Fête de Saint Sylvestre / Bamako respecte sa traditionnelle 31


Passer son réveillon dans une ambiance festive est une tradition bamakoise. Les préparatifs qui entourent cette nuit occasionnent d’énormes dépenses. De nombreuses personnes épuisent  leur tirelire. Dans ce jeu, ce sont les femmes qui poussent la plupart du temps les hommes aux excès. Chaque femme cherche à paraître la plus belle cette nuit. Aussi les choix  des dames se portent souvent sur  l’achat des robes de soirée, des ensembles vestes, tailleurs  aux prix souvent excessifs. A la veille des fêtes, les marchés  sont inondés d’habits pour  dames, des prix qui varient  entre 50 000 F cfa, 75 000fcfa, la paire de chaussure 10 000fcfa -25 000fcfa et plus. A ces dépenses s’ajoutent le prix des coiffures (5000 fca à 10000fca) et  la pose des faux ongles, faux cils et autres artifices.

Aminata Sangaré  une jeune étudiante a son idée sur la question de la fête du 31 décembre. Une fête qu’elle a estimée coûteuse cette année avec la conjoncture actuelle. Pour cette jeune dame, la célébration de la fête demande beaucoup de dépenses car les gens se sentent obligés de s’offrir de nouveaux habits et  se faire une nouvelle coiffure. Au menu du programme, Aminata  veut aller hors de Bamako, à Kangaba,  afin d’être loin des yeux indiscrets et profiter ainsi de ses retrouvailles avec son amoureux.

La véritable raison du choix d’Aminata est qu’elle est en liaison avec un homme marié. Pour délaisser Madame et se retrouver avec sa maîtresse, beaucoup d’hommes  inventent des missions de travail hors de Bamako, ou encore mentent sur un travail urgent à terminer le jour de la fête ou un dîner professionnel incontournable. Pour certaines dames, les préparatifs de la fête du 31 décembre signifient un réel « Danger de femme » pour réunir la somme nécessaire aux dépenses du fameux jour. Aussi pour être en possession de ladite somme, nombreuses sont celles qui jouent à  « l’opération séduction »  à la veille des fêtes. L’astuce est de poursuivre les hommes, éventuels financiers sur leurs lieux de travail, les courtiser afin de pouvoir réunir la somme de la fête. Certaines optent pour le jeu de la « drague sur le chemin de la route ». Elles se mettent en habits sexy pour attirer sur elles le désir des hommes. Lorsqu’un homme tombe sur leur charme, elles lui soutirent de l’argent jusqu’à constituer le fonds nécessaire.   

Bien qu’elles reçoivent de plusieurs hommes de l’argent sous la promesse de passer ensemble la fête, nombreuses sont les jeunes filles qui se cacheront de ses nombreux prétendants pour être accompagnée de celui qu’elles désirent réellement.  Cette situation crée souvent des disputes dans les rues de Bamako : des hommes qui agressent les filles ou les convoquent à la police pour arnaque et abus de confiance.

Les hommes aussi se font « spécialiste dans l’art de plaquer leur compagne ». Pour  Mamadou. S., jeune juriste de la place, le 31 décembre est non seulement une fête de fin d’année que chacun célèbre à sa manière avec les moyens du bord mais elle est  également l’ occasion de mettre à l’ épreuve ses talents de communicateur.  Notre juriste  se trouve dans l’embarras pour le  choix de celle qui l’accompagnera le jour J. Car il vient juste de faire la rencontre d’une  jeune fille avec qui il aimerait passer la soirée du réveillon.

Pour réussir son coup, il compte délaisser ses  autres petites amies en prétextant un accident de moto. Chaque année, Mamadou et ses amis organisent une fête à Faladié  chez leurs amis communs. Dans ses projets de mieux séduire sa nouvelle conquête, M.  S. compte faire un petit crochet dans une pâtisserie pour offrir une belle tarte à sa dulcinée. Pour clore la soirée en beauté, notre jeune juriste compte l’amener chez lui pour un dernier verre. Comme on le dit très souvent en langage populaire «  à chacun son 31 »,  quant à  Madiassa Kaba Diakité, journaliste, cette soirée est une occasion idéale pour une retraite spirituelle. « Je compte passer ma nuit à prier et à maudire ceux qui font la fête ce jour là. Car il s’agit pas d’une fête musulmane mais une fête païenne », a-t-il  martelé.

Pour M. Cissé âgé  d’une cinquantenaire d’années, cette nouvelle année est une occasion de se souhaiter de meilleurs vœux.   Les idées sont partagées sur  cette célébration,  à côté de ceux qui veulent faire une fête grandiose et ceux qui pensent qu’elle ne devrait pas être fêtée, nous avons ceux qui demeurent observateurs avec un regard nostalgique de jeunesse. Cissé et ses amis  cotisaient de l’argent au cours de l’année pour célébrer la nuit de Saint sylvestre. Une tradition  qu’il a abandonnée avec l’âge, « Actuellement c’est plutôt  la célébration de la fête musulmane « ACHOURA » qui nous intéresse, mais il faut laisser les jeunes faire leur fête », dira M. Cissé avec sourire.

Ah ! Les bamakois et le 31 décembre, une tradition ancrée dans les mœurs. N’oublions pas que jusqu’aux 12 coups de minuit, hommes et femmes sont soumis à l’épreuve « plaquerai-je ou je ne plaquerai pas »ou pire « serai-je largué ou pas ? ». Surtout que c’est plus le regard des autres qui dérange le plus dans de pareilles situations. Chose qui conduit   beaucoup de jeunes dames à s’inventer une invitation pour  se sauver la face.  

Khadydiatou Sanogo

Le Républicain 29/12/2011