DEMANDE SOCIALE Si IBK pouvait comprendre l’appel de son peuple

Malgré la marche populaire du vendredi dernier et les nombreux appels des hauts
dignitaires religieux, le président de la République Ibrahim Boubacar Keïta ne semble pas
prêt à réagir dans le sens de l’apaisement. Les conclusions de sa rencontre avec le bureau
national de la Limama (Ligue des Imams du Mali), dirigé par El Hadj Fodé Cissé, dans l’après-
midi du samedi 6 avril, et les confessions religieuses lundi dernier, n’en disent pas en tout
cas le contraire. « Le chef du gouvernement et moi-même, sommes en gestion d’un pays qui
se débat aujourd’hui comme beaucoup de pays d’ailleurs du monde et dans des difficultés
d’existence liées à l’environnement international », lâche-t-il.
Les échanges entre président de la République Ibrahim Boubacar Keïta, la Ligue des Imams
du Mali et les autres confessions religieuses ont porté sur la situation sécuritaire actuelle du
pays et la dégradation des mœurs dans un moment difficile que traverse le Mali.

Comme on pouvait s’y attendre, la Limama a réaffirmé son soutien total au président de la
République et l’a assuré de ses bénédictions et prières pour ramener la paix et la quiétude
dans le pays.
A l’issue de la rencontre, le chef de l’Etat s’est exprimé devant ses invités pour les remercier:
« Je me réjouis d’abord que les imams du Mali aient souhaité me rencontrer, et surtout au
lendemain d’une journée d’effervescence autour de laquelle beaucoup de choses ont été
entendues, parmi lesquelles certaines déclarations fortes, certains slogans et surtout des
déclarations désobligeantes pour nos amis en soucis du Mali aujourd’hui, tous ceux-là qui
sont aujourd’hui à nos côtés pour combattre le terrorisme au Mali . Et j’ai tenu donc à attirer
l’attention des Maliens, à travers les imams sur ce fait très simple, qui est un principe de
criminologie très simple, à qui profite le crime ? Qui est gêné par la présence de la Minusma
et des troupes françaises », s’interroge-t-il.
« En tout cas en ce qui nous concerne nous, le chef du gouvernement et moi-même,
sommes en gestion d’un pays indépendant, d’un pays souverain, d’un pays qui se débat
aujourd’hui comme beaucoup de pays d’ailleurs du monde et dans des difficultés d’existence
liées à l’environnement international, liées à l’évolution écologique qui est un défi
climatique et également aussi qui fait face à l’agression terroriste d’un genre nouveau dont
nous n’avons pas lieu d’ailleurs d’être rassurés jusqu’à présent parce que l’évolution dans un
pays ami frère, la Libye, n’est pas rassurante . Alors quand on voit cela et qu’au dedans on
veuille maintenant monter les forces nationales contre elles-mêmes, on se pose des
questions. J’appelle les Maliens à la vigilance et à l’intelligence, je suis tranquille, très
tranquille, c’est de ça qu’il s’agit. Il s’agit de détourner l’attention nationale mais à l’essentiel
aujourd’hui l’union nationale en vue de bouter hors de notre pays le terrorisme. Et ce
terrorisme-là qui a des alliés qu’on ne soupçonne pas, et cet allié-là est aujourd’hui quelque
part en train de subvertir et de faire en sorte que de l’intérieur nous nous combattions nous-
mêmes. Le cheval de Troie a existé, qu’on se souvienne de l’histoire, quand Troie a offert
une résistance héroïque, quand Troie a été inexpugnable, on y a introduit un cheval à
l’intérieur duquel il y avait des guerriers qui, la nuit venue, se sont mis à prendre la ville de
l’intérieur. Qu’on fasse attention, je ne voudrais pas dire autre chose mais que l’on ne se
trompe pas d’ennemi, en tout cas nous, en charge du pays aujourd’hui, ne nous trompons
pas d’ennemi pour le bonheur du Malien, pour le plus grand honneur du Malien, nous ne
nous tromperons pas d’ennemi. Et nous demandons à nos concitoyens de nous faire
confiance, nous sommes en mission de protection du pays, en mission de défense du pays et
nous y sommes attelés par toutes les voies, par tous les moyens, c’est de ça qu’il s’agit et
c’est ça la vérité. Tout autre discours est mensonger et poursuit d’autre but. Qu’il appartient
aux Maliens d’ouvrir les yeux pour comprendre de quoi il s’agit. Nul n’arrivera à subvertir le
Mali, à le prendre de l’intérieur, nul. Prétendre qu’Ogossagou nous aurait laissés indifférents
est une infamie, une ignominie de la pire espèce. Je crois que l’échange avec les imams était
requis et pour notre part en tout cas, c’est encore une des chances de ce pays-là, que quand
les moments de difficultés arrivent, quand les incompréhensions veulent s’installer, qu’il y
ait des autorités morales aussi importantes pour se lever et se mettre en branle pour aller
chercher la vérité et savoir comment se guider, c’est une chance pour le Mali ».
Les membres de la Limama sont en quelque sorte les gardiens de la société, de la
communauté. Ils ont fait des bénédictions et des prières pour le Mali, pour le chef de l’Etat
dans un Mali en paix et où les populations vont continuer à vivre ensemble dans la quiétude.
Les échanges se sont déroulés en présence du ministre des Affaires religieuses et du Culte,
du ministre Secrétaire général de la Présidence de la République, du ministre Directeur de

Cabinet du chef de l’Etat, du chef de Cabinet du chef de l’Etat et du Chargé de mission en
charge des questions de société.
C’est dans ce même cadre que le président a reçu les confessions religieuses lundi. Les lignes
n’ont pas bougé d’un iota. Les vrais acteurs qui devraient intervenir sur la situation ont été
superbement ignorés. Comme une comédie digne d’un cinéma grec, les mêmes acteurs ont
été invités au pupitre pour chanter le roi du jour. La question sur le départ du PM n’a pas été
l’objet de débat. Pourtant, l’homme de main du président est décrié.
Des milliers de manifestants ont dénoncé la situation sécuritaire et la mauvaise gouvernance
au Mali ; la tension était montée d’un cran sur les réseaux sociaux autour de la marche.
Dans sa courte intervention, l'imam Mahmoud Dicko a dénoncé la gouvernance du régime
d'IBK, la situation sécuritaire au centre du Mali avant d'appeler les Peulhs et les Dogons à la
réconciliation. « Mes frères Peulhs, la vengeance n'est pas la solution, mes frères Dogons, il
faut déposer les armes » a-t-il déclaré.
Soumeylou combattu par les siens
L’honorable Diarrassouba, membre du parti au pouvoir, le RPM, et 1 er questeur de
l’Assemblée nationale, a expressément demandé le remplacement du gouvernement par
une nouvelle équipe dont la base politique et sociale serait élargie. « Le gouvernement doit
être revu afin d’élargir sa base sociale. Il ne peut pas nous conduire aux réformes. Nous
l’avons dit depuis des mois. Transmettez le message à qui de droit » C’est le seul message
qu’il avait pour le général Salif Traoré, interpellé à l’Hémicycle le 3 avril 2019, pour
s’expliquer sur le massacre des civils à Ogossagou. Et le baron du parti au pouvoir de
demander au général Traoré de bien vouloir transmettre cette requête à qui de droit afin
que le pays surmonte les difficultés actuelles. «On ne peut aller nulle part avec ce
gouvernement », a déclaré le député qui estime que la profondeur des blessures de la nation
nécessite l’implication de plusieurs sensibilités dans la gestion du pays, tiraillé entre
insécurité et instabilité politique. Selon le député élu à Dioïla, le remplacement du
gouvernement par une nouvelle équipe doit se faire dans les plus brefs délais. Et il ne
plaisantait pas, à en juger par l’air grave qu’il affichait en demandant au ministre de la
Sécurité intérieur de transmettre son message au patron qu’il n’a pas cité : le président de la
République IBK. D’autres députés de la majorité présidentielle se sont exprimés dans la
même veine en sollicitant l’ouverture d’un dialogue national désigné sous plusieurs
vocabulaires. Il s’agit de rassembler les Maliens afin de parler des solutions, quitte à
s’insulter ; arriver à une feuille de route consensuelle sur la façon de gouverner le pays est
plus que jamais une urgence, selon des députés proches du pouvoir. Par ailleurs, l’actualité
ne joue pas en faveur de l’équipe de Soumeylou Boubèye Maïga qui est pointé du doigt dans
la crispation du climat politique et social du pays.
Le fait de vouloir interdire de la marche des religieux du vendredi dont les conséquences
étaient imprévisibles et la paralysie des négociations avec les syndicats grévistes de
l’enseignement et des DFM sont autant de sujets qui vont à l’encontre du gouvernement
actuel. Déterminée à ne pas aller au suicide avec le Premier ministre et son équipe, les
députés de la majorité ont décidé de lâcher leur gouvernement. Et dire que la scène
politique est décrispée. C’est dormir débout.
Zan Diarra