 % ? Les Banques peuvent, tout en restant dans le domaine qui est le leur, et dans leur rôle, contribuer à la justice sociale, en s’octroyant une amélioration substantielle du taux de bancarisation (en le portant à 15%).

Revenant au thème de la journée des Banques et Etablissements Financiers, « le financement de projets structurants », ce domaine est sans ambages celui de l’Etat et non des banques qui ont des ressources limitées. Elles ne peuvent que se tourner vers l’Etat pour s’y adosser et œuvrer à en tirer profit. Seul l’Etat avec en ligne de front le ministre de l’Economie et des Finances, et dans certaines conditions le ministre des Affaires étrangères, peut soutenir et lever de tel fonds destiné à un projet structurant. Le président de l’APBEF n’est pas le ministre de l’Economie et des Finances. Son rôle est de s’occuper plutôt des choses de son domaine et à sa portée. Veiller à préserver et fructifier dans les proportions raisonnables et non utopiques, les ressources confiées aux banques sur la base d’un contrat de confiance.

Le rôle incontournable de l’Etat

Les projets structurants se rapportent à l’Agriculture, l’Energie, le transport, les infrastructures. Ce sont des domaines clés qui constituent des piliers de l’Economie et du Développement.

Les banques ne reçoivent pas de demande concernant les projets structurants, par ce qu’ils coûtent des centaines de milliards. Ce qui fera dire au Directeur général de la Banque de Développement du Mali (BDM), Amadou Sidibé : « Nous ne pouvons pas financer ce genre de projet sans préparation conséquente. Et il y a une règle fondamentale dans l’orthodoxie bancaire : les ressources longues financent les emplois longs. Aujourd’hui, nos ressources sont essentiellement constituées à court terme ». Pour le faire, « il faut l’accompagnement de l’Etat du Mali, cela peut permettre aux banques de lever des capitaux des ressources longues auprès des institutions financières internationales pour permettre d’avoir une participation plus accrue pour le financement de ces projets à travers les dispositions institutionnelles que l’Etat du Mali s’apprête à prendre ».

Au niveau de la banque, cela nécessite un changement dans la structure des ressources de la banque pour recevoir beaucoup plus de ressources longues. Cela ne peut se faire que lorsque l’Etat du Mali apporte son accompagnement au secteur bancaire dans un cadre partenarial. Cela passe absolument par l’adoption d’une loi dont on ignore encore le contenu, l’étendue et la place qu’elle réservera aux Banques du Mali.

La Rédaction