Edito / La tragédie des Khadafi et de ceux qui les pourchassent

La ville symbole de l’anti-khadafisme n’arrêtait plus de se morfondre contre les lenteurs de la communauté internationale. La voilà assurée contre les bombardements de l’aviation du maître de Tripoli. Mais peut-être forcée de se battre au sol, dans un corps à corps contre des forces gouvernementales bien plus aguerries que les insurgés enthousiastes mais inexpérimentés.

La défaite des révolutionnaires n’est plus aussi évidente qu’’il y a quelques jours quand Tripoli, triomphaliste, ne se donnait que quelques heures pour faire plier l’orgueilleuse capitale de la Cyrénaïque. Les pronostics ne sont pas aussi bons pour le vieux Guide retranché dans son bunker ceinturé par des « patriotes » qu’on dit prêts à mourir pour lui. Une centaine de missiles avait déjà été tirés depuis les côtes sur différents objectifs gouvernementaux.

Le ballet aérien des avions de la coalition s’est rendu maître du ciel libyen. Cela ressemble bien à une fin de règne. Cependant, si la Ligue Arabe a été embarquée par la troïka France-Grande Bretagne-Usa, l’Union africaine, elle, ne cautionne pas ce qu’elle assimile sans doute à une agression extérieure contre un pays membre.  Addis-Abeba ne le répètera pas à l’infini parce que l’Occident pèse plus lourd qu’un Guide, pour l’instant, privé de ce qu’on craint le plus en Afrique : son pouvoir de nuisance.

Reste que l’opération occidentale aurait été bien plus forte avec une caution africaine. Autre problème, il  apparaîtra maintenant très clairement aux yeux du monde que ce n’est pas la seule morale qui fait voler les avions de chasse des grandes puissances. Puisqu’en Côte d’Ivoire aussi, le peuple se meurt  et la très sélective communauté internationale n’y propose pour l’instant que les rapports de l’Onuci transformée en observateur du désastre qu’à grand frais, elle était censé prévenir. Et puis, quelle jurisprudence désormais dans le monde arabe lui-même ? A Bahrein, Sana, Amman,  Muscat, ce sont les forces de l’ordre qui tirent sur les manifestants. Chasser Khadafi parce qu’il réprime son peuple et fermer les yeux sur des faits similaires ailleurs ne grandira pas la révolution du jasmin. Ça la discréditera plutôt.

Adam Thiam
Le Républicain 21/03/2011