EMANCIPATION FEMINIE: Quand la réalité a du mal à suivre l’évolution des concepts

Dr Djamila Ferdjani

L’émancipation ou l’empowerment des femmes est aujourd’hui un objectif affiché par l’ensemble des agences multilatérales et bilatérales de développement et par de nombreuses ONG internationales, surtout dans les pays dits du Sud.

C’est une longue quête qui s’est traduite par de nombreux concepts.

Du droit de la femme on est passé à l’émancipation, à l’égalité homme et femme, l’équité genre… Et aujourd’hui il est surtout question d’autonomisation.

D’ailleurs, promouvoir l’égalité des sexes et «l’autonomisation des femmes» est l’un des huit Objectifs du millénaire pour le développement (ODD).

Tous ces concepts ont-ils eu réellement un impact sur l’épanouissement de la Femme en tant qu’humain, citoyenne, actrice politique et économique ?

 

L’imposition du quota pour une meilleure prise en charge de l’équité-genre est-elle réellement un tremplin pour faire avancer l’émancipation féminine ?

Le débat divise ceux qui pensent qu’une telle représentation peut se faire aux dépens de la qualité et ceux pour qui le principe est déjà une avancée pour restituer ou reconnaître à la Femme son rôle socio-économique, politique… De nos jours, les indicateurs visant à mesurer les progrès accomplis en matière d’égalité homme-femme et d’émancipation féminine se sont multipliés à l’image des concepts.

Donc difficile de faire souvent la part des choses.

Si, défendent certains sociologues, ces indicateurs permettent de souligner la prégnance des inégalités entre les sexes dans des domaines variés comme l’emploi, l’éducation, les revenus, ou l’accès à des postes ministériels, ils demeurent bien éloignés de la définition multidimensionnelle de l’empowerment proposée par les recherches féministes.

«Ils ne disent notamment rien sur les moyens individuels et collectifs mis en œuvre pour atteindre ces résultats, alors que ce sont précisément les moyens et les processus sous-jacents qui constituent l’émancipation», ont déploré Agnès Adjamagbo et Anne-Emmanuelle Calvès dans «L’émancipation féminine sous contrainte» (Autrepart 2012/2 N°61)

Toujours est-il que le rôle de la Femme est indiscutable dans toutes les sociétés, pas seulement au sud. «Sans l’implication de la femme à tous les niveaux, aucun développement n’est possible puisqu’elle représente la moitié de la population.

 Le respect des quotas de la femme dans la vie politique et les instances décisionnelles d’une nation a permis un grand bond socio-économique dans tous les pays qui l’appliquent», a récemment défendu Dr Djamila Ferdjani dans un entretien accordé au site www.afriqueeconomie.net.

Cette très engagée Algéro-nigérienne fait la promotion de la Santé des populations démunies et aide à l’autonomisation des femmes avec une équipe de 16 bénévoles, plus particulièrement à Niamey au (Niger) où elle réside.

«La femme africaine, malgré les inégalités sociales dont elle est victime, est en train d’évoluer sur tous les plans, se réaliser et avancer vers la plénitude du rôle qu’elle peut assumer dans l’émergence du continent africain», a-t-elle conclu.

De nos jours, il n’y a pas de doute sur le fait que la sous-représentation politique des femmes est «bel et bien un enjeu majeur» de notre époque.

Cette représentation politique souhaitable se heurte encore à des obstacles d’ordre socioéconomique et culturel.

Pour certains experts, les barrières à la représentation politique des femmes sont d’ordre politico-institutionnel.

Et deux solutions sont généralement proposées pour remédier à cette sous-représentation : les quotas ou la parité !

 

Des moyens juridiques et politiques d’imposer l’égalité homme-femme

Pour nos experts, il faut distinguer les quotas qui sont établis par la législation nationale de ceux qui sont instaurés par les partis politiques.

Les quotas établis par le législateur s’imposent de la même manière à tous les partis politiques.

Et le Mali fait partie des rares pays qui ont adopté une telle mesure avec notamment la Loi N° 2015-052/ du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives.

Pour ce qui est des quotas établis par les partis, il peut s’agir d’une mesure visant à assurer qu’une proportion de sièges parlementaires remportés par le parti au terme de la compétition électorale revienne à des femmes.

Tout comme il peut s’agir également d’une mesure cherchant à garantir que les structures internes de décision comprennent des femmes.

Les quotas imposés par la loi sont axés sur le résultat de l’élection en s’assurant qu’un pourcentage déterminé de sièges revienne au femmes.

D’une manière générale, les principes des quotas et de la parité se présentent donc comme des «moyens juridiques et politiques d’imposer une véritable égalité entre hommes et femmes».

Toutefois, si la parité est analysée par certains législateurs comme «une mesure palliative temporaire, destinée à favoriser l’émergence d’une nouvelle culture aboutissant à la présence équilibrée de femmes et d’hommes tant au Parlement qu’au sein des instances dirigeantes des partis politiques».

Pour d’autres, elle n’est pas «une mesure transitoire, mais définitive et destinée à assurer le partage du pouvoir politique entre hommes et femmes».

Autant de dilemmes, de paradoxes et de formes d’équivoques que ni la parité ni les quotas ne dépassent ou ne lèvent réellement dans la quête de l’émancipation féminine.

Cependant, «ces deux mesures ont l’insigne mérite d’avoir permis d’intégrer la question des rapports sociaux de sexe au débat public et politique», reconnaît une activiste.

Et cela est une avancée non négligeable dans le combat pour l’émancipation féminine qui semble être une perpétuelle quête.

Même si on a l’impression que les concepts évoluent plus vite que la réalité quotidienne des millions de femmes dans le monde, surtout dans les pays pauvres.

Sans doute que quota, parité, équité genre… ne signifient rien pour les femmes rurales au Mali qui semblent être les laissées pour compte de cette émancipation.

Heureusement que certaines commencent quand même à s’épanouir grâce aux projets liés à l’autonomisation leur permettant de réaliser des activités génératrices de revenus.

La promotion de la femme doit être mené comme une bataille de survie de la race humaine car il n’y pas de doute que quand la femme s’épanouit, elle entraîne la famille, la communauté, la société voire le pays dans cet élan de bien-être !

Naby