Dénonciation de la révision constitutionnelle / La rue s’emballe

 

« La reforme constitutionnelle est un coup d’Etat contre la démocratie ». Telle est la conviction des Maliens qui ont répondu présents à l’appel du Collectif « Touche pas à ma constitution ». Plus que convaincus, ils étaient déterminés à faire entendre leur voix à Koulouba. Si depuis l’arrivée d’ATT à Koulouba, les Maliens étaient habitués à voir des marches réprimées par les policiers, cette fois-ci, policiers, responsables d’associations de la société civile, leaders politiques, militants de partis politiques, syndicalistes et militants d’associations de jeunes, ont marché main dans la main, dans une ambiance bon enfant. Aidés par des hauts parleurs hissés sur des SOTRAMA, les marcheurs scandaient des slogans qui n’étaient du tout tendres avec les tenants du pouvoir.

La marche sécurisée par des éléments de la garde nationale, de la gendarmerie et des policiers du GMS, partie de la Pyramide du Souvenir a rallié le Monument de l’Indépendance sans incident. Des leaders très populaires au Mali ont marché à côté des citoyens anonymes. Ce sont :  Adama Diakité, Président du Forum de la société civile ; Ali Nouhoun Diallo, Président de la COMODE ; Dr Oumar Mariko, député à l’Assemblée nationale et secrétaire général du Parti SADI ; Modibo Sangaré, Président l’UNPR ; Hameye Founé Mahalmadane, secrétaire général du Syndicat libre de la Magistrature (SYLIMA) ;  Hamadoun Amion Guindo, secrétaire général de la Confédération des travailleurs du Mali (CSTM), Mme Sy Kadiatou Sow, Présidente de l’ADEMA Association et Issaga Traoré, Président de CNID Association.

Une constitution « liberticide et démocraticide »

A la place de l’Indépendance, Modibo Sangaré de l’UNPR, pour le compte des partis politiques membres du Collectif « Touche pas à ma constitution », a déclaré que le texte proposé par ATT est « liberticide et démocraticide ». Selon lui, cette nouvelle constitution n’a que pour objectif de détruire la démocratie malienne acquise de haute lutte par le sang des Maliens. « Ils ont suffisamment volé l’argent du pays et veulent aujourd’hui imposer une constitution aux Maliens pour mettre à la tête du pays un monarque qui va protéger leurs intérêts », a-t-il indiqué. Avant d’inviter le Peuple malien à se mobiliser comme un seul homme pour dire non à ATT et sa réforme qui va mettre le feu au pays.

Pour sa part, Dr Oumar Mariko, secrétaire général du Parti SADI, a révélé que contrairement aux appels d’inscription sur les listes électorales, l’administration est en train de torpiller le processus afin que les citoyens ne puissent pas le faire. « Ils veulent des élections truquées pour nous imposer un Président qui va bénéficier de la nouvelle constitution même s’ils ne jouit pas de la légitimité populaire », a-t-il déclaré. Dr Oumar Mariko a estimé que le pouvoir d’Amadou Toumani Touré ne veut pas organiser des élections claires, transparentes et crédibles au Mali en 2012. Selon lui, le premier acte qui traduit cette volonté du pouvoir ATT est l’exclusion de l’opposition que représente le parti SADI de la CENI. « Cette marche d’aujourd’hui est une bonne chose. Nous allons multiplier les actions jusqu’à ce que les aspirations profondes du Peuple malien soient prises en compte », a-t-il conclu.

L’AMO s’invite à la marche

Du côté de la CSTM, Hamadoun Amion Guindo est intervenu pour dénoncer les prélèvements illégaux que le Gouvernement continue d’opérer sur le salaire des travailleurs maliens au titre de l’AMO. « Nous réclamons l’arrêt et le remboursement intégral des prélèvements sur nos salaires », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter qu’un pays comme le Mali, où l’école est malade depuis, où la sécurité est mise à rude épreuve avec tout ce qui se passe au nord, où des zones entières seront cette année, confrontées à des difficultés alimentaires à l’allure de famine, a d’autres priorités que d’aller perdre son temps et de l’argent dans une réforme constitutionnelle inopportune.

« Face à tous ces défis, ce n’est pas le moment de perdre du temps et de l’argent dans un référendum. Nous demandons au Président de la République d’arrêter son processus qui vise à adopter sa constitution et à se consacrer à l’organisation d’élections présidentielles et législatives réussies au Mali », a-t-il conclu. Pour le compte du SYLIMA, le magistrat Daniel Amagouin Téssougué a pris la parole pour demander à ATT de s’en aller et de laisser la constitution malienne de 1992 en paix. « Personne n’a demandé à ATT de toucher à la constitution de 1992 qui a été mise en place grâce au combat héroïque du Peuple malien qui a versé son sang pour la cause », a-t-il indiqué. Il a rappelé que sur la base des déclarations du Président de la cour constitutionnelle de l’époque, ATT a été élu à l’issue d’élections où la fraude s’est installée à demeure au Mali. « Avec la famine qui menace le pays, la sécurité qui tousse au nord du pays, l’école qui reste l’éternel malade et l’impréparation des élections de 2012, le Mali a tellement de priorités qui devaient préoccuper ATT », a-t-il  déclaré. Il a conclu en révélant : « Les magistrats rejettent la reforme et demandent à ATT de s’atteler à organiser des élections crédibles et transparentes pour le Mali ».

Les policiers réclament la tête du Général Sadio Gassama

La section syndicale de la police, fortement représentée à la manifestation, par l’entremise de Siméon Keita, son secrétaire général, a eu un temps de parole. « On nous menace de radiation de la police dans un Etat qui a reconnu la liberté syndicale dans le corps de la police, parce que nous avons  réclamé la non ingérence de l’administration dans les affaires syndicales et la restitution des prélèvements faits sur nos salaires au compte de l’AMO », a-t-il révélé. Avant d’ajouter que la section syndicale de la police s’est associée à cette manifestation pour dénoncer l’AMO et demander à l’Etat de mettre les policiers dans les conditions de travail pour assurer la sécurité des populations.

« L’insécurité est partout au Mali, parce que les agents ne sont pas équipés et la police est divisée. Aujourd’hui, on demande le départ du général Sadio Gassama afin de permettre à la police malienne d’assurer sa mission de sécurisation des populations », a-t-il conclu. Pendant cette marche, les policiers avaient des banderoles très expressives : « Carton rouge à Sadio Gassama, rend la démission » ou encore « Général Sadio Gassama la police ne veut plus de toi ». Au nom de la coordination des syndicats de l’enseignement secondaire (COSES), Adama Traoré a dénoncé le peu d’intérêt que les autorités maliennes accordent à l’école malienne. Sinon comment expliquer le mutisme des autorités face à la grève déclenchée depuis le 9 novembre 2011 par les enseignants qui dénoncent les prélèvements effectués sur leur salaire pour le compte de l’AMO ?

Cette constitution ne sera pas votée

Pour sa part, Issaga Traoré, Président de CNID Association, a rappelé le travail abattu par les démocrates  pour mobiliser  les Maliens pour faire tomber le Général Moussa Traoré. Il a estimé que ce qui se passe aujourd’hui dans le pays est pire que l’époque de Moussa Traoré. « Nous jurons que cette constitution ne sera pas votée », a-t-il conclu.  Ousmane Touré, Président de la nouvelle jeunesse africaine (NJA) a invité ATT à trouver des solutions au problème de chômage des jeunes et d’arrêter de distraire le peuple avec une réforme inutile.

Tahirou Bah du Mouvement des sans voix a rappelé que la constitution de 1992 a été  donnée au Mali par le sang des Maliens. Il a estimé que le texte d’ATT sera voté dans la corruption et la tricherie. « Nous invitons toute la jeunesse malienne à se mobiliser pour barrer la route à cette constitution qui va faire reculer la démocratie malienne », a-t-il conclu. Sans trop de commentaire, Ali Nouhoun Diallo a demandé à ATT de retirer son texte et de s’atteler à l’organisation d’élections transparentes pour le pays. En sa qualité de Président du Forum des organisations de la société civile, Adama Diakité est intervenu pour égrener la longue liste des griefs formulés contre le nouveau texte. Selon lui cette liste a été remise au Président ATT par leurs soins, le 29 novembre 2011, sous forme de lettre ouverte.

Assane Koné

Le Républicain 01/12/2011