ELECTIONS: Pourquoi les Maliens boudent les urnes ?

 

Au-delà de ce constat vu de l’extérieur, la réalité est visible et perceptible dans notre pays. Malgré  le statut de pionnier de la démocratie en Afrique, le peuple malien se désintéresse de plus en plus des élections, même si paradoxalement il est fier de sa démocratie. Qu’est-ce qui peut bien expliquer ce désintéressement ? Plusieurs raisons sont évoquées par différents acteurs et qui se résument le plus souvent en un point : « L’homme politique ne respecte pas la parole donnée… ».

Ce n’est pas tout à fait l’avis de M Guissé, cadre d’un parti politique. « Je pense que la raison crève l’œil. L’analphabétisme est la principale cause de ce désintérêt des populations pour les élections. Imaginez combien de nos compatriotes se posent des questions sur le projet de société des partis politiques. Ils sont déçus parce qu’ils attendent beaucoup de l’homme  que de son programme de société… », explique M. Guissé. Pour lui, notre culture démocratique permet tout au moins aux citoyens de dénoncer les abus des responsables politiques et de les sanctionner par un vote négatif. Ce n’est pas l’avis de L. Sidibé, acteur de la société civile, qui pense que le peuple rechigne au vote parce que, dans son intime conviction, il croit que les jeux des élections sont souvent faits à l’avance. Les partisans de cette pensée évoquent toujours l’ingérence de l’occident dans les affaires africaines. Qu’en conséquence, aucun chef d’Etat africain n’est intronisé sans le feu vert de l’hexagone ou du pays de l’oncle Sam. « Alors à quoi bon d’aller se fatiguer à choisir quelqu’un qui est déjà connu… », martèle M. Sidibé, qui dit n’affirmer haut que ce que pensent tout bas la majorité de ceux qui boudent les urnes.

Les partis politiques en cause

Dans un autre contexte, Sidibé explique aussi que les partis politiques ne font pas leur travail pour que les populations participent au vote. Heureusement, dit-il, que les organisations de la société civile (OSC) se substituent à eux dans la sensibilisation des populations. Pour lui, celles-ci ne savent pas le plus souvent pourquoi, elles doivent voter.

Lors d’un débat sur les élections, les participants d’un forum international ont longuement échangé sur les raisons de la faible participation des Maliens au vote. Leur conclusion est sans appel. « Les partis politiques, avec toutes les ressources publiques mises  à leur disposition, ne font pratiquement rien pour améliorer le taux de participation des populations aux élections. Alors méritent-ils vraiment la subvention publique ? », s’interrogent les participants à ce forum international. Pis, lors des inscriptions sur les listes au dernier trimestre de cette année, aucun parti politique n’aurait rencontré les populations ou mettre des moyens à leur disposition pour qu’elles participent aux opérations de révision des listes électorales. Certains d’entre eux (ils ne sont pas nombreux) se sont contentés d’adresser des messages ou faire des communiqués via la presse pour appeler les populations ou du moins leurs militants à aller s’inscrire sur les listes électorales.

Pour B. Diallo, qui n’a jamais voté au cours d’une élection, c’est tout autre. « Je n’ai jamais voté parce que les partis politiques ne sont pas convaincants. Les responsables politiques ne croient pas à ce qu’eux même disent. Et quand ils sont aux affaires, ils ne pensent qu’à eux et non au peuple. Et pour certains d’entre eux, le peuple n’est qu’un bétail électoral à qui on ne doit penser qu’à l’approche des élections… ». Lui, qui n’a pas encore décidé de participer au vote, attend toujours des lendemains meilleurs pour la démocratie malienne : « le jour ou l’homme politique se décide à respecter son électeur, par le respect de ses engagements ».

Les élections générales 2012 vont-elles changer la donne ? Les plus optimistes pensent que oui dans la mesure où la jeunesse malienne a, semble-t-il, pris conscience. Elle envisagerait de marquer d’une pierre blanche sa participation aux élections de l’année prochaine d’où les inscriptions en masse cette année des jeunes. Cette détermination de la jeunesse malienne va-t-elle résoudre l’énigmatique question de la participation des Maliens aux élections ? Rendez-vous en 2012.

Idrissa Maïga

L’Aube 23/12/2011