En réaction à l’agression sauvage de Saouti Labass Haïdara / Une journée presse morte, une marche

Coup frayeur dans les milieux de la presse malienne. Le 12 juillet, l’agression de Saouti Labass Haïdara, 62 ans, l’un des journalistes les plus respectés de sa profession, fait déborder le vase. Peu après 21 heures, une demi-douzaine d’hommes en armes débarquent au siège de L’Indépendant, le quotidien dont il est directeur de publication, et l’embarquent de force dans leur pick-up. Emmené loin de la capitale, il est roué de coups, puis abandonné par ses agresseurs. Bilan de l’agression ? Un bras cassé, l’autre contusionné et plusieurs points de suture à la tête. Le 16 mai, le même Saouti Labass Haïdara avait été questionné dans les locaux de la Sécurité d’État, puis relâché au bout de deux heures.  Admis l’hôpital Gabriel Touré, il a reçu la visité de Makan Koné, président de la Maison de la presse du Mali, ainsi que celle des membres du gouvernement. « Il est dans un état grave, les hommes armés lui ont cassé le bras droit qui est plâtré. Il a aussi été touché à la tête et est dans un très mauvais état, a déclaré M. Koné à l’AFP. Devant nous, Saouti a été menacé alors qu’il donnait des instructions à l’imprimeur au sujet du journal à paraître vendredi et les hommes armés étaient très nerveux, a-t-il ajouté. Quelques heures plus tard, M. Haïdara a été libéré, mais, selon le journaliste, il a été battu, torturé, par les hommes armés.

Ils ont menacé de le tuer s’il porte plainte, a affirmé M. Koné, qui a condamné ces atteintes répétées à la liberté d’expression. C’est la démocratie que ces gens veulent tuer et nous allons organiser une marche, observer une journée presse morte. Tous les acteurs de la transition (au pouvoir à Bamako) doivent prendre leurs responsabilités, car il s’agit d’une opération de représailles sciemment montée contre la presse malienne qui ne fait que son travail, selon lui. Le 12 mai, le directeur de publication du bi-hebdomadaire privé malien Le Prétoire, Birama Fall, avait lui aussi été interpellé. Il avait expliqué que la Sécurité d’Etat lui reprochait de vouloir publier un article sur des charniers dont l’existence lui aurait été révélée par un ministre. L’organisation de défense des journalistes Reporters sans frontières (RSF) s’était inquiétée en mai des violations de la liberté de la presse depuis le coup d’Etat militaire du 22 mars, qui a accéléré la chute du nord du Mali aux mains de groupes armés. Depuis le début de la crise malienne, plusieurs journalistes ont été agressés ou interpellés et une radio appartenant à un parti politique pro-putsch a été incendiée dans le centre. Le Mali est en pleine tourmente depuis le coup d’Etat du 22 mars qui a renversé le régime du président Amadou Toumani Touré.  Le 2 juillet, Abderhamane Keïta, du journal L’Aurore, a été enlevé, encagoulé et roué de coups par des individus armés. À cela, il faut ajouter les interrogatoires auxquels sont soumis les journalistes. Le 16 mai, le même Saouti Haïdara avait été questionné dans les locaux de la Sécurité d’État, puis relâché au bout de deux heures, une semaine après son confrère du Prétoire, Birama Fall. L’éditorialiste du quotidien Le 22 septembre, Chahana Takiou, a lui aussi passé un moment délicat à la Sécurité militaire. Ce 13 juillet, les principales organisations des médias se sont réunies à la Maison de la presse de Bamako : l ‘Association des éditeurs de la presse privée (ASEPP), l’Union des radios et télévisions libres (Urtel), le Groupement patronal de la presse écrite (Groupe) et l’Organisation des jeunes reporters du Mali (OJRM). Ils sont bien décidés à manifester leur mécontentement. Une marche de protestation est fixée au 17 juillet. Marche dont le point de départ sera le siège du journal L’Indépendant, à destination de la Primature. Les hommes – et femmes de médias – ont également décrété que le 17 juillet sera « une journée sans presse », pour « interpeller tous les Maliens sur les dangers qui pèsent sur la profession », a martèle Makan Koné.

Abdoulaye OUATTARA

Le Republicain