Entre satisfaction et contestations, l’AMO trace son chemin

Le Mali, dès son accession à l’indépend ance, a souscrit souverainement aux principes affirmés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’homme de l’Homme et a adopté différents textes de lois inspirés de la Convention N°102  de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui est la norme mondiale en matière de sécurité sociale. La Constitution du 25 février 1992, à l’instar de celles de 1960 et de 1974, réaffirme solennellement les principes contenus dans la DUDH de 1948 et se singularise de ses devancières, puisqu’elle inscrit de façon singulière, dans son Article 17, le droit à la santé et à la protection sociale. «L’éducation, l’instruction, la formation, le travail, le logement, les loisirs, la santé et la protection sociale constituent des droits reconnus».

En reconnaissant aux citoyens le droit à la santé et le droit  à la protection sociale, la Constitution de 1992 imposait donc aux pouvoirs publics de mettre en place les organismes appropriés pour rendre effectifs ces droits. C’est pourquoi les autorités de la République du Mali ont institué un régime d’Assurance maladie obligatoire. Il s’agit d’un régime auquel l’assuré est automatiquement rattaché en fonction de sa situation personnelle: fonctionnaire, salarié, pensionné ou député. Le régime de l’AMO est basé sur deux concepts fondateurs: cotiser selon ses ressources et se faire soigner selon ses besoins. Ce système de solidarité s’exerce entre les personnes aux revenus élevés et les personnes aux revenus modestes; les personnes en bonne santé et les personnes malades et les fonctionnaires, les salariés, les pensionnés et les députés.

L’objectif majeur poursuivi par ce dispositif est d’assurer, par la mise en commun des risques et des ressources, une couverture de qualité, accessible au plus grand nombre et en particulier aux moins solvables au sein des différents groupes cibles. L’AMO concerne les assujettis que sont les fonctionnaires civils et militaires et les fonctionnaires des collectivités territoriales; les travailleurs salariés; les parlementaires, les titulaires de pensions civiles et militaires et de retraites parlementaires. Peuvent aussi adhérer à l’Assurance maladie obligatoire, les personnes affiliées au régime d’assurance volontaire de l’Institut National de Prévoyance Sociale (INPS). Outre la personne assujettie (l’ouvrant droit), l’assurance maladie obligatoire couvre les membres de sa famille qui sont à sa charge, à condition qu’ils ne soient pas bénéficiaires à titre personnel de l’AMO.

Sont considérés comme membres à charge de la famille de l’assuré: le (s) conjoint(s), les ascendants directs (père et mère), les enfants mineurs de moins de 14 ans et les enfants de 14 à 21 ans, s’ils sont scolarisés et les enfants, sans limite d’âge, atteints d’un handicap physique ou mental les empêchant d’exercer une activité rémunérée. L’AMO les prend en charge, à moindre frais, grâce au système du ticket modérateur, dans tous les établissements de santé conventionnés partenaires au Mali. De nos jours, 939 sur 1055 Centres de santé communautaire (CSCOM) sont conventionnés et, selon les informations que nous avons reçues de la Caisse nationale d’assurance maladie (CANAM), structure qui assure la gestion de l’AMO,  il y a actuellement une mission à  l’intérieur pour en conventionner d’autres. De même, l’ensemble des 49 Centres de santé de référence du pays (CSRéf) et ceux des 6 communes du District de Bamako sont conventionnés à l’AMO, ainsi que tous les hôpitaux publics, dont le l’hôpital Mère – Enfant Le Luxembourg. S’ajoutent à ces structures, 4 établissements scientifiques et technologiques, dont le Centre national de transfusion sanguine et le Centre national  de lutte contre la maladie.

Avec le ticket modérateur, lorsqu’une personne non assurée paie 100 000 FCFA pour ses soins dans un hôpital, l’assuré à l’AMO ne paiera que 20 000 F CFA. Dans les CSCOM, CSRéf ou autres établissements de soins, l’assuré paiera 30 000 FCFA au lieu de 100 000 FCFA. Toutes les maladies courantes sont prises en charge par l’AMO. I

Pour bénéficier de l’AMO, il faut nécessairement déposer un dossier auprès des structures de la Caisse malienne de sécurité sociale (CMSS), de l’Institut national de prévoyance sociale (INPS) et de la CANAM. Pour le moment, une carte de l’AMO ou un récépissé de dépôt de dossier ou une carte d’identité plus le numéro matricule vous permettent d’être pris en charge. Les taux de prise en charge pour toutes les prestations sont les suivants: en ce qui concerne l’ambulatoire, c’est 70%. Par exemple, pour un paludisme simple, une personne non assurée paie 7 500 FCFA, alors que l’assuré AMO ne paie que 2000 FCFA. S’agissant d’une hospitalisation, l’AMO couvre 80% des frais. Ainsi, pour le traitement chirurgical d’une appendicite, qui coûte 100 000 FCFA pour le non assuré, l’assuré AMO ne paie que 20 000 FCFA.

C’est à cause de toutes ces facilités qu’une grande majorité des travailleurs maliens a adhéré à l’AMO. Cette grande mobilisation en faveur de l’AMO est soutenue par la première centrale syndicale de notre pays, à savoir l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM). A l’UNTM, on croit dur comme fer que l’AMO est une bonne chose pour les travailleurs. Les locataires de la Bourse du travail saluent l’avènement de l’AMO à telle enseigne que, tenez-vous bien, un couple d’enseignants a donné son nom à leur enfant, qui s’appelle Awa AMO Konaté.

Les plus virulentes contestations sont venues de l’autre grande centrale syndicale, la Confédération syndicale des travailleurs du Mali (CSTM). A la CSTM, où nous rencontré Boubacar Kébé, on nous a plutôt expliqué que la CSTM n’était pas contre le principe de l’AMO, mais contre la façon dont le gouvernement avait procédé. Selon Boubacar Kébé, lorsque la loi sur l’AMO a été adoptée par les députés, sa centrale syndicale avait demandé au gouvernement de procéder à une sensibilisation avant de ponctionner les salaires des gens. « On ne peut pas amputer les salaires sans leur accord », a-t-il dit.

Il pense aussi que le plateau de la CANAM devrait être de la responsabilité de l’Etat et que le plateau technique sanitaire de l’AMO n’est pas encore prêt, à cause du manque de médecins qualifiés dans les CSCOMs de l’intérieur. Cette résistance de la CSTM a amené le gouvernement à revoir sa position en renonçant au caractère obligatoire du régime. Pour autant, faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain? Nous pensons que non. Car, malgré tout, le régime de l’AMO est une assistance de l’Etat aux populations qui n’ont pas assez de moyens pour se soigner. Mais les inquiétudes de la CSTM sont fondées, à cause qu manque de structures et de personnels qualifiés à l’intérieur du pays. Ces contraintes levées elles aussi, il est sûr que la CSTM invitera ses membres à adhérer à l’initiative.

Youssouf Diallo

Le 22 Septembre 27/11/2011