Le Musée du Quai Branly consacre une exposition à l’ancien Président du Sénégal. «Senghor et les arts -réinventer l’universel» vise à placer dans son temps, le poète-Président selon le co-commissaire de l’exposition, Pr Mamadou Diouf.

Du 7 février au 19 novembre 2023, le Musée du Quai Branly consacre une exposition, intitulée Senghor et les arts -réinventer l’universel, à l’ancien Président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor.
Dans un entretien avec Radio France Internationale (Rfi), le Professeur Mamadou Diouf, co-commissaire de l’exposition, explique qu’elle vise, d’une part, à «placer Senghor dans son temps», mais aussi à identifier les grandes questions qui ont préoccupé Senghor, ses amis et les Africains de la diaspora africaine, autour de la réhabilitation de l’Afrique, autour de la recomposition d’une histoire de l’Afrique dans le monde. «D’autre part, voir comment ces grandes questions qui ont préoccupé Senghor et les animateurs de la Négritude et du panafricanisme, comment ces questions-là sont devenues aujourd’hui des questions importantes.» Le parcours de l’exposition met en avant des réalisations d’artistes, des textes d’archives, des photos inédites, des interviews qui ont accompagné la vie et l’œuvre de Senghor. Parmi les évènements évoqués par l’exposition, le 1er Festival mondial des arts nègres qui s’est tenu à Dakar en 1966, à la suite d’un long processus qui commence avec le premier Congrès international des écrivains et artistes noirs en 1956, à la Sorbonne.
«Donc, Senghor s’inscrit dans ce mouvement d’une redécouverte de l’Afrique faite par les Noirs, par les Africains, contre la manière dont l’Afrique a été représentée jusque-là. Le festival est cela : montrer que l’Afrique à une histoire, a contribué à l’histoire de l’humanité et mettre en valeur cette contribution», explique Pr Diouf. Viendront ensuite en 1969, le Festival d’Alger, en 1977, celui de Lagos, avec en 2010, le 3e Festival mondial des arts nègres organisé par le Président sénégalais Abdoulaye Wade.
A la fois homme politique et poète, Léopold Sédar Senghor fut aussi un ardent protecteur des arts. Mais souvent, sa vision se heurtait à celles de jeunes artistes. Ce fut le cas en 1974 quand Senghor organise une exposition au Grand Palais à Paris. Figure emblématique du mouvement Agit’Art, Issa Samb (Joe Quakam) brûle ses œuvres qui devaient figurer dans l’exposition pour protester contre «l’instrumentalisation de l’art au service du mouvement de la Négritude». Selon Pr Mamadou Diouf, Issa Samb a alors «une position teintée d’une démarche esthétique qui est à la fois ironique, mais aussi philosophique très importante». Depuis quelques années, la question de la restitution des œuvres d’art africaines occupe les devants de l’actualité. Mais selon Pr Mamadou Diouf, le débat n’avait pas cette ampleur du temps de Senghor qui ne se préoccupe pas de la restitution. Ce qui intéresse Senghor va au-delà de la restitution. «Son idée est que les arts africains doivent circuler. Mais la circulation des arts africains s’accompagne nécessairement par la circulation des arts dans le monde. Ce qui intéresse Senghor, c’est la circulation des arts. Pour cela, il va organiser des expositions de Picasso, Chagall, etc. Parce que pour lui, c’est ça qui est important. Parce que cet art participe à cette éducation qui est une éducation humaniste.» Selon l’historien et enseignant à l’Université de Columbia, le travail de Senghor est essentiel.
«Ce travail sur le respect de la diversité est aujourd’hui essentiel, parce que le moment que nous vivons est un moment qui est défini par le racisme et la xénophobie. C’est un moment où les cultures et les ethnies sont en train de se refermer sur elles-mêmes et défendent, de manière féroce, des territoires qu’ils réclament comme les leurs. Aujourd’hui, pour moi, revenir à Senghor, c’est rouvrir des délibérations qui portent sur la différence, qui portent aussi sur la capacité des échanges, ce que Senghor va appeler le dialogue des cultures.»

Par Mame Woury THIOUBOU

Source : mamewoury@lequotidien.sn